NETTALI.COM - Après un premier rendez-vous raté du 1er janvier 2023, le second du 1er février risque non plus de ne pas être respecté. Le gouvernement reste à l’écoute du Conseil constitutionnel, saisi par le Premier ministre pour permettre au chef de l’Etat de signer le décret qui institue la baisse des prix du loyer.
Maintenant, c’est le retour à la case départ. Mais avec une garantie ferme de faire appliquer la mesure attendue depuis des mois. Il y a plus de 4 mois, plus précisément le 17 septembre 2022, le chef de l’Etat avait pris l’option radicale de légiférer sur la baisse des prix du loyer décidée à la suite des consultations sur la vie chère. Le projet de loi avait été préparé et des dispositions prises pour une entrée en vigueur de la baisse au plus tard le 1er février 2023 (Voir L’Observateur n°5751 du jeudi 1er décembre 2022). Aujourd’hui, cette procédure est jetée à la poubelle. L’Etat a finalement décidé de passer par la voie réglementaire plutôt que la voie législative. D’après des informations de L’Observateur, cette nouvelle option s’explique par le besoin d’éviter les lourdeurs et longueurs des procédures. Au final, c’est un décret que Macky Sall devrait prendre pour faire appliquer les prix arrêtés à l’issue des concertations nationales.
Si le Gouvernement a fait marche arrière, c’est aussi pour ne pas tomber dans le même piège des mesures difficiles à appliquer. L’on rappelle que la baisse des prix du loyer de 2014 procédait d'une loi. Mais en réalité, l'article 572 du Code des obligations civiles et commerciales prévoit que la fixation de taux de loyer se fait par décret. D’après le rappel fait à L’Observateur, la voie réglementaire utilisée en 2014 procédait de la volonté de feu Professeur Iba Der Thiam de créer un débat sur le sujet et donner une «portée législative» à un texte qui relève d'une matière règlementaire.
Et pour contourner cette difficulté, le Gouvernement, par le biais du Premier ministre Amadou Bâ, a saisi le Conseil constitutionnel pour une «délégalisation» de la loi de 2014. D’après des informations de L’Observateur, cette saisine a été faite en début de semaine dernière. Il revient de confidences faites à L’Observateur que la Constitution du Sénégal donne la possibilité à l'Exécutif de saisir les «Sages» afin de déclarer un texte de la matière législative qui est intervenue dans le domaine réglementaire. Le chef du Gouvernement a suivi la Constitution qui, en son article 76, dispose : «Les matières qui ne sont pas du domaine législatif en vertu de la présente Constitution ont un caractère réglementaire. Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décret si le Conseil constitutionnel, à la demande du président de la République ou du Premier ministre, a déclaré qu’ils ont un caractère réglementaire en vertu de l’alinéa précédent.» Du côté du Gouvernement, l’on jure cette fois-ci que le chef de l’Etat apposera le Sceau sur le décret de la baisse des prix du loyer dès la réception de la décision du Conseil constitutionnel sur la demande de «délégalisation» de la loi de 2014.
Parallèlement au décret qui sera pris, le Gouvernement a maintenu l’option de la création d’une Commission de régulation du loyer à usage d’habitation pour éviter que la mesure de baisse des prix ne soit qu’un simple effet d’annonce. Cette commission annoncée dans l’exposé des motifs de la loi alors préparée par le Gouvernement sera mise sur pied, sous la même forme. Cette commission aura non seulement la charge de réactualiser le dispositif juridique locatif existant, mais aussi de veiller à l’application d’un dispositif de régulation des loyers à usage d’habitation adapté à la situation économique du pays. Et pour rendre opérationnelle la régulation des loyers à usage d’habitation par la Commission, outre sa mise en œuvre immédiate, une contribution des différents services du ministère en charge du Commerce, à travers ses agents assermentés et ceux des autres corps habilités, s’avère indispensable puisque les germes de l’échec de la mise en œuvre des décisions de baisse de 2014 se retrouvaient, entre autres, dans l’absence d’un suivi opérationnel rigoureux.
Cette baisse des prix du loyer a été l’une des mesures phares prises par le Gouvernement du Premier ministre, Amadou Bâ, au lendemain de sa nomination. A l’issue de concertations de plusieurs jours avec tous les acteurs du secteur, il a été décidé d’une baisse de 5% pour les loyers de plus de 500 000 FCfa de 10% pour ceux allant de 300 000 FCfa à 500 000 FCfa et de 20% pour ceux inférieurs ou égaux à 300 000 FCfa. La fixation des prix du loyer était aussi accompagnée de mesures comme le réaménagement des conditions d’accès à la location. Le montant de la caution à verser d’avance, à titre de garantie, ne peut excéder une somme équivalente à deux (2) mois de loyer pour les montants des baux ne dépassant pas 500 000 FCfa. Et seul l’équivalent d’un mois est payable à l’entrée en jouissance, ensuite l’équivalent du second mois est étalé sur la location mensuelle pendant douze (12) mois en raison 1/12 par mois. Aussi, le montant du loyer à verser d’avance est supprimé, celui-ci est payé à la fin du mois de jouissance. Les frais liés à la commission d’agence ou de courtier sont ramenés à la moitié d’un mois de loyer.