NETTALI.COM - D’une histoire de racisme hors de nos frontières, le scandale de latraque des Noirs en Tunisie pourrait prendre une autre tournure au Sénégal.
Guy Marius Sagna ne compte pas croiser les doigts, après avoir passé une journée dans les liens de la détention, samedi dernier. Le député a annoncé, ce mardi, avoir déposé une plainte auprès du procureur de la République “pour enlèvement, séquestration, détention arbitraire et violation de l’immunité parlementaire de député en session” contre Khady Fall, Commissaire de police à Dakar-Plateau, et X, en application de l’article 112 du Code pénal.
Le député de la coalition Yewwi Askan Wi (opposition) a été arrêté en compagnie de 13 autres personnes appartenant à diverses organisations “pour participation à une manifestation interdite. Ils étaient partis déposer individuellement des lettres de protestation à l'ambassade de Tunisie”, selon leur avocat, Me Moussa Sarr.
“Nous (...) venons, par cette présente lettre, protester contre la chasse aux Africains noirs en cours en Tunisie, après les propos racistes et haineux du président tunisien”, indique l'une des lettres d'un militant. S'exprimant lors d'une réunion du Conseil de sécurité nationale “consacrée aux mesures urgentes qui doivent être prises pour faire face à l'arrivée en Tunisie d'un grand nombre de migrants clandestins en provenance d'Afrique subsaharienne”, le président tunisien Kaïs Saïed a prôné, le 21 février 2023, des “mesures urgentes” contre l'immigration clandestine de ressortissants de pays d'Afrique subsaharienne, affirmant que leur présence en Tunisie était source de “violence, de crimes et d'actes inacceptables” visant à “changer la composition démographique” du pays. Des propos qui ont suscité une vague d’indignations en Afrique et à travers le monde.
Violation de l’immunité parlementaire
Revenant sur la journée du samedi, Guy Marius Sagna affirme s’être rendu à l'ambassade de Tunisie à Dakar pour déposer une lettre de protestation en sa qualité de député. Une fois sur place, “le commissaire du Plateau et ses hommes ont barricadé l'accès à l'ambassade. Elle a ordonné de nous charger par des grenades lacrymogènes, puis notre arrestation. C'est ainsi que j'ai été acheminé dans les locaux du commissariat du Plateau avant d'être séquestré en violation flagrante des règles constitutionnelles élémentaires qui garantissent mon immunité parlementaire et aussi au mépris des dispositions de l'article 112 du Code pénal”. Ce point précis de la loi invoquée par l’honorable député dispose : “Seront coupables de forfaiture et punis de la dégradation civique, tous officiers de police judiciaire, tous procureurs généraux ou procureurs de la République, tous substituts, tous juges qui auront provoqué, donné ou signé un jugement, une ordonnance ou un mandat tendant à la poursuite personnelle ou accusation, soit d'un ministre, soit d'un membre de l'Assemblée nationale sans les autorisations prescrites par les lois de l'État, ou qui, hors les cas de flagrant délit, auront, sans les mêmes autorisations, donné ou signé l'ordre ou le mandat de saisir ou arrêter un ou plusieurs ministres ou membres de l'Assemblée nationale. Sans aucune forme de procédure, j'ai été libéré à 5 h du matin, après une longue journée de séquestration et de détention arbitraire”.
“Mon arrestation ainsi que la garde à vue dont j'ai été victime sont totalement arbitraires”
Se basant sur ce texte, l’activiste rappelle que le député, élu du peuple, “est un représentant qualifié de la Nation. L'autorité de l'Assemblée nationale, incarnée par les députés, est garantie par des normes constitutionnelles et législatives”. De ce fait, estime-t-il, “mon arrestation ainsi que la garde à vue dont j'ai été victime sont totalement arbitraires. Mes droits, en tant que député couvert par son immunité, n'ont pas été respectés”. Plus au fait, constate-t-il, “la forfaiture dont s'est rendu coupable le commissaire”, “il n'existe aucune règle de droit national ou international qui interdit la transmission ou le dépôt d'une lettre de protestation dans une ambassade. D'ailleurs, c'est la réaction inappropriée et disproportionnée du commissaire qui a troublé la paix de la mission diplomatique tunisienne à Dakar”.
Séparation des pouvoirs
S’agrippant sur l'exercice du mandat parlementaire et sur sa “liberté constitutionnelle de mouvement”, le député indique avoir simplement voulu apporter “une assistance morale à nos concitoyens vivant en Tunisie”. C’est pourquoi, ajoute-t-il, j'invite le pouvoir Judiciaire à sévir pour le respect scrupuleux des droits des députés, de la séparation des pouvoirs et surtout de l'immunité parlementaire. J'invite la justice, dans le respect scrupuleux de la séparation des pouvoirs, de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires et légaux pour garantir le respect dû aux députés, et ce, afin d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise”.
Depuis les propos du président tunisien, les Africains noirs présents en Tunisie dénoncent des violences, des arrestations arbitraires, des licenciements abusifs. Si aucun Sénégalais n’est officiellement répertorié parmi les victimes de ces abus, des centaines de ressortissants guinéens, maliens et ivoiriens ont été rapatriés de Tunisie dans des avions envoyés par leurs gouvernements respectifs. Le gouvernement sénégalais à, quant à lui, annoncé la mise en place d’une cellule de crise pour ses ressortissants au pays du Jasmin.
Rétropédalage des autorités tunisiennes
Face aux condamnations, le ministère tunisien des Affaires étrangères a publié, le samedi 4 mars, un communiqué dans lequel il renouvelle l’engagement de la Tunisie à protéger les communautés africaines résidant dans le pays, tout en appelant le Comité des sages d’Afrique à “faire passer des messages d’apaisement et de solidarité entre les différents pays du continent”. Partant de la profondeur des relations qui lient la Tunisie et l’Afrique, et dans le but de faciliter les procédures pour les étrangers résidant en Tunisie et de protéger autant que possible les différentes communautés, les autorités tunisiennes ont décidé, entre autres, de délivrer des cartes de séjour d’un an pour les étudiants des pays africains, de mettre en place un numéro vert à la disposition des résidents de différents pays africains pour signaler tout abus à leur encontre.