NETTALI.COM - Se rendra-t-il ou pas à son procès pour viol renvoyé au 23 mai ? C’est la question que beaucoup se posent. Après son interview avec Walf TV, le vendredi 19 mai, Ousmane Sonko a posé des conditions pour se rendre à son procès, après le faux bond du 16 mai. Le juge avait fini par renvoyer le procès pour se conformer à la loi par rapport à une question de procédure.
Pour un procès qui a duré un peu plus de 2 ans, avouons que cela commence à être bien long. Une raison supplémentaire pour en finir avec l’affaire afin que le pays retrouve sa sérénité. Mais n'oublions quand même pas que le dossier Ndiaga Diouf pour lequel Barthélémy Dias est jugé, a duré 11 ans.
Mais à retourner cette affaire de viol dans tous les sens, il est bien difficile d'imaginer voir le procès abandonné. A moins peut-être de vouloir dénier à l’accusatrice, ses droits. Toujours est-il que ce sera à cette dernière d’apporter la preuve de ses allégations. Ce qui n'est pas une mince affaire au regard de la quinzaine d’avocats d'Ousmane Sonko constitués et qui vont devoir cuisiner Adji sarr lors du procès et si le contradictoire a lieu.
Dans ce dossier qui n’en finit de polluer l’atmosphère, tout est en effet parti de la plainte de la masseuse Adji Sarr à la Section de recherches de la gendarmerie Colobane à la date du 2 février 2021. A la suite d’une instruction débutée par son prédécesseur, le juge Samba Sall, décédé peu de temps après, l’actuel doyen des juges du tribunal de grande instance hors classe de Dakar, Oumar Maham Diallo a renvoyé les parties en jugement devant la chambre criminelle, ainsi que l’avait sollicité le procureur de la République dans son réquisitoire définitif.
Des accusations que le leader du Pastef-les patriotes, Ousmane Sonko, a toutefois toujours contesté depuis l’éclatement de l’affaire, arguant d’un complot ourdi par le régime du président Macky Sall. Ce qui ne l’avait toutefois pas empêché dêtre inculpé et placé sous contrôle judiciaire par le défunt doyen des juges, Samba Sall.
Mais c’était sans compter avec les avocats d'Ousmane sonko qui ont introduit un recours devant la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar pour attaquer l'ordonnance du Doyen des juges d'instruction renvoyant Ousmane Sonko et Ndèye Khady Ndiaye devant la Chambre criminelle. En effet, les avocats ont considéré que l'article 180 du Code de procédure pénale causait un tort à leurs clients puisqu'il dispose que l'inculpé ne peut pas attaquer l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction alors que le parquet a cette faculté.
Les juges d'appel ont dès lors rejeté l'exception d'inconstitutionnalité soulevée et déclaré l'appel des avocats de Sonko irrecevable. Le pourvoi en cassation formé par ce dernier après ce revers, a également été rejeté. Dès lors, les voies de recours étant épuisés, le Procureur a enrôlé ce dossier criminel qui, en réalité, devait être jugé avant l’affaire Mame Mbaye Niang-Sonko s’il n’y avait pas eu tous ces recours des avocats du leader de Pastef.
Alors que le procès devait s’ouvrir le mardi 16 mai, les signes d’une absence d’Ousmane Sonko étaient déjà perceptibles. L’annonce même de la réunion de son conseil municipal, le jour du procès, laissait clairement entrevoir qu’il ferait faux bond au tribunal. D’ailleurs son absence à la manifestation du F 24 contre la candidature de Macky Sall, est venue confirmer une stratégie arrêtée dans ce sens.
Qu’il se rende à son procès ou pas, les avocats du leader du Pastef souhaitent sa présence. Me Bamba Cissé et ses confrères attendent en tout cas la semaine prochaine pour être édifié, estimant que leur rôle d’avocat est de conseiller leur client, même s’ils comprennent la réticence de celui-ci qui « a fait l’objet, de brimades, de violences, de beaucoup de brutalités sur sa personne, de barricade à son domicile et d’atteinte à sa liberté d’aller et de venir.» C’est cette raison à son avis qui justifierait sa décision de recourir à la désobéissance civile. Pour lui, si tous ces obstacles sont levés, il ne voit pas pourquoi Ousmane Sonko ne serait pas là. Bamba Cissé est d’ailleurs d’autant plus convaincu qu’Ousmane Sonko doit se rendre à ce procès, considérant que le dossier « est plus que vide » pour ne pas dire« squelettique ».
Alioune Tine, le leader d'Afrika Jom Center est du même avis. Déjà le lundi 15 mai, à la veille du procès d’Ousmane, il avait tenu, sur la TFM, à conseiller Ousmane Sonko de se rendre dignement à son procès, en tant que présidentiable de manière à laver son honneur, étant entendu que l'opinion internationale suit son affaire.
Un appel qui ne sera pas du tout entendu par le leader du Pastef. Il faut dire que beaucoup de rumeurs avaient circulé au sujet d’une ordonnance de prise de corps de celui-ci, pour avoir refusé de déférer à la convocation dans le cadre d’une audience d’identification conformément à la procédure, la veille du procès, à 8 H 30. La réalité est venue montrer, surtout avec ces manifestations notées, suite au bouclier constitué par des militants et sympathisants Pastéfiens en Casamance, que tout ceci ne correspondait pas à la vérité. Il n’a jamais été à la vérité question d’aller débusquer Ousmane Sonko manu militari à Ziguinchor où il s’était terré depuis ce fameux conseil municipal convoqué opportunément pour zapper le procès en appel pour diffamation. Déjà la veille, des centaines de personnes ont passé la nuit devant son domicile, suite aux rumeurs entretenues au sujet d’une probable arrestation.
Entre affrontements violents, pillages et attaques
Ce qu’on redoutait tant, arriva. Des blocus sont opérés dans la capitale du sud, des pneus sont brulés, des routes barrées à l’aide de bois et de grosses pierres dans plusieurs endroits, et Ziguinchor a fini par être le théâtre de violents affrontements entre les militants de l’opposant Ousmane Sonko et les forces de défenses et de sécurité. La situation avait vite dégénéré et donné naissance à des échauffourées qui ont occasionné 3 morts au total et 28 blessés pris en charge dans les hôpitaux de Ziguinchor.
De même dans plusieurs quartiers de Dakar, à la veille du procès pour viol et menaces de mort opposant Ousmane Sonko à Adji Sarr, des affrontements ont éclaté à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Dans d'autres artères de la capitale telles que la Patte d'oie, Parcelles Assainies, Yarakh et Pikine, des manifestations violentes sont notées. La Senelec et la station d'essence de Castors ont été pillés par les manifestants. De même que Auchan Pikine a été incendié. Les images publiées sur les réseaux sociaux le confirmeront. On y voit le magasin en flammes. Au dépôt de Keur Massar, ce sont des dizaines de bus qui ont été incendiés, mais heureusement qu’ils n’étaient que des épaves. De même que des vitres de futures gares du BRT. Sur les réseaux sociaux, ces images de pillage et de destructions tous azimuts, entraînent même des joutes verbales entre ceux qui estiment que les biens publics ne doivent pas être saccagés et ceux qui pensent que la situation aurait dû être prévenue afin de ne pas en arriver là.
A Liberté 6 extension, le domicile de Serigne Mbaye, ministre de l’eau et de l’assainissement est même attaqué et sa voiture, une Mercedes noire garée devant, est incendiée après que des détonations de cocktails molotov sont entendues.
A Goudomp dans le sud du Sénégal, la villa du directeur général de la Sapco, Souleymane Ndiaye, est vandalisée, alors que le concerné, depuis Dakar, condamnait des actes de vandalisme.
De même comment ne pas souligner que le certificat délivré par l'hôpital Idrissa Pouye (ex-Cto) après la mort d'un manifestant à Keur Mbaye Fall, le jour du renvoi du procès Ousmane Sonko-Adji Sarr, a désavoué le ministre de l'Intérieur. Alors que, dans un communiqué, Antoine Félix Diome soutenait que le jeune homme, Pape Amadou Keïta, a succombé à ses blessures causées par une arme blanche, l'autopsie a révélé qu'en réalité qu'il est mort d'un balle qui a traversé son corps. De quoi se poser des questions et se demander quelle sera la posture du gouvernement dans cette affaire ?
Entre Incitations aux manif et volonté de discréditer certains médias
Toujours est-il qu'une psychose sans précédent avait à partir de ce moment fini de s’installer avec l’effet amplificateur des réseaux sociaux où l’on cherchait à montrer que tout Dakar et une partie du Sénégal est en feu. L’on a pu aussi voir quelques vidéos circuler sur les réseaux pour pousser les jeunes à sortir. Une vidéo diffusée sur tik tok, incitaient ceux-là à brûler un blindé de la police à Ziguinchor pour ainsi enrayer l’action des forces de l’ordre ; le personnage qui y parle, demandait aussi de bloquer le port de Ziguinchor. De même d’autres vidéos faisaient référence a un supposé complot du général Moussa Fall visant à tuer Ousmane Sonko grâce au recours à des mercenaires venant de Guinée Bissau et de Gambie. La manipulation des manifestants est a son comble. On nage en plein délire. L’objectif est clair, alerter les autorités sur la gravité de la situation et produire de l’effet chez elles et dans l’opinion.
Des médias télévisuels si prompts à couvrir et à relayer les manifestations, sont même accusés d’avoir fait le black-out sur les évènements. Et plusieurs médias en ligne, sont victimes de la même situation. Accusés eux aussi d’être à la solde du régime, ils sont vilipendés sur les réseaux sociaux. Ils seraient mobilisés pour « distiller une propagande rapide par rapport à la situation qui prévaut à Ziguinchor ». Les noms des dirigeants de ces supports sont cités, demandant aux internautes de ne croire à aucune information « venant de ces torchons ».
Une autre information relayée par la RFM et présentée comme une exclusivité, à savoir un jugement par contumace d’Ousmane Sonko, s’est révélée être elle aussi une bulle qui s’est vite dégonflée. Trop de manipulations, de rumeurs et de fantasmes dans cette affaire.
Mercredi 17 mai, Ousmane Sonko qui s’était barricadée dans son domicile, est réapparu en public. Habillé d’une chemise bleue et d’un pantalon treillis vert-olive, il a fait un bain de foule avant de retourner à son domicile. D'aucuns ont prétendu qu’il répondait à Madiambal qui, sur la TFM, à l’émission "Faram facce" avait argué qu’il était introuvable pour s’être caché dans le bois sacré. Celui ci reprendra d’ailleurs en avoir parlé le lundi alors que celui ci est sorti le le mercredi.
Se rendra-t-il à son procès le 23 mai, seul lui le sait pour le moment. Ses avocats d’Ousmane espèrent en tout cas qu’il se rende à son procès, même si des conditions ont été posées. Selon en effet un de ses conseils "Ousmane Sonko n’a jamais refusé de venir. Il a fait une conférence de presse et a expliqué pourquoi il a entamé la désobéissance civile. Parce que tout simplement ses droits ne sont pas respectés. Chaque fois qu’il est convoqué, sa maison est bunkérisée, son quartier barricadé. Chaque fois qu’il est convoqué, arrivé à la stèle Mermoz, il est brutalisé. Il a même fait l’objet d’une tentative d’assassinat. Si les conditions sont réunies, il sera là. Si les conditions ne sont pas là, il ne va pas venir". Des conditions rejetées par Karim Fofana qui lui a fait savoir qu'il n'a aucune condition à poser.
Quant à l’avocat de Ndèye Khady Ndiaye, il a demandé à ce que la date de renvoi soit de l’ordre d’un mois à 45 jours pour leur permettre, lui et ses confrères de la défense, de prendre le temps d’étudier ce dossier volumineux de 471 pages avec des audios, des vidéos et des photos. En attendant cette date, le Sénégal retient de nouveau son souffle.
Un procès du tribunal et non de la rue
Pour un procès celui ci a ce gros inconvénient d’avoir profondément divisé la société sénégalaise avec des clivages sans précédent. Il a aussi révélé les travers de l’utilisation des réseaux sociaux, faits de propagande, de manipulations et de mensonges.
Mais qu’est-ce qu’il a soulevé comme passion et fantasmes ! Un dossier qui a fini sur les réseaux sociaux et dans la rue, avec ces sénégalais experts devant l’éternel qui n’ont cessé d’émettre toutes sortes de thèses et d'hypothèses.
Ils ont tout aussi évoqué les équations du certificat médical sans jamais avoir pris connaissance du contenu exact, fait dire au médecin ce qu’il n’a jamais dit sur un certain décryptage technique. Ils ont aussi puisé toute la littérature sur le test d’ADN, sans jamais comprendre sa motivation et son but. Bref, autant de vérités que de personnes.
Qu’est-ce qu’ils sont forts ces Sénégalais pour parler de choses qu’ils ne maîtrisent point ! Ils n'ont pourtant ni la science du droit, ni la médecine et ignorent tout des procédures judiciaires et de l’organisation judiciaire. Si le droit était une matière, simple, il n’y aurait sans doute pas autant de vérités dans cette affaire. Il ne serait pas non plus enseigné à la faculté de droit avec un nombre d’échec impressionnant en 1ère année.
Au-delà, qu’Ousmane Sonko décide de ne pas prendre part à ce procès, peut être compris et respecté. C’est son droit. Mais s’enfermer dans une défiance jusqu’au-boutiste, peut se révéler être une posture contre-productive et infructueuse ? Ses avocats sont d’accord et ont posé un certain nombre de conditions pour sa participation. Qu’il leur fasse confiance surtout que certains d’entre eux ont jugé le dossier vide. Ce sera surtout à Adji Sarr, l’accusatrice d’Oumane Sonko d’apporter la preuve de ses allégations.
Tous ceux qui ont jugé l’affaire avant l’heure, doivent à la vérité comprendre qu’une affaire s’apprécie dans son entièreté et non par rapport à des bribes prises par ci par là, sans oublier ces ouïes dire, ces propos d’avocats qui n’ont d’intérêt que d'avancer des arguments favorables à leur client, voire encore se fier à des audios ou vidéos dont on ne sait pas s'ils sont authentiques ou pas.
Nous sommes en effet devant une juridiction de jugement où, suivant les dispositions du code de procédure pénale, le juge ne peut fonder sa conviction que sur les preuves rapportées et discutées devant lui. Ce qui a pu être dit ou discuté dans la rue ou dans les médias, ne saurait nullement l’intéresser. S’il y a, ne serait-ce qu’une once de doute quant à la culpabilité de l’accusé, celui-ci devrait lui profiter. C’est ce que dit la loi.
De plus pour un procès public et aussi surveillé au niveau national qu’international, il sera bien difficile de produire des preuves ou des arguments fallacieux pour espérer gagner le procès. L’opinion du peuple, au nom duquel la justice est rendue, compte. Et il semble bien que l’intérêt de l’Etat est que ce procès, qui pollue l’atmosphère depuis un peu plus de 2 ans, soit juste et équitable.