NETTALI.COM - Les avis les plus contrastés animaient hier nuit les débats sur les réseaux sociaux, suite à la diffusion d’un audio devenu rapidement viral et dans lequel le Khalife général des mourides a souhaité “l’autonomie de la ville de Touba” comme la cité du Vatican l’est en Italie, en citant la particularité de l’État pontifical situé dans la capitale italienne Rome.
“La ville (NDLR : Touba) doit être indépendante”, a-t-il déclaré en wolof, ajoutant que ce ne serait là que justice et mise en adéquation avec les recommandations de son fondateur, son grand-père Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, fondateur de la confrérie. “Ce devrait être un processus qu’on doit lancer et envisager de le mener jusqu’à son terme. “Il y a un pays nommé Italie et dont la capitale est Rome. Dans cette capitale, il y a un chef religieux à la tête d’un État avec ses propres attributs et indépendant de l’Italie. Et ce chef religieux n’est pas mieux habilité que Serigne Touba à avoir les mêmes prérogatives”, a indiqué le guide des mourides.
S’adressant précisément à Serigne Fallou Fall qui faisait office de porte-parole des baaye faal à cette occasion, le khalife général enjoint à ce dernier de matérialiser cette directive (Ndigueul) avec “sagesse et mesure”, en gardant à l’esprit le fait que “c’est un processus irréversible”. Serigne Mountakha Bassirou Mbacké s’exprimait en marge de la traditionnelle cérémonie de remise de 1 120 moutons par le khalife des baaye faal, Serigne Modou Amdy Mbenda Fall, à Touba pour les besoins de la célébration de la Tabaski. Sur les relations entre la ville dotée d’un statut spécial et l’État, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké a recommandé aux fidèles de “ne jamais entrer en contradiction avec les tenants du pouvoir temporel et de travailler main dans la main avec eux”.
Le patriarche de Darou Minane a aussi indiqué que le fondateur du mouridisme a inscrit sa pensée et son action dans la non-violence. Le guide religieux a réitéré ses recommandations aux fidèles mourides et salué l’engagement des baaye faal dans l’œuvre de Serigne Touba. “Assurer la sacralité de la ville sainte doit être vu comme un devoir”, a conclu le marabout. Déjà, au début du mois de juin, le chef suprême des mourides avait édicté une consigne interdisant les activités politiques, dont la tenue de scrutins dans la ville sainte, devenue maintenant la deuxième agglomération au Sénégal au regard du nombre de ses habitants.
Pour la première fois, des violences ont éclaté à Touba dans le sillage des troubles qui ont accompagné la procédure judiciaire contre le leader de Pastef Ousmane Sonko dans l’affaire Sweet Beauté. Touba est encore considéré administrativement comme un village, tout en bénéficiant d'un statut d'exterritorialité officiellement reconnu. Au début de son régime, Macky Sall a une fois évoqué la question. C’était à l’occasion du Conseil des ministres décentralisé tenu à Kaolack en juin 2012. Le communiqué publié à l’issue du conclave gouvernemental avait souligné que “le président de la République a demandé de renforcer la décentralisation. La communauté rurale de Touba a une taille bien particulière et eu égard aux activités économiques de cette communauté, une étude est en cours pour conférer un statut particulier à cette cité religieuse”. Depuis, rien de nouveau.
Lors des dernières élections législatives, une écrasante majorité d’électeurs de Touba avaient choisi le bulletin blanc. Le département de Mbacké, qui l’abrite, est régulièrement perdu lors des élections par la majorité présidentielle, depuis l’arrivée au pouvoir de Macky Sall. Le maire de la commune de ToubaMosquée est désigné par le khalife général des mourides. Du reste, son bureau municipal ne respecte pas la loi sur la parité et y sont interdits le tabac, l’alcool, les jeux de hasard et les matches de football. Son statut fait régulièrement l’objet de controverses qui retombent tout aussi rapidement. Mais c’est la première fois qu’un guide suprême de la confrérie évoque “l’indépendance” de la ville.