NETTALI.COM - "Kuy yoot, du sëkët" (Qui veut atteindre un objectif, ne fait point de bruit). Proverbe wolof.
C lap de fin sur une note apaisante. Le "soldat" Macky Sall sort par la grande porte. Alors que tous les signaux apparents semblaient converger vers une affirmation de sa candidature à la prochaine Présidentielle, voilà donc le leader de l’Alliance pour la République, intronisé un certain 2 avril 2012, décide, en toute liberté, de ne point briguer un troisième mandat. "Entre Ici" Macky Sall, a-t-on envie de dire, comme André Malraux le déclama, un certain 19 décembre 1964, lors du transfert des cendres du résistant Jean Moulin du cimetière de Père-Lachaise au Panthéon de la République française.
L’annonce de la nouvelle dans le cadre d’un discours qui restera dans l’histoire de notre jeune et vaillante nation, est sans nul doute une surprise pour beaucoup de nos concitoyens. En bon politique, le président Macky Sall a laissé planer le mystère au point que même les plus fins analystes se sont perdus dans leurs projections. Ils devront retourner à leurs cours et relire Nicolas Machiavel.
En vérité, tous ceux qui connaissent réellement Macky Sall (nous pensons qu’ils sont très peu nombreux dans ce pays) savaient bien qu’il n’avait pas l’intention de se présenter. L’annonce d’hier ne découle aucunement de la conjoncture politique. Sa décision était actée dans sa tête depuis fort longtemps. Mais le contexte politique est tel qu’il devait sans doute gagner du temps, pour garder ses troupes en rangs serrés jusqu’au dernier moment. Pour cela, il fallait manipuler, divertir. Et il l’a fait sans état d’âme, conformément à sa vraie nature, méconnue des Sénégalais.
Qui peut raisonnablement lui en vouloir ? Nous savons tous avec quelle "galanterie" nos hommes politiques peuvent se comporter vis-à-vis d’un mentor qui annonce sa retraite. La conséquence immédiate, c’est la prospection d’autres paysages, porteurs d’avenir. Quitte à se renier totalement. Le président Sall, premier président en fonction à arbitrer une élection présidentielle sans être candidat, l’a sans doute compris, qu’il rappelle dans son discours qu’il reste maître du navire jusqu’au 2 avril 2024. Cela veut dire qu’il garde ses capacités à influer sur la marche des choses et surtout à orienter le sens du jeu. Un message non codé destiné surtout à ses proches.
La sortie du président est une très bonne nouvelle pour le Sénégal dont l’image à l’international a été fortement écornée par les derniers événements douloureux qui ont fait des morts et beaucoup de dégâts. Nous continuons toujours à pleurer ces vies perdues. Cette annonce aurait-elle été proférée quelques mois avant qu’on aurait sans doute économisé des âmes. Car, l’une des mamelles qui ont dopé la colère, était sans nul doute la question du troisième mandat. Mais, dans le même temps, la complexité de la chose politique est telle qu’on ne peut pas entièrement lui reprocher son silence. C’est sans doute un déficit d’élégance politique, mais le président Macky Sall n’a commis aucune faute, du point de vue strict de la loi, en observant le silence. Le mutisme n’est point un crime.
Exit le syndrome 2012 avec Me Abdoulaye Wade, le Sénégal peut à nouveau renouer avec les étoiles. L’image du pays va connaître un nouvel éclat dont les médias du monde se feront sans doute l’écho. Un bon point pour le pays qui emprunte ainsi une bien lumineuse voie, tranchant d’avec l’ambiance tout autour de nous.
Les effets immédiats de cette annonce concernent aussi la coalition qui a porté Macky Sall au pouvoir et avec laquelle il gouverne sans discontinuer depuis 2012. Quelle sera la stratégie de Benno Bokk Yaakaar (BBY) dans ce nouveau contexte ? Quelle offre politique sera mise sur la table, maintenant que les partis politiques risquent fort de réaffirmer leur indépendance, si le consensus n’est pas trouvé sur le meilleur profil à même de permettre cette coalition de garder le pouvoir ? Quid de l’ancienne Première ministre, Aminata Touré ? Comment va-t-elle se positionner dans ce contexte, elle qui avait fait du troisième mandat son cheval de bataille ? Quelle pertinence pour quelque discours extrémiste dans le contexte actuel ? Qui pour désormais entendre des sorties guerrières et incendiaires sur “Macky dégage”, racine nourricière du camp de Sonko ? Il va bien falloir que les uns et les autres fassent le deuil de l’os à ronger.
Et la question du “que faire ?”, pour paraphraser l’autre, devient donc centrale. L’alliance des intelligences, théorisée par certains, trouve ici toute sa pertinence. En vérité, nous nous engouffrons dans un nouveau paradigme, riche en incertitudes. Il faut juste espérer que la lucidité prévaudra. Et la modestie aussi. Car ce que la non- candidature à la Présidentielle de 2024 enseigne, c’est que toute analyse, pour fine qu’elle soit, doit prendre en compte la complexité de la chose politique, pour éviter de finir dans les poubelles de l’Histoire. On a beau aligner les mots, structurer un argumentaire, assaisonner ses idées avec toutes les épices de rationalité, on peut toujours être surpris par un petit grain de sable qui transforme les plus beaux édifices en archives...
Bien malin maintenant celui qui connaît le nom du prochain président !