NETTALI.COM - Sans surpris, les projets de loi n°10/2023 portant révision de la Constitution et loi n°11/2023 modifiant la loi n°65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de Procédure pénale, défendus devant les députés par le ministre de la Justice, sont passés comme lettre La Poste, hier à l’Assemblée nationale. Le vote de ces lois permet désormais d’insérer de nouvelles dispositions dans le système de parrainage et de supprimer définitivement la Crei, objet de vives contestations.
C’est désormais acté. Les recommandations issues du Dialogue national sont en train d’être appliquées, à la lettre comme le souhaite le Gouvernement. Le Projet de loi n°10/2023 portant révision de la Constitution et le Projet de loi n°11/2023 modifiant la loi n°65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de Procédure pénale défendus hier devant les parlementaires par le ministre de la Justice, Imaïla Madior Fall, ont tous les deux étaient adoptés. Le projet de loi portant révision constitutionnelle relative au parrainage a été voté par les députés. En effet, ces nouvelles dispositions de l'article 29 de la Constitution font partie des fruits des conclusions du Dialogue politique. Le ministre est d’avis que ce projet de révision constitutionnelle vise, tout en garantissant les conditions de légitimité, à assouplir les conditions de présentation des candidatures à l'élection présidentielle, notamment celles relatives au parrainage. Désormais, le nombre de parrains citoyens exigé pour prendre part à la Présidentielle est revu à la baisse, consécutivement au rétrécissement du plafond et du plancher, initialement fixés entre 1 et 0,8% du fichier électoral général. Cette réforme procède à l'instauration d'un système de parrainage optionnel, lequel fait désormais cohabiter, d'une part, le parrainage des citoyens avec, au maximum 0,8%, et au minimum 0,6%, calculé sur la base du fichier électoral général et, d'autre part, le parrainage des élus par 8% des députés composant l'Assemblée nationale ou 20% des chefs d'exécutif territorial (maires et/ou présidents de Conseil départemental). Lors des débats en plénières, les députés de la 14e Législature ont beaucoup attiré l'attention du ministre de la Justice sur le principe du parrainage unique, c'est-à-dire un électeur parraine un candidat. Ils estiment que ce principe viole le secret du vote. Ce qui ne devait pas être le cas, selon eux.
Répondant aux interpellations des députés concernant le parrainage des chefs d'exécutif territorial, Ismaïla Madior Fall a fait savoir que le projet de texte vise, bien entendu, les maires et les présidents de Conseil départemental. Sur ce point, il a ajouté que ces derniers ne pouvaient pas être mentionnés explicitement dans le corps du texte, car les règles légistiques recommandent d'utiliser des formules génériques pour préserver la Constitution d'éventuelles modifications d'ordre formel. En ce qui concerne le parrainage des personnes occupant des fonctions de maire et de député, il a indiqué que c'est la qualité d'électeur qui est considérée et non le statut de maire ou député. En conséquence, dit-il, ces personnes ne peuvent parrainer qu'un seul candidat. Sur le silence de la réforme proposée concernant le parrainage pour les élections Législatives, le ministre a précisé que la Constitution ne réglemente que le parrainage de l'élection Présidentielle. S'agissant des modalités d'organisation des élections Législatives, elles sont prises en compte par voie législative, notamment, par la loi électorale.
«Renforcer les moyens de lutte contre la délinquance économique et financière»
Après l'adoption des nouvelles dispositions de l'article 29 de la Constitution relatives au parrainage, les députés se sont penchés sur le projet de loi portant Code de Procédure pénale. Ils ont aussi adopté les textes visant à mettre un terme à la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) pour mettre en place un Pool judiciaire financier. Selon Ismaïla Madior Fall, ministre de la Justice, aujourd'hui, on s'est rendu compte que la Crei n'est pas efficace pour lutter contre la délinquance économique et financière. C’est pour cela qu’il est prévu, dans le cadre dudit projet de loi, de la supprimer et d'instaurer un pool judiciaire financier spécialisé dans la répression des crimes et délits économiques ou financiers, doté de magistrats spécialisés dans le domaine de la criminalité économique et financière, chargés des poursuites et du jugement des infractions y relatives. «Il y a une question qui est posée sur : que deviennent les affaires qui sont pendantes devant la Cour ? Ces affaires seront transférées au niveau du Pool. Il n'y a pas abandon des poursuites. C'est le Pool qui va reprendre tout ça. Il ne faut pas comprendre que l'instauration de ce nouveau Pool signifie la fin de la reddition des comptes au Sénégal. Elle ne signifie pas une volonté de se soustraire aux poursuites. Il y a une volonté politique consistant à renforcer les moyens de lutte contre la délinquance économique et financière», confie Ismaïla Madior Fall.
Concernant la sphère de compétence du Pool judiciaire financier, le ministre de la Justice a fait comprendre qu'il exerce une compétence concurrente à celle des juridictions de droit commun, pour la poursuite, l'instruction et le jugement de certaines infractions à caractère économique ou financier, prévues à l'article 677- 93, présentant une grande complexité, en raison notamment du nombre important d'auteurs, de complices ou de victimes, de l'importance du préjudice, ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent. «Le Pool judiciaire financier est plus redouté que la Crei. II sera plus outillé. L'expertise ainsi que la technicité des magistrats spécialisés dans le domaine de la criminalité économique et financière feront que la traque va être plus facile pour eux et plus corsée pour ceux qui vont être traqués», rassure Ismaïla Madior Fall. Très satisfaits, les députés du Pds disent avoir raison de soutenir à l'époque que la Crei est une juridiction dangereuse pour le Sénégal.