NETTALI.COM - Karim Wade vivra son baptême du feu en 2024. Les opérations de vente de cartes sont en train de miner le parti : un chantier primordial pour lui. Il peut compter sur un fidèle électorat qui maintient le PDS dans le wagon de tête. Son grand retour demeure un grand mystère dans les rangs du parti.

Candidat de l’un des partis les plus importants du Sénégal (Parti démocratique sénégalais - PDS), Karim Wade pourrait être rangé dans la catégorie des outsiders de l’élection présidentielle de février 2024. Très présent dans le débat public depuis 2004 (à sa nomination à la tête du Conseil de surveillance de l’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique - Anoci), le fils de l’ancien président est très attendu pour ce qui va être sa première participation à une compétition électorale majeure, en tant que chef d’équipe, s’il arrive à passer les différents obstacles menant à 2024. En effet, même s’il fait partie des personnalités politiques les plus célèbres de l’espace public depuis plusieurs années, Karim Wade n’a jamais dirigé une liste ou un parti à une compétition électorale. En 2009, à l’occasion des élections locales, il effectuait sa grande rentrée politique sur la liste du PDS, à Dakar. Mais il s’était arrimé au maire sortant (Pape Diop) qui était la tête de liste ; Karim étant à la 4e place. Pour beaucoup d’observateurs, ce n’était là qu’une ruse de Wade père. Et que si la liste arrivait à triompher, c’est lui qui allait être parachuté à la tête de la mairie de Dakar, au détriment du chef d’équipe. Nombre d’observateurs avaient d’ailleurs invoqué cet aspect parmi les facteurs explicatifs de la débâcle du parti libéral au niveau de la capitale. Pour rappel, le fils de l’ancien président avait été battu jusque dans son bureau de vote au Point E. Depuis, il n’a plus participé à une élection pour jauger sa popularité. Avant ces élections de 2009, Karim n’avait jamais participé à des élections.

En politique, on ne lui connaissait que la mise en place, avec l’actuel directeur général de l’Apix, Abdoulaye Baldé, de la Génération du concret, la fameuse GC qui soulevait des vagues à l’époque et dans laquelle étaient cités plusieurs cadres de l’Administration dont l’actuel Premier ministre Amadou Ba. “Un parti dans le parti”, qui était loin d’être le bienvenu auprès de certaines franges importantes du PDS. Rejeté au sein même du parti par nombre de responsables, Karim sera sur toutes les lèvres, responsable désigné de tous les maux dont souffre le parti libéral : départ de Macky Sall, défaite aux Locales de 2009 dans la plupart des grandes villes, défaite en 2012… Une chose est sûre, les accusations selon lesquelles Wade tentait de transmettre, à l’enfant gâté de la République, le pouvoir, comme dans une monarchie, ont fini d’exaspérer beaucoup de Sénégalais, au grand bonheur de ses détracteurs. Jusqu’à la chute du régime de son père et le début de ses déboires judiciaires. Si au sommet du PDS, l’ancien ministre a toujours été combattu, à la base, il continuait de jouir d’une grande notoriété auprès des militants qui voient en lui l’héritier légitime de son père. La traque des biens mal acquis est par la suite venue consolider ce statut d’héritier et de leader de plus en plus incontesté. Poursuivi et condamné par la Cour de répression de l’enrichissement illicite, Karim séjournera environ trois ans en prison, avant de bénéficier d’une grâce, qu’il avait pourtant formellement refusée. Sorti de prison en 2016 et “exilé” à Doha, il est investi candidat du PDS pour la Présidentiellede2019. Malgré les risques qui pesaient sur son éligibilité, le PDS n’a pas voulu d’un candidat de substitution. Une candidature finalement écartée par le Conseil constitutionnel.

Pour 2024, Karim Wade est encore désigné candidat. Cette fois, les chances de participation sont bien plus importantes, mais le leader du PDS devra batailler ferme pour avoir des chances de s’imposer dans un landerneau politique en pleine mutation. La première étape, c’est d’être là pour gérer le parti qui ressemble à un navire sans commandant de bord. Plusieurs fois annoncé, le retour de Karim Wade demeure un grand mystère dans les rangs du Parti démocratique sénégalais. Chez les responsables de premier plan, la plupart disent n’avoir “aucune information”. A la question de savoir à quand le retour de Karim Wade, la secrétaire nationale chargée de la communication, Nafi Diallo, déclare : “Même si je le savais, je ne vous le dirais pas… ”

Il y a quelques semaines, le président du groupe parlementaire Liberté et démocratie, Mamadou Lamine Thiam, avait annoncé que le candidat du PDS serait là après le Dialogue politique, sans plus de précision. Par la suite, il a été avancé la date du Magal de Touba, par la suite la fin des renouvellements des instances en cours… Mais jusque-là, le candidat se fait encore désirer. A quelques mois de la Présidentielle, à moins de 15 jours du lancement des parrainages, ce mutisme des responsables est loin de rassurer au niveau de la base. D’autant plus que les renouvellements qui tirent à leur fin ont engendré pas mal de contestations et de frustrations dans les rangs du PDS. Ce responsable témoigne : “Il y a beaucoup de problèmes. Il faut voir comment les régler. Mais qui est habilité à les régler ? C’est un véritable problème. L’absence du candidat nous met dans une situation inconfortable. Il y a des gens à qui on a confié des missions ; mais au lieu de travailler dans l’intérêt du parti, ils travaillent pour leurs propres intérêts.”

De l’avis de notre interlocuteur, il y a un vrai problème dans le management du parti et l’opération de vente de cartes. “Dans beaucoup de localités, les militants ont senti une volonté de créer un parti dans le parti. On est en train de positionner des gens qui n’ont aucune légitimité. Il y a des zones où on a débarqué des gens dont la légitimité ne fait l’objet d’aucun doute”, regrette-t-il, accusant certains responsables des structures “qui décident de tout, qui sont juge et partie, alors qu’il y a une commission qui a été mise en place”. Lors de ces renouvellements controversés, de hautes personnalités du PDS, dont Woré Sarr et Doudou Wade ont perdu le contrôle de leurs fédérations. Nos tentatives de joindre le responsable de ces renouvellements, Saliou Dieng, sont restées vaines.

En sus de ces difficultés, le candidat du PDS devra faire face à une montagne d’autres obstacles, dont les nombreuses accusations de malversations, un défaut d’ancrage social et de maitrise des langues sénégalaises, en particulier du wolof qui est la langue la plus parlée dans le pays. Autant de défis que le fils de Wade qui conduit le PDS depuis le Qatar devra relever pour espérer devenir le 5e président du Sénégal. Il pourra néanmoins compter sur un appareil du PDS demeuré fort, malgré les nombreuses épreuves. Depuis la perte du pouvoir, les héritiers de Wade ont, à presque toutes les élections, engrangé entre 450 000 et 500 000 suffrages. Seule la majorité présidentielle peut se targuer d’une telle performance, sur une durée aussi longue. Dans toutes les législatures, depuis 2012, le PDS a réussi à obtenir un groupe parlementaire.

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