NETTALI.COM - Que ce soit au sein de la coalition Yewwi Askan Wi ou encore au niveau du F24, ce n’est plus le même engouement dans le combat contre le régime en place depuis l’emprisonnement de Ousmane Sonko. Des spécialistes de la communication politique décryptent comment l’éloignement de Sonko du jeu politique a éteint aujourd’hui la flamme de la contestation de l’opposition sur le terrain.
Le vide se fait sentir. Il est devenu une réalité, sans conteste. Remarquée par tous. Depuis l’arrestation de Ousmane Sonko, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient avant. Ni à Yewwi Askan Wi, ni au F24. Ce n’est plus le grand engouement au sein de ces structures. L’absence du leader de l’ex-parti Pastef/Les Patriotes a, quelque part, éteint la flamme de la contestation au sein de cette frange de l’opposition sénégalaise. Ce qui s’explique, en partie, par le fait que, selon Abdou Khadre Sanogo, analyste-politique, Ousmane Sonko a été la locomotive de cette opposition. «En vérité, dit-il, tous les autres leaders étaient juste des suivistes. Ousmane Sonko imprimait le tempo, c’est lui qui faisait le jeu politique au sein de l’opposition. Il faisait et défaisait tout ce qui avait trait à la stratégie, à la démarche. Que ce soit Yewwi Askan Wi ou le F24, toutes ces structures-là, sans Ousmane Sonko, ne sont rien». A l’en croire, l’opposition a perdu de la superbe depuis que Ousmane Sonko a été mis hors du jeu politique. Le journaliste-analyste politique, Assane Samb embouche la même trompette en admettant des changements dans la façon de mener les contestations au sein de l’opposition depuis l’emprisonnement de Ousmane Sonko. Selon lui, la coalition Yewwi Askan Wi n’est plus ce qu’elle était, et le F24 a disparu du terrain. Il explique : «Aussi bien au niveau de Yewwi que du F24, l’élan a été coupé, il n’y a plus tellement d’engagement, d’engouement. Les gens ne sont plus motivés parce que c’est Ousmane Sonko qui était la locomotive. Yewwi et le F24 ne sont aujourd’hui que de nom, des coquilles vides. Le mouvement est en train de s’éclipser, il s’est largement effiloché et est en train de pratiquement disparaître». Pour le cas spécifique de la coalition Yewwi Askan Wi, le journaliste Assane Samb souligne qu’elle était organisée autour du binôme, Ousmane Sonko-Khalifa Sall. Le premier nommé, en plus d’être en prison, a vu son parti dissous, alors que le second a été exclu avec son parti des rangs de Yewwi Askan Wi. «Donc, conclut le journaliste analyste-politique, c’est un peu le refroidissement au niveau de Yewwi. On ne sent plus un leadership de nature à pouvoir porter les idéaux. Le mouvement est en train de couler pour aller à la dérive parce que le leadership est important en toute chose surtout dans une démarche politique pareille. Rien ne pourra se faire s’il n’y a pas de leadership affirmé et aujourd’hui, il n’y a plus Sonko, il n’y a plus Pastef et Khalifa Sall a été exclu».
«Ils n’ont pas su se préparer à l’absence de Ousmane Sonko»
Les initiatives ne manquent pas depuis l’emprisonnement de Ousmane Sonko. Yewwi Askan Wi comme le F24 initient des actions de lutte, comme des appels à des rassemblements, des concerts de casseroles. Mais leurs tentatives se sont soldées par des échecs. «Aujourd’hui, ils font feu de tout bois pour pouvoir revenir dans le jeu politique, mais malheureusement la flamme qui ravivait tout ça s’est éteinte. Ils vont essayer de survivre mais en vérité, ils n’existent pas sans Sonko qui était, en fait, le chouchou de l’électorat jeune», indique l’analyste-politique, Abdou Khadre Sanogo. Il signale que les leaders de l’opposition n’ont pas su se préparer à l’absence de Ousmane Sonko. Ce qui est, selon lui, une grossière erreur ou acceptation de la situation parce que, eux tous ont clairement dit que Sonko est leur leader naturel et il faudrait l’accepter. «C’est pourquoi donc, dit-il, après lui, c’est un grand vide qui se fait sentir et cela, en politique, tue tous les projets dans l’œuf». La posture du leader l’ex-parti Pastef/Les Patriotes, Ousmane Sonko, sa manière de s’opposer, est aussi un handicap qui explique la situation dans laquelle l’opposition se trouve aujourd’hui. A la différence des autres leaders de l’opposition, Ousmane Sonko a toujours adopté la confrontation, le bras de fer. Ce qui peut se comprendre, selon Abdou Khadre Sanogo. Il développe : «En réalité, les autres sont des hommes politiques qui sont beaucoup plus dans des compromis, dans des stratégies et dans le jeu et le calcul politique. Alors que Ousmane Sonko était beaucoup plus syndicaliste que politique. Le syndicalisme, c’est de la revendication, la pression, le rapport de force sur le terrain. Il ne calculait pas, d’ailleurs c’est ce qui lui a valu, aujourd’hui, les situations dans lesquelles il se trouve. On dit en Wolof que bien avant d’être dans une situation de revendiquer quoi que ce soit, il faut y être d’abord. Aujourd’hui, Sonko n’y est pas, il ne peut plus rien revendiquer. Ousmane Sonko est beaucoup plus dans le sentimentalisme politique. Pour lui, il doit inexorablement faire ce qu’il dit, ce qui n’est pas de la politique». M. Sanogo admet, toutefois, qu’avec cette démarche dite, affichée et affirmée, Ousmane Sonko a pu avoir cet aura-là au sein des jeunes, au sein de la conscience collective pendant un bon bout de temps.
«Cette situation actuelle tue le jeu démocratique»
Cette situation actuelle affecte la démocratie sénégalaise, selon les spécialistes en communication politique. La démocratie, précise Abdou Khadre Sanogo, «c’est un modèle qui promeut inéluctablement le désaccord, la confrontation d’idées, mais se fonde sur un consensus selon lequel tout ce que nous faisons, nous devons le faire en respectant les lois et règlements de notre pays. Mais aujourd’hui, empêcher à tout le monde de s’affirmer, c’est une manière de tuer aussi l’avancée démocratique qui nous caractérisait jusque-là surtout par rapport à la notion de liberté d’expression, même si cette dernière est encadrée par la responsabilité citoyenne». Selon lui, on a l’impression que désormais partout au Sénégal, les gens, avant même de prendre la parole, remuent mille fois leur langue et cela ne fait pas avancer le débat démocratique. Journaliste-analyste politique, Assane Samb renchérit : «Ça tue un peu la démocratie mais je reste convaincu que Ousmane Sonko et Macky Sall vont continuer à s’affronter, mais à distance et par candidats interposés. Donc indirectement, il y aura une bataille rude d’ici à la prochaine échéance électorale».