CONTRIBUTION - Le 15 octobre prochain marque la Journée mondiale du lavage des mains, une journée de sensibilisation au niveau mondial consacrée à accroître l'importance du lavage des mains avec du savon. Un geste simple, efficace et économique pour prévenir les maladies et sauver des vies !

Le thème de la Journée mondiale du lavage des mains 2022 est « Le pouvoir du contrôle des infections est entre nos mains ». L'hygiène des mains est une méthode de nettoyage des mains qui minimise considérablement la présence d'éventuels agents pathogènes (germes nocifs) sur les mains. L’action commune et la collaboration sont essentielles pour la réussite et la durabilité. Vous aussi, célébrez la Journée mondiale du lavage des mains !

Voici quelques données scientifiques 

Prévention des maladies: le lavage régulier des mains avec du savon, un geste simple et efficace

Les maladies infectieuses sont une des premières causes de mortalité et de morbidité dans le monde selon l’OMS. Cependant, leur impact dépend grandement de la situation géographique et du niveau de développement incluant les conditions d’hygiène. L’application de ces règles d’hygiène tient une grande place dans la stratégie appliquée par l’OMS pour la prévention des maladies transmissibles en collectivité (OMS, 2013). Ces mesures portent essentiellement sur l’hygiène des mains, l’hygiène alimentaire, l’hygiène des locaux et l’hygiène individuelle. Une application stricte de ces mesures permet de prévenir la propagation des agents infectieux. Elles doivent s’appliquer au quotidien même en dehors de toute infection déclarée. Selon l’OMS, le lavage des mains au savon peut limiter la transmission des maladies respiratoires, responsables du plus grand nombre de décès d’enfants de moins de 5 ans et constitue un allié de taille dans la lutte contre toute une série de maladies, telles que les vers intestinaux, les infections oculaires, comme le trachome, et les infections cutanées. En outre, l’OMS indique que le lavage des mains au savon avant de manger et après s’être allé aux toilettes pourrait réduire de près de 50 % le nombre de décès dus à la diarrhée et de 25 % le nombre de décès dus aux infections respiratoires aigües. 

Le lavage des mains au savon : le vaccin le plus efficace contre les risques d’infection dans l’enfance

Pour avoir une réponse claire et nette à ces questions, en 2002 au Pakistan, un essai contrôlé et randomisé a été réalisé à Karachi, au Pakistan.  L’objectif de l’étude était d’évaluer le lavage des mains avec du savon dans un contexte où les maladies infectieuses sont les principales causes des maladies d’enfance et des décès. Cette étude est connue sous le nom : « Etude de Karachi sur la Santé et le Savon ». Au total, 25 quartiers ont reçu du savon antibactérien (contenant 1,2% de triclocarban) ou du savon ordinaire. 11 quartiers ont servi de témoins, de contrôle. Dans ces quartiers, pas de promotion de l’hygiène et pas de distribution de savon. Les agents de terrain ont encouragé les familles à se laver les mains  avant de préparer la nourriture, avant de manger, avant de nourrir les bébés et après avoir été aux toilettes. Les agents de terrain ont encouragé aussi les familles à prendre un bain quotidien et à utiliser du savon.

Voici ce qui s’est passé dans la suite après 51 semaines de suivi.

Dans les quartiers qui ont utilisé le savon antibactérien, on a observé une diminution de 47% de l’incidence des diarrhées par rapport au groupe contrôle. Dans les quartiers qui ont utilisé le savon ordinaire on a observé une diminution de 52% de l’incidence des diarrhées par rapport au groupe contrôle. Dans les quartiers qui ont utilisé le savon antibactérien on a observé une diminution de 45% de l’incidence des pneumonies par rapport au groupe de contrôle. Dans les quartiers qui ont utilisé le savon ordinaire on a observé une diminution de 50% de l’incidence des pneumonies par rapport au groupe contrôle.

Considérant que les personnes qui ont fait partie de l’étude de Karachi buvaient la même eau, mangeaient les mêmes aliments, avaient des installations de plomberie identiques (ou pas du tout), etc., il est de la plus haute importance de se poser une question. Si le simple lavage des mains peut diminuer la morbidité de la diarrhée et de la pneumonie de 50% ou plus, que se passerait-il si en plus, les gens de cette région disposaient de meilleures installations sanitaires, d’un meilleur stockage des aliments et d’une meilleure alimentation ?

Au Sénégal, plus de la moitié de la population sénégalaise n’a pas accès à des services d’hygiène efficaces. Beaucoup de sénégalais n’ont pas de moyens de se laver les mains à domicile. Les maladies diarrhéiques sont classées comme la troisième cause de décès chez les enfants de moins de 5 ans. Leur prévalence en 2016 est très élevée (28%) chez les enfants âgés de 6 à 23 mois (ANSD, 2016). Le taux d'infections respiratoires aiguës était de 3% chez les enfants de moins de 5 ans et de 5% chez ceux âgés de 12 à 23 mois (ANSD,2016).

Dans le village de Dielmo (Région de Fatick, Sénégal), l’IRD à mise en place un laboratoire de proximité appelé Point of care (POC) basé sur l’utilisation de la PCR en temps réel (qPCR) (Sokhna et al, 2013). Ce dispositif technique permet le diagnostic rapide et la surveillance de pathologies infectieuses pour lesquelles les analyses de laboratoire intervenaient généralement trop tard pour guider la thérapeutique. Cette étude s’inscrit dans la continuité des recherches de notre équipe au Sénégal qui visent à identifier les agents pathogènes non diagnostiqués en pratique médicale courante afin d’améliorer la prise en charge des malades et à fournir au Ministère de la Santé, à tous les acteurs de la santé et à la communauté scientifique des données nouvelles sur l’étiologie, le diagnostic et le traitement des maladies infectieuses transmissibles.

En 2015, nous avons mis en œuvre le projet dit « savon » avec le lavage quotidien des mains et du corps de manière hebdomadaire dans les villages de Dielmo et Ndiop. Des savons ont été distribués toutes les semaines. Les paramètres mesurés en terme de santé publique sont l’existence d’infection cutanée, de pneumopathie, de diarrhée et de fièvre. La finalité de cette étude est de promouvoir l’hygiène corporelle dans ces villages.

Sur 638 personnes qui ont participé à l'étude, nos résultats ont montré que les taux d'incidence de la toux, de l'écoulement nasal et des fièvres ont diminué de manière significative en 2016 par rapport à 2015. En 2016, des réductions significatives des taux d'incidence de la toux, de l'écoulement nasal et de la fièvre ont été observées chez les enfants de moins de 15 ans. La prévalence de Streptococcus pneumoniae, Staphylococcus aureus et Streptococcus pyogenes dans la paume des mains a chuté de manière significative. Ces bactéries sont connues pour être responsables notamment d'intoxications alimentaires, d’infections aigües des voies respiratoires et d’affections cutanées. Ces résultats ont été publiés.

En Afrique du Sud, une stratégie nationale de comportement en matière d'hygiène des mains a estimé que seulement 20% des Sud-Africains se lavaient les mains avec du savon à des moments critiques tels qu'avant, pendant et après la préparation des aliments, après être allé aux toilettes, après avoir éternué ou toussé, après avoir touché des animaux, après avoir changé les couches des bébés et après avoir soigné une personne malade.

 Un lavage de mains régulier permet de se prémunir en grande partie contre la transmission du Covid-19

L’OMS a déclaré le stade pandémique face à la propagation du nouveau coronavirus SARS-CoV-2 le 11 mars. Chez l’homme, le virus donne lieu à une infection pulmonaire appelée Covid-19. Après s’être développé principalement en Chine, le virus a depuis contaminé le reste du monde. Le Covid-19 se transmet par la salive, les gouttelettes dues à la toux ou aux éternuements, par contacts rapprochés avec des malades comme des poignées de main ou des embrassades et par contact avec des surfaces contaminées. Une étude indique que le Covid-19 est viable plusieurs heures sur différentes surfaces, jusqu’à 24 heures sur du carton et jusqu’à 2-3 jours sur du plastique et l’acier inoxydable. On ne sait toutefois pas s’il reste infectant durant tout ce temps. C’est pourquoi pour se prémunir d’une contamination, les autorités sanitaires insistent sur l’importance des mesures barrières: se laver les mains fréquemment, tousser ou éternuer dans le creux de son coude ou dans un mouchoir jetable, porter un masque si on est malade. Il est déconseillé de se serrer la main et de se faire la bise. C'est pourquoi se laver les mains régulièrement, notamment après avoir voyagé dans les transports en commun ou avant les repas, est indispensable.

Des infections nosocomiales causées par le contact entre soignant et patient

Les infections associées aux soins de santé surviennent en général après un contact entre le soignant et les patients, par transmission des germes présents sur les mains. Les plus courantes sont les infections des voies urinaires et des sites d’intervention chirurgicale, les pneumonies et les septicémies. Sur 100 patients hospitalisés, au moins sept dans les pays développés et 10 dans les pays en développement contractent une infection nosocomiale. Une bonne hygiène des mains au cours des soins réduit le risque d’infection et la propagation infections nosocomiales. Une étude publiée en 2013 dans la revue The Lancet Infectious Diseases montre que la stratégie de l’OMS pour une meilleure hygiène des mains est facile à appliquer pour les agents de santé. Les infections associées aux soins de santé sont un risque important pour la sécurité des patients partout dans le monde et la transmission en milieu médical se fait principalement par contact avec les mains des agents de santé.

Lavage des mains à l’école

La diarrhée est un des principaux motifs d’absence des enfants à l’école. Une campagne de promotion du lavage des mains au savon, menée auprès de 30 écoles primaires en Égypte a permis de réduire l’absentéisme lié aux diarrhées de 30%. Des résultats similaires ont été observés en chine et en colombie. Chacune de ces études a également montré que l’amélioration de l’hygiène des mains permettait de réduire considérablement l’absentéisme lié aux maladies respiratoires. Ces statistiques démontrent à quel point il est important de promouvoir le lavage des mains au savon chez les enfants et dans leur entourage, de réfléchir aux différentes solutions techniques permettant de fournir de l’eau et des installations d’assainissement et d’encourager les bonnes pratiques d’hygiène.

 Conclusion

Aujourd’hui, les deux plus importants facteurs de mortalité chez les enfants dans le monde en développement sont les maladies diarrhéiques et les infections des voies respiratoires. Le simple geste de se laver les mains peut réduire le risque de diarrhée de presque la moitié et celui d’une infection des voies respiratoires du tiers. Il s’ensuit que le lavage des mains est supérieur à n’importe quel vaccin comme mode de prévention des maladies. Le lavage des mains au savon peut et doit devenir habituel dans les pays en voie de développement. Cela pourrait être le début d'une stratégie plus viable pour prévenir la mort d'autres maladies bactériennes et virales. La Journée mondiale du lavage des mains (15 octobre) prolonge et renforce la campagne en faveur de l’amélioration des pratiques d’hygiène partout dans le monde.

Directeur de l’équipe VITROME-SENEGAL

BP 1386, Dakar CP 18524, SENEGAL,

Tel : (221) 33 849 35 84

Campus International IRD-UCAD de Hann,

Mail :cheikh.sokhna@ird.fr

Chef d’équipe à l’IHU-MI Marseille

19-21 Boulevard Jean Moulin – 13005 Dakar,

Tel : (33) 13 73 24 36