NETTALI.COM - On la voyait venir cette rupture depuis un certain temps, lorsque Barthélémy Dias et Ousmane Sonko s'étaient livrés par presse et réseaux sociaux interposés sur cette fameuse rencontre avec Macky Sall ( dans une logique de médiation), à des accusations et contre-accusations de trahison et d'accord sur cette médiation. Et ce qui s'est passé le samedi 14 octobre à l'Assemblée, lors du renouvellement du bureau de l'Assemblée nationale, en marge de l'ouverture de la session ordinaire unique 2023-2024, a définitivement acté la rupture entre Taxawu et Yewwi Askan Wi.

La conséquence est la perte de quatre postes clés qui réduit l'influence de YAW au sein de l'Assemblée nationale. En effet si Benno Bokk Yaakaar (BBY) s'est retrouvé avec cinq vice-présidents, quatre secrétaires élus et deux questeurs, la coalition Yewwi Askan Wi (YAW), elle, compte désormais un vice-président, un secrétaire général et aucun questeur. Ce qui veut dire que ce groupe parlementaire perd quatre postes (un vice-président, un secrétaire élu, le deuxième questeur et une commission) au profit de BBY.

De son côté, Wallu obtient un vice- président sur huit et un secrétaire élu, tandis que le Pur ne dispose que d'un poste, celui de la vice-présidence.

Une nouvelle composition qui s'est faite dans des circonstances difficiles et sans la participation de Taxawu qui a démissionné de la coalition (ou qui a été poussé vers la sortie).

Le coup de gueule de Birame Soulèye Diop

Mais du côté de Yewwi Askan Wi, un autre son de cloche a été émis. Notamment par son président de groupe Birame Soulèye Diop : "nous sommes venus sur une même liste. On n’a pas investi un député, parce qu'il était bleu, noir ou marron. On a investi des députés parce qu'ils sont de Yewwi Askan Wi. On ne connaît pas de récépissé d'organisation particulière, de système ou je ne sais quoi."

Ce faisant, le député de Pastef a dénoncé une violation du secret de dépôt, puisque la composition de leur liste a été révélée. "Nous avons déposé notre liste et nous avons été interpellés sur des négociations qui concernent l'acceptation ou non de députés dans un groupe ou dans un autre, alors qu'au niveau de la plénière, nous n'en avons pas encore discuté. Donc, qu'est-ce qui se passe ? Nos informations sensibles sont déjà devenues publiques", a-t-il fulminé.

À la question de savoir si les députés de Yewwi ont fait blocage au niveau de l'Assemblée et s'ils sont à l'origine du retard dans le démarrage des activités, il a répondu qu’ils ont déposé leur déclaration de groupe à 9 h et leur projet de bureau (les membres proposés au niveau l'Assemblée nationale) entre 13 h et 14 h. "La cloche a sonné à quatre reprises. Nous sommes allés dans les salles, mais il n'y avait personne. J'ai appelé le prési- dent de l'Assemblée pour lui demander ce qu'on attend pour démarrer. Il a pré- texté qu'il y a des réglages à faire. Des réglages sur quoi ?", s’est-il agacé, bien avant la reprise de la séance.

Et le président du groupe parlementaire d’ajouter : "nous n'engageons aucun blocage et nous n'avons plus rien à déposer au secrétariat général. Ainsi, la responsabilité repose main- tenant sur l'administration et le président de l'Assemblée nationale. S'il y a des négociations à mener, qu'ils poursuivent ces négociations. Ce n'est pas la première fois que cela se produit. Nous insistons sur le respect strict de la loi. Nous avons déjà déposé une liste de 53 membres. Les collègues députés sont libres de rester dans le groupe ou de partir, conformément à la loi. Cependant, puisque les calculs et les dépôts ont déjà été effectués, il n'est pas possible de faire marche arrière. S'ils choisissent de revenir en arrière, ils doivent nous indiquer sur quelle base légale ils le feront”.

Néanmoins, Birame Soulèye Diop a pris le soin, anticipant sur ce qui allait se passer (démission des dépu- tés de Taxawu), d’indiquer que si des députés démissionnaient du groupe et qu'il n'en reste plus que 17 membres, ils travailleraient avec ces 17 parlementaires et s’en contente- raient.

En effet, selon le règlement intérieur de l'Assemblée nationale, les postes de vice-président, secrétaire élu, commission et questeur sont attribués proportionnellement à chaque groupe parlementaire. Après le référendum du 20 mars 2016, ce règlement intérieur est devenu une loi organique, selon notre source.

Ainsi, samedi, au sein de la coalition Yewwi Askan Wi, les députés du Pastef et leurs alliés ont déposé les noms de leurs vice-présidents, présidents de commission, secrétaires élus, questeurs et présidents de commission sur la table du bureau du président de l'Assemblée nationale, sans tenir compte du groupe des 14 députés de Taxawu Sénégal. Aucun député du président Khalifa Ababacar Sall issu de Taxawu Sénégal n'a été retenu pour les postes de vice-président, secrétaire élu, président de commission et questeur, contrairement au bureau sortant 2022-2023.

Pourquoi Taxawu Sénégal a démissionné de Yewwi

Babacar Mbaye, maintenant député non-inscrit, est revenu, avec plus de détails, sur les raisons qui ont poussé les députés de la coalition Taxawu Sénégal à quitter le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi. D'après lui, depuis quelques semaines, YAW ne convie plus les membres du parti de Khalifa Sall aux rencon- tres et qu'aucune information n'est portée à leur connaissance. Ce, “malgré la générosité de Khalifa Sall”.

Il a ainsi rappelé que quand Barthélemy Dias était candidat à la présidence de l'Assemblée nationale, la présidence du groupe parlementaire a été cédée à Pastef. Mieux, Ousmane Sonko avait demandé à donner un poste à quelqu'un qui n'a pas fait l'école française. De plus, le député confie que Taxawu avait cédé le poste de vice-président qui lui revenait de droit à Cheikh Thioro Mbacké de Wallu.

Lorsque certains partis ont voulu faire preuve de boulimie, le président Khalifa Sall avait demandé à ce qu'on soit généreux à l'égard des autres partis. Depuis le mois de septembre, j'ai saisi le président Birame Soulèye Diop pour une réunion. Car, après tout ce qu'on a fait et vécu ensemble et les combats qu'on a por- tés pour le Sénégal dans ce groupe parlementaire, parfois même des combats à l'encontre de nos propres valeurs, nous avons fait preuve de solidarité, parce que nous avions le sentiment d'appartenance à cette grande et belle coalition”, a dit celui-ci.

Le député de Taxawu d’ajouter : “Depuis le mois de septembre, Birame Soulèye fait dans le dilettantisme, refusant de parler avec nous. Au début du mois d'octobre, je l'ai relancé pour lui dire : ‘Je ne parle pas à vous en tant respon- sable politique, mais président du groupe parlementaire Yewwi composé d'hommes et femmes d'égale dignité dont certains sont mieux formés que vous, plus âgés et plus expérimentés que vous.' Je pense que le respect recom- mande de répondre et de discuter avec les gens. Il n'a pas répondu jusqu'à hier (vendredi 13) soir où, par l'intermédiaire d'un député, il a mis une note dans le groupe WhatsApp demandant à tous les députés qui souhaiteraient restés dans le groupe parlementaire Yewwi, d'aller s'inscrire. C'est une démarche inélégante et discourtoise. Mais nous avons fait fi de tout cela pour nous inscrire, parce que, pour nous, dans Yewwi, il n'y a pas de différence, mais seulement des députés de Yewwi. En nous inscrivant, nous avons réaffirmé notre allégeance à cette coalition et au groupe parlementaire Yewwi”, a indiqué M. Mbaye.

Ainsi, ce samedi matin, jour de l'ouverture de la session, il a été demandé au doyen Dr Oumar Cissé et au maire de Hann-Bel Air, Babacar Mbengue, d'aller restaurer le fil du dialogue. À en croire Babacar Mbaye, Taxawu ne voulait pas couper les liens du dialogue. “Les doyens ont salué la démarche et ouvert les négo- ciations sur la composition et choix des membres du bureau. Ils nous ont finalement dit que ce sont les leaders de Yewwi qui sont en train de discu- ter. C'est qui les leaders de Yewwi ? C'est Ousmane Sonko dans les liens de la détention, Mamadou Lamine Dianté, Maïmouna Bousso, Khalifa Sall qui ne participe plus aux réu- nions de Yewwi ? Mais nous avons préféré patienter jusqu'à ce qu'on informe que les noms des membres du bureau issus de Yewwi ont été déposés, mais sans les députés de Taxawu”, explique le député. Il estime que Pastef aurait dû repren- dre les postes qui lui ont été attribués dans le bureau sortant et laisser le même soin aux partis, notamment Taxawu de la coalition Yewwi de faire pareil.

“Mais ils ont tout pris. Face à cette situation, nous avons décidé de nous retirer du groupe. Ce qui s'est passé est l'expression d'une grande irres- ponsabilité”, a-t-il fulminé.

D’ailleurs, la coalition en a remis une couche, dans un communiqué parvenu à "Nettali.com", dimanche. “Le renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale a révélé la trahison de députés de Yewwi Askan Wi qui ont pris la décision inélégante et stupide d’exclure leurs collègues de Taxawu Senegaal, membres à part entière du groupe parlementaire, du bureau de l'Assemblée Nationale. En effet, des députés de Yewwi Askan Wi ont voulu constituer un groupe parlementaire intégrant les élus de Taxawu Senegaal pour avoir plus de postes dans le bureau mais sans associer ces derniers dans le partage des responsabilités”, fulminent Khalifa Sall et Cie. Qui soulignent que le groupe parlementaire les a écartés des réunions pour dissimuler la forfaiture qui se préparait contre eux”.

Ainsi, Taxawu a décidé de se séparer de Yewwi, entraînant la perte de quatre postes, dont celui crucial de 2e questeur, un poste de vice-président, un poste de secrétaire élu ainsi que des postes de président de com- mission.

Conséquence : Yewwi a perdu en influence au sein de l'Assemblée nationale. Et Taxawu se retrouve sans rien.

Leçons politiques de Wallu

De l'autre côté, Babacar Mbaye estime que Wallu a donné une leçon politique. La coalition avait fait savoir que les candidats ne seraient pas autorisés à siéger au bureau de l'Assemblée nationale.

Cependant, Mamadou Lamine Diallo et Cheikh Bara Dolly ont posé leur candidature. Wallu a décidé, après discussion, que l'Assemblée n'avait aucun lien avec leurs candidatures. Ils ont donc conservé respectivement les postes de vice-président et d'adjoint du groupe parlementaire Wallu.

Ainsi, la vie parlementaire de ce groupe pourra se poursuivre.

A Yewwi, nous aurions pu procéder pareil. Chacun reprend ses postes précédents. Ce qui s'est passé, c'est un renoncement, un recul démocratique, un manque de responsabilité, d'intelligence politique et un manque de courtoisie et d'élégance. Retour de bâton”, a regretté Babacar Mbaye, qui invite à ne pas confondre les institutions.

Il a aussi noté qu'à la ville de Dakar, ce qui s'est passé, est parti d'une décision de justice portant sur la parité. Alors qu'à l'Assemblée nationale, ils pouvaient discuter en toute franchise. “Et ce qui prouve que c'est stupide, c'est que si nous sortons du groupe parlementaire de Yewwi, ils per- dent des postes. Plutôt que Taxawu, Pastef a privé Yewwi de postes. C'est ce qui s'est fait. C'est juste une méchanceté qui a fait que Yewwi va perdre son influence à l'Assemblée, puisque si nous perdons les postes, eux ne les gagneront pas non plus. Aujourd'hui, c'est BBY qui va se renforcer avec trois postes et récupérer les postes de questeur et d’adjoint”, a déplore Mbaye.

Toutefois, quand on quitte un groupe parlementaire, on ne peut en créer ni intégrer un autre. À cet effet, M. Mbaye pense que notre démocratie est séquestrée par des conflits de personnes.