NETTALI.COM - Il y a eu beaucoup de Sénégalais pour s’étonner du ton du président lors de ses récentes sorties lors des conseils présidentiels décentralisés. Pour beaucoup, c’est la perspective de quitter le pouvoir et de noter aussi qu’il lui échappe progressivement , qui le rend si amer. Bien au contraire, au regard de la compilation de ses sorties, l’on se rend compte que l’objectif visé par Macky Sall, au-delà de ces colères affichées, c’est d’adresser des messages diffus à ses alliés, tout en réglant au passage, des comptes.
L’image de «Niangal Sall » retrouvé le temps des conseils présidentiels décentralisés, c’est ce qui s’est en tout cas donné à lire dans l’attitude du président de la république. En effet, au fur et à mesure qu’il se rapproche de la sortie, le président semble bien détendu et arbore cette posture d’homme qui ne se laisse pas faire qu’on lui a souvent connue, malgré ses rares moments où il amuse parfois son assistance en taquinant et en lançant des piques. La vérité est que le pouvoir n’a plus de grand enjeu pour lui. Il ne s’embarrasse plus des précautions de langage et fait feu de tout bois. Aussi, se défoule-t-il sur certains tout en raillant d’autres.
Ses accès de colère en réalité, il faut les chercher ailleurs. A la question de savoir, lors d’un récent entretien avec « Jeune Afrique », ce qui l’a le plus marqué ou surpris dans l’exercice du pouvoir, Macky Sall répond : « d’abord, la solitude à chaque fois que les situations sont difficiles. Quand tout va bien ou que la victoire est là, tout le monde participe, tout le monde est content, tout le monde réclame. Dans le cas inverse, vous êtes seul. Il faut s’y préparer, ne pas se décourager. La politique rime trop souvent avec trahisons, querelles, petits meurtres entre amis, comme on dit. C’est lié à la nature du pouvoir. Malheureusement, il faut aussi composer avec. »
Ce qui lui fait mal aussi, c’est de devoir quitter le pouvoir sans avoir cette reconnaissance qu’il a beaucoup fait pour le pays. Le Sine-Saloum dans le contexte des conseils présidentiels décentralisé, est apparu comme un lieu d’exutoire parfait pour lui qui a reproché à ses collaborateurs ce qu’il appelle l’immobilisme ou la fuite en avant lorsqu’il s’est agi de vendre et défendre leur bilan ; sans oublier cette « capacité à communiquer avec le peuple, savoir dire et montrer ce qu’on a fait. » « Aujourd’hui, on ne voit que des autoroutes, des ponts, des universités, un train etc. On n’est même pas capables d’aller défendre ces réalisations et ce bilan. On laisse des gens qui n'ont aucune capacité, aucune qualité et qui ne comprennent rien du tout, nous embrigader par un bavardage. Cela, c’est un manque de caractère. Nous devons cultiver la rigueur en nous, préserver notre dignité et forcer le respect», a pesté Macky Sall.
En s’appesantissant ainsi sur la solitude dans le pouvoir lorsqu’il y a des difficultés et le déficit de service après-vente de ses réalisations, ou le fait pour ses alliés de n’être pas allés aux charbons pour lui, il met d’une certaine manière ses ministres, DG et militants de Benno face à leurs responsabilités par rapport à la future présidentielle. A présent qu’Amadou Ba est choisi, a noté Macky Sall, « il fera campagne adossé à la coalition BBY, avec l'appui de plus de 450 maires, des députés, des ministres, etc... Tous doivent s'engager à ses côtés et demeurer soudés s'ils veulent l'emporter et perpétuer notre legs », a conseillé Macky Sall.
Une manière de leur dire qu’une perte du pouvoir pourrait leur être fatale. C’est d’ailleurs à peine s’il ne leur reproche pas de n’avoir pas assez travaillé pour garder la majorité aux locales et législatives.
Macky Sall n’en a pas, à dire vrai, cure de ceux-là dont il considère qu’ils tentent d’exercer un chantage sur lui. De Pierre Goudiaby, il dira indirectement que c’est un escroc lorsque les Cadres casamançais ont écrit pour demander la libération d’Ousmane Sonko. Pour le président Sall, il ne s’agit en réalité que de Pierre Goudiaby seul qui parle.
Même Ahmed khalifa Niasse qui a tenté le coup de la menace feinte, en a pris pour son grade. Macky Sall lui a rappelé qu’il est son ami et qu’ils se connaissent bien, lui glissant au passage qu’il y a des choses qu’il n’acceptera jamais. Si Benno n’obtient rien à Kaolack, ce n’est pas grave pour Macky Sall. Il sait bien que le marabout qui est vite redescendu de son piédestal, ne parle que pour lui-même, pour ses intérêts. Celui-ci répliquera rapidement qu’il accepte tout ce que le président dit, demandant subtilement au passage un rendez-vous. Sacré Ahmed khalifa, le roi du bluff !
Un ministre qui n’oubliera pas de sitôt l’humeur du président mêlée à de la raillerie, c’est celui du Commerce, Abdou Karim Fofana. Lui qui devait expliquer au chef de l’Etat et à l’assistance où en était l’exécution du décret sur la grande réforme de l’union nationale des chambres de commerce qui doit se transformer en chambre nationale, a vite vu ses explications qualifiées de langue de bois. Qui en a compris quelque chose ? Franchement. «Pas besoin d’insister Karim, à notre retour tu m’en diras un peu plus à Dakar », ajoutant que «le jeune ministre a du mal à s’exprimer en public », tout porte-parole du gouvernement qu’il est. N’est-ce pas lui qui l’a nommé ? Les explications du sieur Karim étaient tellement floues qu’on ne pouvait rien en tirer. De plus, le niveau de français était loin d’être limpide. Tout cela pour dire que le boulot n’a pas été fait. Un des exemple de ce dont se plaint Macky Sall de la part de ses équipes.
Macky Sall a eu aussi des mots pour ses deux anciens ministres et DG, désormais candidats. Il parle pour la première fois de Mahammed Boun Abdallah Dionne, Aly Ngouille Ndiaye, Mame Boye Diao… dans cet entretien avec « jeune Afrique » qui ont décidé d’aller à la présidentielle sous leur propre bannière. Et même s’il a déploré le fait qu’ils n’aient pas respecté les engagements pris, pour des membres qui ont été longtemps dans une majorité qui les a aidés à devenir ce qu’ils sont, il a tout aussi estimé que «c’est leur droit, ne voulant pas polémiquer avec ces candidats, même s’ils avaient pris des engagements.
Pour lui, chacun peut légitimement revendiquer sa liberté et son ambition de servir son pays au poste le plus élevé, celui de président de la République. Mais, «faut-il le faire au risque de fragiliser son propre camp ? », s’est-il demandé.
C’est à peine s’il ne les traite pas d’ingrats. Il leur en veut et leur fait indirectement endosser la responsabilité du bilan actuel au regard de leur longévité dans la majorité, au moment où certains d’entre eux vendent la carte de la rupture. Mais seulement, il faudra d’abord passer par la case parrainage. Ils sont prévenus. Certains d’entre eux commencent déjà à se plaindre du débauchage de leurs éléments par le pouvoir actuel ! De "parrainages volés" !
Le président Sall n’est pas également d’accord avec ceux qui reprochent à son gouvernement d'avoir un bilan immatériel quasiment nul ; avec ceux-là qui font savoir que sur les questions de bonne gouvernance et de respect des droits de l'homme, lui et ses hommes ne seraient pas des champions. Lors du Conseil des ministres du mercredi 22 novembre, il a ainsi réclamé au Premier ministre le bilan de la politique du gouvernement en matière de bonne gouvernance et de promotion des droits de l’homme, de 2012 à ce jour. Il veut ainsi que cette évaluation soit présentée "sous forme de mémorandum’’.
Aujourd’hui ce qui semble beaucoup préoccuper le président Sall, c’est d’accompagner le candidat qu’il a choisi. Aussi, joue-t-il son va-tout dans cette présidentielle où Amadou Ba apparaît de plus en plus comme un candidat par procuration. N’est-ce pas le sens de ces conseils présidentiels décentralisés, véritable campagne électorale déguisée avant l’heure, destiné à donner un coup de pouce pour ne pas dire une avance à son candidat ? Au même moment, les autres candidats en tournée de parrainage font l’objet de tracasseries. Il ne lâche pas Amadou Ba d’une semelle, guide ses pas et semble prendre par la main le candidat qui apparaît aux yeux de certains de ses camarades et alliés comme quelqu’un sans charisme, amorphe et tétanisé par l’évènement. S’il avait voulu le laisser libre de ses mouvements, n’en aurait-il juste pas fait un candidat qui ferait le tour du pays et s’adresserait aux Sénégalais ? Eh bien il en a fait son Premier ministre bien rangé derrière lui avec comme mission d’exécuter sa politique.
Le peuple de Benno n’a pas en réalité besoin de secouer Amadou Ba de la sorte, à ce stade où les parrainages ne sont qu’une formalité, son appareil et ses relais devant faire le travail de collecte. N’oublions pas aussi que Macky Sall était aussi timide et réservé à ses débuts, mais avait su faire le tour du pays et monter en puissance au fur et à mesure dans le discours. Il n’est sans doute pas venu l’heure de tirer des conclusions hâtives, mais d’attendre les bons moments pour voir de quel bois se chauffe réellement Amadou Ba. Certaines critiques dirigées contre lui dans son camp, peuvent en réalité, selon certains observateurs, être considérées comme des appels du pied ainsi qu’une manière de se faire remarquer et d’attirer l’attention du candidat de Benno. De bien vieilles méthodes politiques bien éprouvées.
Si le patron de Benno a choisi Amadou Ba, comme candidat, eh bien il a ses raisons. «Quelqu’un qui est capable de perpétuer l’œuvre déjà entamée », entre autres. « Je leur ai expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une histoire de personne ou d’ego, que le véritable enjeu était de continuer la politique mise en œuvre depuis 2012, de perpétuer le Plan Sénégal émergent [PSE] et d’assurer la stabilité du pays. Si j’ai pu moi-même renoncer, si j’ai su m’effacer dans l’intérêt général, ils (les dissidents) devaient être capables d’en faire autant pour travailler en équipe autour d’un candidat, quel qu’il soit », a confié Macky Sall à « Jeune Afrique ».
Il note aussi que certains critères ont particulièrement été mis en avant, notamment « la capacité à rassembler ». « Ce qui a fait la différence, c’est la capacité à pouvoir fédérer, hors du parti et hors de la coalition. Toutes les données qui sont en sa possession indiquaient qu’Amadou Ba avait ce profil et était un peu devant les autres. Tout cela ne signifie pas qu’ils n’étaient pas bons. Mais son nom a été proposé à la conférence des leaders de BBY. Ceux-ci sont près de trois cent, et ils l’ont adoubé », a-t-il laissé entendre.
Mais Macky Sall a surtout à cœur de laisser un pays pacifié. « Ceux qui veulent l’anarchie et le chaos pour assouvir leurs ambitions me trouveront sur leur chemin. De soi-disant militants de son parti ont tué des femmes innocentes en lançant des cocktails Molotov contre un bus de transport public dont ils avaient bloqué la porte. Et on va manifester pour la libération de personnes qui ont commis ces atrocités ?", a-t-il pesté dans cet entretien avec l’hebdomadaire panafricain.
Et ses nombreuses démonstrations de force quant à l’équipement de la gendarmerie, laissent croire qu’il ne laissera pas le chaos et le désordre s’installer si l’on en croit cette rhétorique guerrière qu’il ne cesse de brandir. Tout au plus, un sentiment de regret semble l’habiter pour ne pas dire le hanter que les évènements de mars et de juin aient pu occasionner la quarantaine de morts.
Pression ou pas pression pour décider de renoncer à sa 3ème candidature, il a fait ce que trop peu de chefs d’Etat font de par le monde. La question de son avenir politique ne le préoccupe pas réellement, pas plus que celui de son recyclage après ses fonctions présidentielles. Il le dit, lui-même, dans un entretien avec « Jeune Afrique ». “Si nous l’emportons (la présidentielle), conserver la direction du parti n’aurait aucun sens. Il faut savoir tourner la page. Je ferai comme Abdou Diouf, je me retirerai complètement”, dit-il.
C’est désormais une carrière internationale qui s’ouvre à lui, lui qui a déjà eu une proposition de Macron qui a d’ailleurs fait quelques vagues. Il a aussi décidé de faire comme Abdou Diouf et de se couper de la politique sénégalaise, une fois qu’il aura quitté le pouvoir, la plupart de nos anciens présidents bénéficiant d’amnistie. Ce qui peut augurer d’une liberté pour Amadou Ba de gouverner à sa guise, si d’aventure, il viendrait à être élu. Mais on en est pas du tout là surtout au regard du nombre de candidats, de l’étape des parrainages et Pastef qui n’a pas dit son dernier mot. Sa seule préoccupation étant de laisser le payer entre des …mains sûres.