NETTALI.COM - Dans sa décision n°1/C/2024, le Conseil constitutionnel fixe le terme du mandat de Macky Sall au 2 avril et enjoint aux autorités compétentes l’organisation d’élections “dans les meilleurs délais”. Un rebondissement spectaculaire.
Les choses sont allées très vite. C’est en début de soirée, hier, que le Conseil constitutionnel a rendu publique sa décision n°1/C/ 2024 concernant le report de l’élection présidentielle du 25 février 2024. En résumé, les sages ont pris les décisions suivantes : primo, la loi n°04/2024 portant dérogation à l’article 31 est contraire à la Constitution. Deuxio, le décret 2024-106 portant abrogation du décret convoquant le corps électoral est annulé.
Toutefois, le conseil ouvre un grand boulevard aux autorités compétentes, qui auront en charge de fixer la nouvelle date des élections.
En ce qui concerne l’inconstitutionnalité de la loi portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution, les requérants avaient soutenu “que la loi attaquée est contraire à la Constitution, en ce qu'elle prolonge le mandat du président de la République de 10 mois”, en violation des articles 27 et 103 de la charte fondamentale.
À en croire les sages, l’argument est bien fondé. Rappelant sa propre jurisprudence de 2016, le conseil explique que “la durée du mandat du président de la République ne peut être réduite ou allongée au gré des circonstances politiques, quel que soit l'objectif poursuivi”. Aussi, “la date de l’élection ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat”.
Last but not least, constatent les sages, “la loi attaquée introduit dans la Constitution des dispositions dont le caractère temporaire et personnel est incompatible avec le caractère permanent et général d'une disposition constitutionnelle”.
“La date de l’élection ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat”
Selon la haute juridiction, “en décalant la date de l’élection du président de la République au 15 décembre 2024 et en décidant que ‘le président en exercice poursuit ses fonctions’ jusqu’à l’installation de son successeur, la loi attaquée proroge la durée du mandat du président de la République au-delà des cinq ans”.
Conséquence, selon Badio Camara et Cie, cette loi “est contraire aux dispositions des articles 27 et 103 de la Constitution ainsi qu’à la sécurité juridique et à la stabilité des institutions”.
Relativement au décret sur la convocation du corps électoral, les requérants avaient sollicité son annulation en ce qu’il manque de base légale. Pour eux, le président ne dis- pose pas du pouvoir de reporter ou d'annuler le scrutin. Constatant que le chef de l’État s’est basé sur la proposition de loi portant dérogation à l’article 31 pour justifier l’abrogation du décret sur le corps électoral, considérant que cette loi a été déclarée contraire à la Constitution, le Conseil constitutionnel donne raison aux requérants et annule le décret pour absence de base légale.
Au nom de l’ordre public, de la paix et de la stabilité des institutions
Le Conseil constitutionnel n’a fixé ni la nouvelle date de l’élection ni les modalités de poursuite du processus. Il laisse un grand boulevard aux acteurs politiques.
Alors que les requérants lui demandaient de fixer la nouvelle date de l’élection, à défaut d’ordonner la poursuite du processus déjà en cours, le Conseil constitutionnel, tout en constatant “l’impossibilité” d’organiser les élections le 25 février, “invite les autorités compétentes à la tenir dans les meilleurs délais”.
Selon les sages, “au regard de l’es- prit et de la lettre de la Constitution et de la loi organique relative au Conseil constitutionnel, la haute juridiction “doit toujours être en mesure d’exercer son pouvoir régulateur et de remplir ses missions au nom de l'intérêt général, de l'ordre public, de la paix, de la stabilité des institutions et du principe de la nécessaire continuité de leur fonctionnement”.
Du brouillard sur les candidatures
Outre le fait de laisser à l’autorité compétente la faculté de fixer une nouvelle date “dans les meilleurs délais”, le Conseil constitutionnel n’a pas non plus édifié sur les modalités de la poursuite du processus. Celui-ci doit-il être repris depuis le début ? Y aura-t-il un nouveau dépôt des candidatures ? Quel sort pour la candidature de Karim Wade dont l’invalidation a été à l’origine de tout ce chaos institutionnel ? Qui des autres candidatures invalidées pour non-respect du parrainage ? Rien n’est clair pour le moment. Tout comme la question de la nouvelle date du scrutin, les sages ont préféré laisser cette question à l’appréciation des acteurs politiques.
La raison de l’absence du magistrat Cheikh Ndiaye
L’autre information qui n’a pas échappé à la loupe des observateurs, c’est que le magistrat Cheikh Ndiaye, accusé par Karim Wade de conflit d’intérêts et de corruption, n’a pas siégé hier. Pourtant, son coaccusé Cheikh Tidiane Coulibaly, lui, a bien signé la décision.
Selon nos sources, l’excuse qui a été servie pour justifier cette absence, c’est le voyage. “Le magistrat Cheikh Ndiaye est hors du territoire, c’est pourquoi il n’a pas siégé ; il est permissionnaire”, confient nos sour- ces, non sans préciser que cette absence n’affecte en rien la régularité de la décision qui a été prise.
Des acteurs exigent des préalables, pour aller aux élections
Au niveau de la classe politique, les positions sont aussi diverses les unes que les autres. Pour le candidat Mahammed Boun Abdallah Dionne, il ne faudrait pas que l’arbre cache la forêt. De l’avis de l’ancien Premier ministre, on ne peut aller à des élections sans tirer au clair l’affaire de corruption qui a été à la base tout ce désordre. “Peut-on aller en élection si le juge est accusé de corruption ? Ma réponse est non, on ne peut pas aller à des élections dans ces conditions. Il faut clarifier cette affaire avant toute chose. Si c’est vrai, il fau- dra revoir les choses. Si ce n’est pas vrai, il faut sanctionner ceux qui ont été à la base de ces accusations fallacieuses. Mais je demande à tous les candidats de ne pas aller aux élections dans ces conditions”, a déclaré le candidat sur TFM.
Tout en saluant la décision prise par le Conseil constitutionnel, Malick Gakou, également candidat, a considéré qu’il faut également éclairer la lanterne sur certaines candidatures injustement validées comme celle de Rose Wardini, mais aussi sur d’autres qui ont été invalidées.
De même sur la TFM, Abdourakhmane Diouf a salué la décision du Conseil, même s'il a estimé qu'il lui a dans le même temps causé du tort dans le décompte de ses voix. Il a toutefois décidé de passer outre, faisant savoir que le pays est au dessus de sa personne. Une situation d'injustice vécue par de nombreux recalés.
À noter qu’il est annoncé à la présidence de la République, l’audience de plusieurs acteurs majeurs de la classe politique. Mamadou Lamine Diallo a, lui, confirmé qu’il sera au palais cet après-midi.
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