NETTALI.COM - Libération des détenus politiques, situation de Sonko et de Bassirou Diomaye, date et conditions de l’élection présidentielle, position de Pastef sur le dialogue... "EnQuête" revient sur les termes du New Deal.
Un vent de dégel souffle sous le ciel sénégalais depuis quelques jours. Selon des sources judiciaires, c’est dans ce cadre qu’il faut inscrire la vague de libérations des détenus liés aux événements socio-politiques de ces dernières années. Alors que de nombreux observateurs s’interrogent sur les conditions dans lesquelles ces libérations massives ont été faites, nos interlocuteurs soulignent que tout a été fait dans le strict respect
des règles. "Il s’agit de libertés provisoires d’office accordées à un certain nombre de détenus, dans le cadre de cette dynamique d’apaisement", précisent nos interlocuteurs.
Depuis le jeudi 15 février, ils sont des dizaines, voire des centaines de détenus à avoir recouvré la liberté, suite à la médiation menée par certains acteurs dont le plus en vue est Pierre Goudiaby Atepa.
Selon le décompte fait par le journaliste Ibrahima Diallo (proche de Pastef), plus de 400 personnes ont été libérées depuis ce jour. Ainsi, 143 personnes ont été élargies le samedi 17 février, 129 le vendredi 16 février, une centaine d’autres au premier jour, le jeudi 15 février 2024. Soit au total 379 prisonniers rien que pour la prison de Rebeuss, quatre du côté de la Maison d’arrêt pour femmes de Liberté 6, sept du Cap manuel et six de Sébikotane.
La vague devrait se poursuivre aujourd’hui avec les 1er, 6e et 8e cabinets, de même que le 2e qui a pour le moment libéré le plus de détenus. “On attend aussi les régions, notamment Thiès, Ziguinchor, Louga et Mbour principalement”, soutient avec enthousiasme M. Diallo.
Sur les procédures ayant mené à ces libérations, nos sources soutiennent que c’est sur la base de réquisitions aux fins de mise en liberté provisoire d’office initiée par le parquet sur instruction de l’autorité. "C’est tout à fait légal", se défendent nos interlocuteurs, qui ajoutent : “Vous savez, un avocat peut demander pour son client une liberté provisoire. Dans ce cas, si le procureur n’est pas d’accord, le gars ne va pas sortir. En l’occurrence, c’est le parquet qui a requis les mises en liberté d’office. Les réquisitions ont été transmises aux juges d’instruction qui ont toute leur liberté de décision. S’ils ne sont pas d’accord, les personnes ne vont pas être mises en liberté.” Certaines demandes ont d’ailleurs été rejetées, selon des sources judiciaires.
Les détenus libérés sur la base de réquisitions du parquet
Dans un entretien récent sur RFI, le facilitateur Pierre Goudiaby Atepa avait annoncé un millier de prisonniers devant bénéficier de ces libérations (l’interview a été faite avant la décision du Conseil constitutionnel et avant le début des libérations).
À la question de savoir si Macky Sall est d’accord pour une libération d’Ousmane Sonko, il disait : "Je sais que l’option est sur la table. Il (Macky Sall) me l’a dit. Et c’est pour cela qu’il a demandé que les gens se concertent. Seulement, pour cette concertation, il faut de la confiance. Et nous, nous sommes là pour essayer, faire en sorte que la confiance puisse revenir de part et d’autre."
Selon toujours l’homme d’affaires, Sonko a exigé des gages pour engager des concertations avec le président Sall, notamment la libération des détenus. Le leader de l’ex-Pastef est-il intéressé à sa propre libération ? À cette question de la journaliste, l’architecte répondait en ces termes : "Sa préoccupation, ce sont les gens qui ont été abusivement arrêtés et je peux vous dire que le président, là également, est d’accord. Il a décidé de libérer le maximum de gens et je pense que d’ici quelques jours, il y aura peut-être un millier, je dis bien un millier de prisonniers qui seront libérés."
Déjà à l’époque, l’homme d’affaires estimait que la date du 25 février est impossible et que les acteurs doivent être raisonnables. “Je souhaite que les uns et les autres soient raisonnables, qu’ils compren- nent que nous sommes dans une situation inédite et qu’il faut, peut- être, des compromis sans compro- missions. C’est difficile, mais c’est possible”, plaidait-il.
Atépa sur les concertations : "Sonko a demandé des gages, notamment la libération des détenus"
Tels sont là les termes du dialogue direct, par médiateurs interposés, entre Ousmane Sonko et Macky Sall. Les autres points qui devraient être inscrits dans une perspective plus large sont surtout relatifs à l’organisation de l’élection présidentielle.
Au-delà des deux principaux acteurs, cette question concerne pres- que tous les candidats, recalés ou non, engagés dans la course à la Présidentielle. Même si la position de Sonko et de son parti semble être la plus attendue.
Depuis la semaine dernière, le président de la République a annoncé des consultations avec la classe politique. Il a, dans ce cadre, reçu quelques personnalités, dont Mamadou Lamine Diallo (parmi les 20 candidats retenus) et Thione Niang (candidat recalé à cause des parrainages). Seront à l’ordre du jour lors de ces consultations, non seulement la question de la date de l’élection, mais aussi des questions comme la nécessité ou non de reprendre le processus électoral en le rendant plus inclusif, le parrainage, le Conseil constitutionnel...
La question de la date de l’élection risque d’être l’un des principaux points de discorde. Alors que cer- tains acteurs exigent une élection avant le 2 avril, d’autres envisagent l’hypothèse de tenir la Présidentielle en mai ou en juin.
Selon certaines informations, l’hypothèse d’une élection avant le 2 avril semble peu probable. Entre autres arguments, on invoque le “risque de bâcler l’organisation” et d’avoir une “élection biaisée et un président mal élu”.
Suivant nos sources, pour se conformer à la décision du Conseil, il n’est pas exclu la démission du pré- sident de la République à la fin de son mandat, le choix d’un “président intérimaire” pour faire l’élection... “Tout dépend des consensus qui vont ressortir des concertations entre les acteurs”, assurent nos interlocuteurs qui, eux, parlent de mai ou de juin.
L’éventualité d’une élection en mai ou en juin
Lors de sa sortie sur RFI, Atépa avançait déjà l’hypothèse d’une élection au mois de mai. “Je pense que personne n’est d’accord pour le 15 décembre. Je pense, personnellement, que des délais qui nous amèneraient fin mai pourraient être raisonnables. Mais ça, le dialogue devrait, effectivement, nous permettre de trouver une date de consensus”, disait-il, avant même la décision du Conseil constitutionnel.
Quid de la position de Sonko sur la question ? Il confie, après avoir certifié qu’il l’a rencontré à plusieurs reprises ces derniers temps : “Je lui ai dit : voilà ce que le président souhaite. Il souhaite un climat apaisé. Il souhaite, éventuellement, que tout le monde puisse être candidat, y com- pris vous. Et il faut lui faciliter la tâche. Il m’a dit : ‘Écoute, je ne suis pas seul. Il faut que je consulte les gens de mon parti.’ Dans la même veine, il exigeait la libération des détenus comme gage. À préciser qu’à ce jour, la position du maire de Ziguinchor n’a pas été officiellement partagée. Il préfère plutôt laisser planer le flou sur la question.
En tout cas, la question ne sera pas du tout simple. Déjà, certains radicaux de l’ex-Pastef réaffirment à qui veut les écouter qu’il n’est pas question de toucher à la liste des 20 candidats ou bien d’organiser une élection au-delà du 2 avril. Même posture chez les alliés les plus fidèles, notamment Guy Marius Sagna, qui ne rate presque jamais une occasion de le rappeler.
Dans sa dernière missive, le chantre du Frapp/France dégage dénonce l’acharnement sur sa personne et sur la coalition Diomaye Président dans un contexte dit d’apaisement. Il ajoute : “Je crois que l'histoire d'un Macky Sall voulant ‘sortir par la grande porte’ est un conte à dormir debout. Penser que Macky Sall préférerait donner le pouvoir à Sonko et à Pastef plutôt qu'au candidat de la France Amadou Ba, c'est nous faire prendre des vessies pour des lanternes...”
Guy Marius radical, El Malick conciliant
Pour Guy Marius, l’actuel président est fini et veut juste entrainer d’autres dans sa chute. “Macky essaie non pas de faire œuvre utile, mais d'emporter avec lui des organisations, des femmes et hommes politiques en souillant leur crédibilité... Il n'est mu que par une ambition : montrer en les piégeant que ‘et pourtant, ils sont comme nous”’.
Guy Marius Sagna est-il entré de prévenir son ami Sonko fortement soupçonné d’entrer en négociation avec le palais ? Quelle serait la posi- tion des autres responsables du parti ?
Il faut noter que la plupart semblent être moins bavards depuis quelques jours. Pour sa part, le responsable de la communication, El Malick Ndiaye, était hier sur le plateau de Walf TV. Il s’est montré très conciliant, même s’il passait son temps à rappeler que l’ex-Pastef a toujours été pour la décrispation.
Sur le dialogue qui serait en cours entre le chef de l’État et Sonko, tout en affirmant que son organisation n’a été astreinte à aucune condition pour la libération des détenus, il a été très nuancé en ce qui concerne les discussions entre Sonko et Macky. Mieux, il dit : “De toute façon, nous n’avons jamais dit que nous n’allons pas dialoguer...”
Au journaliste qui lui rappelle que Sonko a toujours dit que Macky Sall ne connait pas le dialogue, mais le rapport de force, il rétorque : “Ce que nous avons dit, c’est que nous n’allons pas dialoguer n’importe com- ment et dans n’importe quelle condition. Je veux que ça soit clair. Ousmane Sonko l’a toujours dit.”