Plus le temps s’écoule, plus les langues se délient, plus des candidats montent au créneau pour fustiger ou adouber le dialogue politique. A l’origine du recours qui a débouché sur un report de l’élection, Thierno Alassane Sall ne compte pas lâcher prise. Dans un communiqué, le président de République des Valeurs (RV) avertit ceux qu’il appelle "les dialogueurs" et qui seraient en train de discuter pour torpiller le processus validé, selon lui, par le Conseil constitutionnel. "Nous exhortons les dialogueurs de l'ombre à se départir de la tentation de mar- cher sur la Constitution en acceptant le report de l'élection. Nous exhortons le Conseil constitutionnel à constater la carence de Macky Sall à exécuter sa décision n°1/C/2024, et à en tirer le seul verdict qui vaille : Macky Sall est décidément un put- schiste qui n'en démord pas..."
Selon le candidat à la Présidentielle, il n’y a pas de doute possible. A travers la décision susvisée, le Conseil constitutionnel "réaffirme l'impératif de poursuivre le processus électoral conformément à ses décisions précédentes, notamment celle portant validation définitive de la liste des 20 candidats".
A l’en croire, il y aurait des personnes qui "ont proposé" ce qu’il considère comme "des compromis coupables, tels que “l'amnistie contre une élection inclusive". Ces personnes, dit-il sans les nommer, "sont complices de la déstabilisation orchestrée par Macky Sall. Ils portent également une grande responsabilité dans le cycle de violence vers lequel le Sénégal se dirige, ainsi que les trois morts déjà enregistrés. On ne fonde pas une paix durable sur le mépris des lois", a insisté l’auteur du recours qui a mené à l’invalidation de la candidature de Karim Wade pour binationalité.
De l’avis du leader de la République des Valeurs, l’objectif du Président Sall a toujours été et reste de se maintenir au pouvoir. Malgré des sorties dans lesquelles il rappelait le "caractère définitif" des décisions du Conseil, il a manœuvré pour arriver au report de l’élection. "...On sait ce qu'il advint de ce bel esprit républicain et légaliste : le 3 février, le chef suprême des Armées, Macky Sall se mit devant les Sénégalais pour annoncer ce qui s'avère être un coup d'État constitutionnel", dénonce-t-il.
Pour Thierno Alassane Sall, il apparaît clairement que "les discussions avec les candidats recalés n'étaient qu'une vaste mascarade pour justifier son coup d'État constitutionnel". Bien avant cette audience, souligne-t-il, "des rencontres discrètes avaient lieu" et elles "visaient le report de l'élection".
Et comme pour jeter un gros pavé dans la mare des "dialogueurs", il affirme : "Macky Sall n’a toujours pas renoncé. Son objectif reste d’annuler le processus en cours, en faisant du troc : amnistie contre inclusion. C'est cela qui explique le dilatoire qu'il observe actuellement qui est source de toute sorte de spéculations. En conséquence, le seul sujet pertinent de discussion avec l'administration est la date du premier tour de l'élection présidentielle."
Pape Alé Niang : "Le dialogue entre les acteurs est indispensables, mais on n’a pas besoin de folklore"
En fait, depuis quelques jours, il y a de grosses incertitudes autour de la date de l’élection et du maintien ou non de la liste des 20 candidats. Pour beaucoup de spécialistes, il résulte de la décision du Conseil constitutionnel que l’élection doit se tenir au mois de mars, pour que tout le processus, y compris éventuellement le deuxième tour, puisse se tenir à une date permettant au nouveau Président d’entrer dans ses fonctions le 2 avril, marquant le terme du mandat du Président Sall.
Seulement, il ressort des confidences faites par plusieurs sources, que certains travailleraient à faire tenir l’élection au-delà du 2 avril. L’on avance même les mois de mai et juin comme plus probables. Auquel cas, se poserait la question de la période transitoire si l’on sait que le mandat du Président Sall s’achève le 2 avril. Les différentes options possibles, dans le cas où l’élection ne se tient pas avant le 2 avril, c’est soit une démission du Président au terme de son mandat pour laisser la place à un “intérimaire” soit, si les acteurs lui en offrent l’opportunité, d’organiser le scrutin avant de transmettre le pouvoir à son successeur.
Alors que l’essentiel des candidats validés par le Conseil constitutionnel se battent pour une élection avant le 2 avril sans réaménagement de la liste, d’autres militent pour une reprise du processus devant permettre à tous les candidats, y compris Ousmane Sonko, de se présenter. A Pastef, le principal enjeu sera de savoir si Sonko et Diomaye vont se mettre d’accord sur une telle hypothèse ?
Proche d’Ousmane Sonko et du Pastef, le journaliste Pape Alé Niang, lui, invite les acteurs à être plus raisonnables et à accepter de discuter pour en finir avec cette situation. "Les concertations entre les acteurs sont indispensables. Parce que quoi qu’on puisse dire, le Conseil n’a pas fixé de date. Il a juste dit qu’il faut organiser l’élection dans les meilleurs délais. Les concertations sont donc indispensables. Maintenant, quelles doivent être les modalités ? De quoi on va parler ? C’est cela la question, mais on ne peut éviter les concertations", fulmine le journaliste.
Selon lui, il en a parlé avec des candidats. "Je leur ai dit : si vous restez dans votre coin, que le Président reste dans son coin, il n’y aura pas d’élection. Parce que c’est lui qui tient la sécurité, de lui dépend aussi le déploiement du matériel électoral, même la Justice. Donc pour l’intérêt supérieur du Sénégal, on doit avoir un esprit de dépassement, mettre en avant l’intérêt du Sénégal pour qu’on puisse dépasser cette situation."
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