NETTALI.COM - L’interview du chef de l’État et son appel au dialogue, avant-hier, ont suscité de vives réactions au sein de la classe politique, notamment dans les rangs de l’opposition. Si les candidats retenus ont décliné l’offre de Macky Sall, les candidats recalés ont de leur côté donné leur accord à ce dialogue.
Les réactions de la classe politique sénégalaise ont suivi les lignes de fracture de l’opposition sénégalaise qui s'étaient dessinées au fil des derniers jours concernant le sort du processus électoral. Si les membres du Front Démocratique pour des élections inclusives (FDPEI) ont salué cette sortie en parlant de discours responsable et allant dans le bon sens d’une reprise du processus électoral, le collectif FC 25 qui regroupe 16 candidats n’a pas eu de mots assez durs pour qualifier le dis- cours et la proposition de dialogue de forfaiture (voir ailleurs).
En effet, cette interview de Macky Sall devant la presse nationale a rajouté, selon beaucoup d’observateurs, de l’incertitude dans un processus qui tombe dans une sorte d’imbroglio politique. Surtout que, la tenue d'élections après le 2 avril risque de plonger le pays dans un chaos politique.
Pour Serigne Mboup, ce discours et l’appel au dialogue ne semblent pas favoriser la recherche de consensus sur la date de la présidentielle. «Nous prenons acte de ses déclarations. C'est bien de dialoguer. Mais, il ne faudrait pas que cela soit des longues heures d'échanges sans issue. Quoi qu'il en soit, le calendrier électoral doit être respecté. Le nouveau président de la République doit être élu avant le 2 avril, afin que Macky Sall puisse se retirer. Pour moi, le dialogue ne peut pas déterminer la date de l'élection», déclare le maire de Kaolack.
La saisine du Conseil Constitutionnel en perspective pour une date de la présidentielle
De son côté, l'ancien ministre de l'Énergie, Thierno Alassane Sall indique qu’il ne peut en aucun cas cautionner un dialogue orchestré pour parachever le coup d'État constitutionnel qui se déroule depuis le 3 février 2024. «Je m'apprête à saisir le Conseil constitutionnel d'une requête afin de constater et de remédier à la carence du président de la République, qui refuse de fixer la date de l'élection, en violation de sa décision n°1/C/2024 du 15 février 2024», a-t-il déclaré dans une note parvenue à EnQuête.
Dans la même dynamique, Dr Cheikh Tidiane Dièye, leader du parti Avenir Sénégal, indique que «Macky Sall veut s’introniser en roi. Qu’il se le tienne pour dit. Il ne sera pas le président du Sénégal au-delà du 02 avril. Le peuple Sénégalais n’est pas un peuple à brimer, encore moins des esclaves. Nous invitons tous ses parents et amis à le raisonner pour qu’il quitte le pouvoir en paix sans quoi il lui sera forcé par le peuple», fait-il savoir.
D’autres candidats recalés ou spoliés sont sur la même longueur d’onde. En effet, les candidats qui ont rejoint les coalitions en place ont indiqué leur opposition à tout dialogue. C’est le cas des personnalités comme Cheikh Bamba Dieye, Aminata Touré ou Amadou Ly Akilee qui ont déjà apporté leur soutien à la coalition Diomaye Faye écartant toute idée de dialogue avec le chef de l’État.
Le front commun candidats recalés et pouvoir pour sauver le dialogue national
Toutefois, on note un autre son de cloche chez les membres du Front Démocratique pour des élections inclusives (FDPEI). Cheikh Tidiane Gadio, Me El Hadj Diouf ou Assome Aminata Diatta sont prêts à répondre au dialogue. Des ex candidats qui n’hésitent pas à tacler les candidats retenus qu’ils accusent de privilégier leurs intérêts politiciens au détriment de l’intérêt national.
«Nous saluons cette sortie du président Macky Sall qui va dans le sens de revoir le processus biaisé et dont les manquements apparaissent chaque jour. Car nous pensons qu’il est important de discuter du processus et de la date pour la présidentielle qui ne pourra se faire qu’à travers la prise d’un décret convoquant le collège électoral. Il faut 80 jours entre la prise de ce décret et la date de l’élection. Je pense quand on milite pour la paix, il est inadmissible de ne pas venir dialoguer sur la date de l’élection», soutient Mohamed Ben Diop candidat recalé et membre du FDPEI.
Il demande aux candidats recalés de faire preuve de dépassement et de responsabilité, d’autant plus qu’ils peuvent participer et faire connaître leur position devant toute la Nation. «La politique a horreur de la chaise vide. Il est nécessaire de discuter pour trouver avec tous les acteurs concernés une date consensuelle après la reprise de tout le processus. De toute manière, on doit saisir l’Assemblée nationale à l’issue du dialogue pour revoir le Code électoral», déclare le leader du parti Pass Pass.
Mamadou Diop Decroix, membre du FDPEI, indexe pour sa part le processus du parrainage qui a privé de leurs droits de nombreux candidats à la présidentielle. «Nous avons alerté dès le 7 janvier des nombreux dysfonctionnements sur le processus de parrainage, bien avant la publication officielle des 20 candidats. Je pense qu’on peut organiser le parrainage et faire un travail de rectification sur le processus, avant d’aller vers les élections inclusives», avait précisé l’ancien ministre sous Wade à l’occasion d’une rencontre du FDPEI.
Pour sa part, les membres de la majorité ont apporté sans surprise leur soutien au président Macky Sall. Ainsi, le candidat de la majorité s’est désolidarisé du groupe des candidats retenus, avant de voler au secours de son mentor politique. Le Premier ministre a ainsi invité tous ses membres à faire bloc autour du Président Macky Sall, afin de l’appuyer dans l’initiative du Dialogue.
«Amadou Ba a aussi réaffirmé son soutien sans réserve ainsi que celui de tout le Directoire, aux efforts constants du président de la République, Son Excellence Macky Sall, pour la tenue d’une élection transparente, libre et démocratique, dans un climat pacifié et apaisé», a fait savoir le communiqué sanction- nant la réunion de la Directoire de campagne du candidat de la grande coalition Benno Bokk Yakaar.