NETTALI.COM - Bassirou Diomaye Faye, qui deviendra officiellement mardi le plus jeune président du Sénégal, compte conserver le précieux soutien de son mentor Ousmane Sonko, pour qui il a fait office de candidat de substitution. Comment les deux hommes vont-ils travailler de concert et avec quelle marge de manœuvre ? Éléments de réponse.
L’image a suscité un torrent de réactions : Bassirou Diomaye Faye, Ousmane Sonko et Macky Sall réunis au palais de la République. Jeudi 28 mars, le futur président du Sénégal, accompagné de son mentor, a rencontré le chef de l’État sortant pour une "réunion de travail" très médiatisée. Un préambule à la passation de pouvoir qui aura lieu mardi 2 avril, date de la fin de mandat de Macky Sall.
Cette rencontre est symbolique à plus d’un titre. Elle envoie tout d’abord un message d’apaisement après trois années d’un féroce affrontement entre le camp présidentiel et les représentants du Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité), dissous par les autorités en juillet dernier. Aussi et surtout, la présence d’Ousmane Sonko, chef de file de l’opposition empêché de se présenter à la présidentielle, rappelle, si cela était encore nécessaire, que la victoire de Bassirou Diomaye Faye n’est pas celle d’un seul homme.
"Ousmane Sonko ne compte pas gouverner à la place du futur président, mais il ne va évidemment pas rester en retrait, car nous devons maintenir l’engouement populaire autour de notre projet", affirme un proche conseiller de Bassirou Diomaye Faye.
"Diomaye, c'est Ousmane"
Nommé en novembre 2023 par le camp Sonko comme candidat à la présidence, Bassirou Diomaye Faye est alors bien moins connu que son mentor. Pour lancer la campagne et obtenir les parrainages nécessaires, la "coalition Diomaye Faye" mise tout sur l’image du charismatique chef de l’opposition. "Parrainer Diomaye, c’est parrainer Sonko", peut-on alors lire sur l'affiche présentant les visages des deux alliés. Un message devenu mot d’ordre durant la campagne, à travers le slogan "Diomaye mooy Ousmane" ("Diomaye, c'est Ousmane") scandé inlassablement par leurs soutiens.
Au lendemain de l’élection présidentielle, alors que les tendances l’annoncent largement en tête, Bassirou Diomaye Faye n'oublie pas celui qui a rendu son élection possible. "Je veux réserver une mention particulière à un homme. Je pense que je n'ai pas besoin de le citer, c'est le président Ousmane Sonko", déclare-t-il sous les hurlements de ses sympathisants, en référence à sa position au sein du Pastef.
Ousmane Sonko Premier ministre ?
Depuis la victoire de Bassirou Diomaye Faye, les spéculations vont bon train quant à la place qu’occupera Ousmane Sonko au sein du pouvoir. Car l’ancien inspecteur principal des impôts et actuel maire de Ziguinchor est toujours considéré par ses partisans comme le dirigeant du Pastef, malgré la dissolution du parti.
Parmi les réformes du programme, figure en bonne place la refonte de la présidence qui prévoit une réduction du pouvoir du chef de l’État en remplaçant le poste de Premier ministre par une vice-présidence. Mais ce changement, qui pourrait permettre d’installer le duo à la tête du pays, doit passer par une réforme constitutionnelle et n’est donc pas applicable dans l’immédiat.
En attendant, Ousmane Sonko pourrait être nommé Premier ministre de Bassirou Diomaye Faye qui formera, une fois investi, un nouveau gouvernement. Une option néanmoins risquée pour Ousmane Sonko, selon certains observateurs.
"Le Premier ministre est assis sur un siège éjectable et il n’est pas dit que pendant les cinq prochaines années, ce sera la lune de miel", analyse Francis Kpatindé, maître de conférences à Sciences Po Paris, rappelant que, malgré la bonne entente entre les deux camarades de lutte et amis, il n’existe "qu'un fauteuil présidentiel".
Les législatives en ligne de mire
D’autres verraient bien Ousmane Sonko en président de l’Assemblée nationale. "En cas d’élections législatives anticipées, il pourrait s'y faire élire et devenir ainsi la deuxième personnalité de l'État", souligne Gilles Yabi, politologue sénégalais et fondateur du centre de réflexion Wathi.
Fort d'une large victoire contre le candidat du pouvoir Amadou Ba, Bassirou Diomaye Faye doit néanmoins composer avec une Assemblée nationale dominée par la coalition rivale, Benno Bokk Yakaar, soutien d'Amadou Ba. Mais la Constitution permet au président de dissoudre l’Assemblée à l'expiration d'un délai de deux ans suivant son installation, soit dans cinq mois. Ce qui entraînerait des élections législatives anticipées.
"Nous ne pouvons pas gouverner et mettre en place nos reformes avec une majorité hostile. Il est donc évident que nous allons dissoudre l’Assemblée lorsque cela sera possible, en septembre", confie le conseiller de Bassirou Diomaye Faye.
"Cette échéance électorale est essentielle et nous avons bien sûr besoin du soutien d’Ousmane Sonko dans cette campagne qui s’ouvrira prochainement", souligne-t-il. Un soutien d’autant plus important que le mentor de Bassirou Diomaye Faye pourrait garder la main sur l’appareil politique.
"Nous trouvons anormal qu’un président soit chef de l’État et chef de son parti en même temps, comme Macky Sall. Ousmane Sonko, lui, n’aura pas à choisir. Il peut donc rester président de notre formation s’il le souhaite", note le conseiller.