NETTALI.COM - L'ancien président de la République du Sénégal et envoyé spécial pour le Pacte de Paris pour les peuples et la planète (4P), Macky Sall, a publié une tribune dans laquelle il dénonce le système financier international. Son combat, à la tête des 4P, est de réécrire les règles de la finance mondiale pour mobiliser le financement nécessaire à une croissance durable dans les pays en développement.
L e mercredi dernier, dans une tribune publiée sur le site de Context, une plateforme de la Thomson Reuters Foundation consacrée au changement climatique, l'ancien président du Sénégal, Macky Sall, a dénoncé le système financier international qu'il juge déloyal envers les pays en développement.
"Lorsque je réfléchis à mes 12 années passées en tant que président du Sénégal, une leçon se détache : à quel point le système financier international est déloyal envers les pays en développement comme le mien. Peu importe la solidité de nos politiques économiques, nous sommes considérés comme un pari risqué. Notre accès au capital est à la fois restreint et scandaleusement onéreux. Nos politiques fiscales et monétaires sont dictées, de fait, par des banques centrales lointaines. Et quand nous essayons de protester, nous découvrons que nous n’avons pas voix au chapitre", écrit-il.
En effet, souligne Macky Sall, "il a fallu une pandémie, et l’implosion économique qui a suivi, pour que ces failles deviennent visibles pour tous. Cela a conduit les Nations Unies et le Fonds monétaire international (FMI) à appeler à un nouveau 'moment de Bretton Woods' : une réforme en profondeur des institutions financières internationales".
Dans le même ordre d'idées, relève-t-il, "quatre ans plus tard, avec la Covid sous contrôle et une fragile reprise économique mondiale en cours, l’élan réformiste risque de s’estomper au fur et à mesure que le sentiment d’urgence s’estompe".
Or, fait-il remarquer, "pour la plupart d’entre nous dans le monde en développement, ces efforts ont été insuffisants. Les multiples crises auxquelles nous sommes confrontés n’ont pas disparu. Au cours des trois dernières années seulement, il y a eu dix-huit défauts souverains dans dix pays en développement plus que tous les défauts de paiement de la dernière décennie réunis".
Selon la Banque mondiale, renseigne l'envoyé spécial pour le Pacte de Paris pour les peuples et la planète, "60 % des pays à faible revenu courent un risque élevé de surendettement ou y sont déjà. Les paiements d’intérêts de ces pays ont quadruplé au cours des dix dernières années, alors que les taux d’intérêt mondiaux ont bondi".
De ce fait, regrette Macky Sall, "pour honorer le remboursement de leur dette, les pays à faible revenu réduisent les dépenses dans l’éducation, la santé et autres services publics. Ce faisant, ils sacrifient aussi leur droit à un avenir meilleur. L’Afrique paie désormais davantage en service de sa dette qu’elle ne consacre à investir dans la résilience climatique, estimée à 50 milliards de dollars par an. Sa dette extérieure a atteint 824 milliards de dollars en 2021, les pays y consacrant 65 % de leur PIB pour rembourser ces obligations".
Le "multilatéralisme inclusif"
Lors des réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI, cette année, souligne Macky Sall, le FMI a mis en garde contre la croissance des inégalités mondiales, avec "les pays les plus pauvres qui s’éloignent encore davantage".
Pour changer la donne, l’ancien chef de l’État préconise de rendre le système financier international plus équitable, plus réactif aux besoins réels du monde en développement et plus représentatif de la communauté mondiale, et plus urgent que jamais. “L’année dernière à Paris, lors d’un sommet mondial convoqué par le président français Emmanuel Macron, 32 pays, dont le Sénégal, se sont mis d’accord sur le Pacte de Paris pour les peuples et la planète
(P4). Nos objectifs sont clairs : créer un monde où la pauvreté a été éradiquée et la planète préservée, et où les pays vulnérables sont mieux armés pour faire face aux crises. Pour ce faire, nous visons à mobiliser toutes les sources de financement, ce qui explique pourquoi la réforme du système financier international est au sommet de notre agenda”, renseigne l'envoyé du P4.
Macky Sall d’ajouter : “Nous savons que de nombreuses institutions partagent nos objectifs et que nous ne souhaitons pas dupliquer leurs efforts. Au contraire, nous plaidons pour une nouvelle approche, que j’appelle le 'multilatéralisme inclusif'. Nous cherchons à rassembler le plus de pays possible, de tous les continents et niveaux de revenus, en surmontant les divisions : Est contre Ouest, Nord global contre Sud, pays verts contre pollueurs qui ont nui aux initiatives par le passé."
En tant que plateforme, informe-t- il, "nous pouvons d’ores et déjà pointer certains progrès. Par exemple, notre campagne en faveur d’une plus grande représentation des pays en développement dans la gouvernance des institutions financières internationales commence à porter ses fruits".
En octobre dernier, rappelle M. Sall, "les membres du FMI ont approuvé l’élargissement de son Conseil d’administration pour inclure un troisième représentant africain sur 25, ce qui contribuera à renforcer la voix du continent dans les affaires économiques et financières. Mais, reconnaît-il, il nous reste encore un long chemin à parcourir".
À cet effet, écrit-il, "nous encourageons les gouvernements à exiger des agences de notation des critères objectifs, transparents et mesurables dans l’évaluation du risque souverain”.
En effet, l’ancien chef de l’État est en croisade, depuis des années, contre les agences de notation. À la tête des 4P, il compte œuvrer pour des notes plus justes. "Des recherches menées par le Programme des Nations Unies pour le développe- ment (PNUD), renseigne-t-il, montrent que ces agences attribuent systématiquement des notations de risque plus élevées aux pays pauvres, indépendamment des réalités économiques sur le terrain".
Cela, ajoute l'envoyé du P4, "a abouti à une situation où, en moyenne, les pays africains paient quatre fois plus pour emprunter que les États-Unis et huit fois plus que les économies européennes les plus riches. Notre accès au financement du développement et du climat dépend de la fin de cette discrimination financière. Un autre objectif est d’attirer au moins un euro de financement privé pour chaque euro de financement public dépensé dans le développement, le climat et la nature".
In fine, écrit Macky Sall, "nous invitons davantage de pays à rejoindre le Pacte de Paris pour réécrire les règles de la finance mondiale, donner aux pays en développement une plus grande influence dans les institutions financières internationales et mobiliser le financement pour une croissance durable. Ce faisant, nous espérons créer un nouvel ordre financier mondial inclusif et à la hauteur des enjeux du XXIe siècle"
