NETTALI.COM - Le président Bassirou Diomaye Faye, qui s’est engagé à réduire le coût de la vie, doit prendre en compte un certain nombre de leviers tels que la baisse de la fiscalité sur les denrées alimentaires et la course vers l’autosuffisance alimentaire. Cette volonté d'abaissement des prix des produits de base risque de se heurter à la nécessité d’assurer l’équilibre budgétaire et le contrôle des finances publiques dans un contexte de lutte contre les déficits publics.

C’est un premier rendez- vous manqué. Le 15 mai dernier devait constituer le point de départ du processus de réduction des prix des denrées de première nécessité. Mais les attentes ont été refroidies par le dernier Conseil des ministres où le Premier ministre a fait part des mesures envisageables pour la baisse du coût de la vie, après consultation des représentants des producteurs, des commerçants, des transporteurs ainsi que des associations de consommateurs.

Les denrées visées sont le riz brisé non parfumé, le pain, le sucre cristallisé et l’huile. À la fin de ces concertations, Ousmane Sonko remettra un rapport avec des propositions pré- cises à Monsieur le Président de la République.

La veille, le PM, lors de la tenue du Conseil interministériel en vue de la célébration de la Tabaski, a tenté de rassurer les Sénégalais sur la tenue de cette promesse de campagne, non sans rappeler les difficultés de peser sur le prix des denrées importées.

Nous pouvons vous assurer que les prix vont baisser. Et d’ici peu, nous allons parler avec les Sénéga- lais, car nous y avons déjà travaillé. Si un pays est importateur de denrées de première nécessité, naturellement, certains prix vont s’imposer à lui”, a-t-il dit.

Pour l’ancien maire de Ziguinchor, une baisse significative ne pourra être effective qu’après la mise en œuvre d’un programme de souveraineté alimentaire afin de soulager les ménages.

Alla Dieng, directeur exécutif de l’Unacois Yessal, semble avoir fait la même réflexion expliquant que la réduction des denrées de première nécessité ne sera pas facile, dans la mesure où 65 % des denrées alimentaires consommées dans notre pays sont importées. “Le prix de ces produits dépend de plusieurs facteurs qui sont le coût du baril et du dollar, ce qui rendra cette baisse des prix difficile”, a-t-il déclaré dans nos colonnes fin avril dernier.

Ainsi, la baisse du coût de la vie a été retardée, en raison d’un manque de flexibilité et de leviers sur lesquels l’État peut s’appuyer pour faire baisser les prix des denrées. En effet, lors d’un Conseil des ministres en fin avril, le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a demandé à son gouvernement de mettre sur pied, d'ici le 15 mai prochain, un plan d’urgence opérationnel de lutte contre la vie chère assorti de mesures hardies de baisse des prix des denrées de consommation courante ainsi que de certains services essentiels.

Le chef de l’État a demandé à ses services de prêter une attention particulière sur le système de contrôle des prix au détail homologués pour le riz, le sucre, l’huile, la farine, le lait et le pain qui sont loin d’être respectés sur les marchés.

Beaucoup d’acteurs économiques et d’experts se sont montrés sceptiques, en raison de la conjoncture économique. Le précédent régime avait édicté un certain nombre de mesures : renonciation à des taxes et impôts sur des denrées comme la farine, subvention de denrées au Sénégal, numéro vert, recrutement d’agents de contrôle sur les marchés, entre autres. Ces mesures n’ont pas empêché la flambée des prix sur les marchés.

Sur ce, des experts prônent la mise sur pied de volontaires de consommation pour vérifier l’état des prix sur les marchés. La mise en place d’une politique de prix conseillés en concertation avec les commerçants pourrait aussi constituer une solution pour faire baisser le prix des denrées de première nécessité.

Les limites fiscales et financières dans le processus de réduction des denrées de première nécessité

Pour l’économiste Meissa Babou, l’État a déjà activé ce levier fiscal avec la baisse de la TVA sur les produits de denrées de première nécessité jusqu’à 5 %, voire 1 % sans grande conséquence sur la baisse des prix. “L’État, sous Macky Sall, a fortement baissé la fiscalité sur les produits alimentaires comme la pomme de terre, le riz parfumé, entre autres. Ainsi, l’État a joué sur trois marges : marge des importateurs, marge des grossistes et marge des détaillants afin d’espérer avoir une baisse des produits de base. Mais la plupart du temps, cette baisse n’est pas très significative. La seule issue est d’aller vers une politique d’autosuffisance alimentaire”, déclare-t-il, avant d’indiquer que cette politique n’est pas un remède miracle pour une forte baisse des prix, en raison de la cherté des prix de l’engrais, de l’urée et des pesticides qui augmentent le coût de la production locale face aux produits importés.

Cette volonté de baisse des produits alimentaires doit aussi prendre en compte la maîtrise des dépenses publiques et de contrôle du déficit budgétaire, ce qui a poussé le gouvernement sénégalais à donner quelques gages aux institutions de Bretton Woods.

Par ailleurs, la politique de la fin des subventions prônée par le FMI et la Banque mondiale et la réduction des dépenses publiques risquent de constituer un défi pour le gouvernement, si ce dernier décidait de rétablir les subventions.

En 2023, le gouvernement sénégalais s'est engagé à réduire la dé- pense publique. Ainsi, l’État a réduit l’enveloppe des subventions pour les produits pétroliers et l'énergie à au plus 1 % du PIB fin 2024, avant de les supprimer d’ici 2025. Cette décision a dû permettre, selon plusieurs projections, de réaliser une économie d’environ 240 milliards F CFA en 2023.

Cette mesure a aussi accentué le déficit budgétaire, poussant les institutions de Bretton Woods à s’alarmer sur les capacités de financement du Sénégal, si le déficit continuait à se creuser. “Cependant, dans l'immédiat, l'État peut agir sur les factures énergétiques, en diminuant le coût de l'électricité, ce qui impacte directement les PME, le coût de l'eau et du carburant. Ces baisses augmentent le pouvoir d'achat des ménages et, en même temps, diminuent les coûts de production de certaines entités pour améliorer la rentabilité. L'impact financier peut être très élevé pour les finances publiques, mais la baisse des dépenses publiques va atténuer les pertes fiscales”, conclut Meissa Babou, enseignant-chercheur à l’Ucad.