NETTALI.COM- Bah Diakhaté et imam Cheikh Ahmed Tidiane Ndao ont fait face, le lundi 27 mai, au juge du tribunal des flagrants délits de Dakar. Poursuivis pour diffusion de fausses nouvelles et offense à une personne exerçant tout ou partie des prorogatives du chef de l’État, l'Imam a réfuté les faits. Quant à l'activiste, il a réitéré ses propos. Le Procureur a requis 6 mois ferme contre eux.

Le procès de l'activiste  Bah Diakhaté et de l'imam Cheikh Ahmed Tidiane Ndao  s’est ouverte ce lundi devant le tribunal des flagrants délits de Dakar. Entendu le premier, l’imam Cheikh Ahmed Tidiane Ndao a en partie reconnu en partie les faits. En effet, dès l’entame de son propos, le prévenu âgé de 53 ans a fait son mea culpa, si toutefois, dit-il ses propos ont été dénigrants. Il a par ailleurs souligné qu’en l’absence de son avocat, les enquêteurs l’ont obligé à reconnaître les faits. "J'ai été forcé à dire oui. C'était en l'absence de mes avocats. J'ai enregistré ces audios depuis l'incendie de l'université. "Je ne faisais que rappeler ce que dit l'islam sur cet aspect de la vie. Je n'ai pas dit que j'ai commis une erreur. Je n'ai jamais tenu de tels propos", a-t- il déclaré, ajoutant qu'il a été contraint de signer le procès- verbal de police.

Dans sa logique d’apporter des précisions sur les faits qui lui ont valu son arrestation, il a affirmé : "Je n'ai jamais dit que la première personne reçue par Sonko à la mairie de Ziguinchor est un homosexuel. J'ai des talibés et des enfants qui ont un certain respect et amour envers Sonko. Alors, j'ai posé des questions en demandant si vraiment il a des accointances avec les homos. J'ai repris les propos des autres. Je le mettais en garde."

Mais c'est sans compter sur le représentant du parquet qui lui a rappelé : "Même si vous aviez des preuves, la justice ne prend pas ça en compte, parce que c'est dans le domaine de la vie privée."

"Je n'ai aucun pouvoir sur la justice et la loi. Si vous pouvez, mettez- moi en prison pour 10 ans. Je n'ai jamais présenté des excuses en affirmant que j'ai été induit en erreur. J'étais contraint de signer le procès- verbal de police", a dit l'imam.

Me El Hadj Diouf : "limite-toi à ce qu'on te demande. Sinon, je ne vais plus te défendre"

Par rapport à la sodomie, l’imam Ndao a précisé : "J'ai de la pudeur, c'est pourquoi je ne suis pas resté longtemps lors du procès d’Adji Sarr. Je ne pouvais pas supporter les mots et les accusations d’Adji Sarr sur Sonko. J'apprécie Diomaye et je n'ai rien contre lui." "Limite-toi à ce qu'on te demande. Sinon, je ne vais plus te défendre", a pesté Me El Diouf qui a estimé que le maitre des poursuites n'est pas à l'aise dans cette affaire. "Je suis parfaitement à l'aise. Ça se saura tout à l'heure", a rétorqué le parquetier.

Il a toutefois nié avoir déclaré que Sonko a reçu un homosexuel en tant que première personnalité de l'Etat. "J'ai des talibés et des enfants qui ont un certain respect et amour envers Sonko. Alors j'ai posé des questions en demandant si vraiment Sonko a des accointances avec les homo » dit-il. Avant d'ajouter :  "J'ai repris des propos des autres. Je le mettais en garde. Je n'ai aucun pouvoir de la justice et la loi. Si vous pouvez, mettez-moi en prison pour 10 ans. Je n'ai jamais présenté des excuses en affirmant que j'ai été induit en erreur. J'étais contraint de signer le procès-verbal de police. J'ai de la pudeur ,c'est pourquoi je ne suis pas resté longtemps au procès Adji Sarr. Je ne pouvais pas supporter les mots et les accusations de Adji Sarr sur Sonko.J'apprécie Diomaye" .

"Bah Diakhaté : "j'ai réalisé cette vidéo en mai 2022 et je n'ai pas publié la vidéo..."

L’activiste Bah Diakhaté quant à lui, a déclaré avoir réalisé cette vidéo en mai 2022. " J'ai réalisé cette vidéo en mai 2022 après les accusations de Sonko contre Macky Sall sur la promotion de l'homosexualité. Je n'ai pas publié la vidéo", ajoutant que les faits sont amnistiés et qu'il ne répondra pas davantage. L'activiste a aussi réaffirmé ses propos : "ma réaction est politique. Elle avait une visée selon laquelle ceux qui tiraient sur le régime de Macky, n'ont pas dit mieux et plus sur la question de l'homosexualité. Je confirme que le discours de Sonko fait la promotion de l'homosexualité". Je suis un homme politique qui défend les intérêts de mon parti. je m'adressais au leader du Pastef pas à Ousmane Sonko, le Premier ministre". "J’ai dit que la carrière politique de Sonko est difficilement détachable de ceux qui font la promotion de l'homosexualité et qui prônent la LGBT".

À son avis, le Premier ministre a, lors de sa sortie à l'université Cheikh Anta Diop, utilisé deux mots qu’il ne fallait pas. "Gérer et tolérer. Quand on parle de gérer, c'est parce qu'il y a des intérêts en contrepartie et tolérer, c'est encourager"

Lors de son interrogatoire ce lundi devant le tribunal des flagrants délits, l'activiste a aussi déclaré que Ousmane Sonko a trompé les sénégalais en faisant sa déclaration de patrimoine. Selon lui, l’actuel premier ministre n’a pas mentionné un de ces immeubles qui ne figurait pas dans sa déclaration. Devant le juge, l’activiste a brandi des titres de propriétés du nom de Ousmane Sonko qu’il a revendu en 2018 à une dame répondant au nom de Astou après avoir acquis cet immeuble. « Il l’a vendu à 100 millions. Le président de la République Bassirou Diomaye Faye a vendu un immeuble à un inspecteur des impôts », a aussi révèle Bah Diakhaté.

Le maitre des poursuites a requis six mois d'emprisonnement ferme contre Cheikh Ahmed Tidiane Ndao et Bah Diakhaté. Toutefois, le parquet a tenu à préciser que ce procès n'est nullement une tentative de musèlement du peuple sénégalais pour que plus personne n’ose parler de l’homosexualité. Mais plutôt un procès entre la liberté et la responsabilité.

Ainsi, le ministère public a considéré que les prévenus ont outrepassé leur liberté d'opinion. Et s’il y a des vidéos et audio contenant des propos outrageants à l'encontre de la per- sonne du Premier ministre, le parquet a le devoir de s'autosaisir face à ces actes qu'il considère comme attentatoires au respect. "Qu'est-ce qui arriverait si chacun pouvait faire et dire tout ce qu'il veut ? Tout ce qui se rapporte à l'homosexualité à la vie privée n'accepte pas l'exception de vérité. C'est des implications dont il n'a pas les preuves. D'où le caractère faux de l'information portée à la connaissance du public. En outre, en droit, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire", renchérit le substitut du procureur qui rappelle que la per- sonne visée exerce une partie des prérogatives du président de la République. Ce texte peut être applicable même au gouverneur de Tambacounda, car il représente le président de la République.

Aussi, a-t-il requis de déclarer Cheikh Ahmed Tidiane Ndao et Bah Diakhaté coupables des faits qui lui sont reprochés. En sus de la peine de six mois ferme, le parquet a requis une amende de 100 mille francs contre chaque prévenu, le retrait des propos dans les plateformes par la Division de cybersécurité, la publication, à leurs frais, de la décision sur deux médias publics et deux médias privés. Il demande l'application de la loi dans son intégralité.

À la suite du substitut du procureur de la République, les avocats de Cheikh Tidiane Ndao et Bah Diakhaté ont tour à tour tenté de démonter le dossier retenu contre leurs clients. Maitres El Hadj Diouf, Amadou Sall et Cie estiment qu'aucun élément du dossier ne peut confirmer que ce que Bah Diakhaté a dit était du faux. Selon les robes noires, c'est un procès politique qui a été organisé dans cette procédure. Il a été ouvertement démontré que la publication de cette vidéo le 20 mai 2024 n'a été faite que par lui-même. Le débat par rapport à la vidéo ainsi que sa publication ont été balayés avec des preuves à l'appui. "Monsieur Diakhaté n'a jamais dit qu'il attaque Ousmane Sonko. Mais il a pris une position politique en répondant à une question politique. Mieux, Ousmane Sonko a effectivement dit avoir reçu Mélenchon en tant que président de parti et non en tant que Premier ministre".

"En droit, l'homosexualité n'est pas tolérée. Dire que l'homosexualité est tolérée, c'est de l'incitation aux actes contre nature. C'est favoriser des actes contre nature. C'est une chose qui peut susciter le questionnement de Bah Diakhaté quant à leur agenda. Par rapport à l'immeuble que Diomaye aurait vendu à son actuel ministre des Finances Cheikh Diba, lorsqu'il était inspecteur du Trésor, aucun document ne le conteste”, a ajouté Me Dia.

Pour sa part, Me El Hadj Diouf n'a pas fait dans la dentelle pour défendre ses clients. L'avocat est allé jusqu'à défier le ministère public qui, dit-il, "s'est trompé". Pour lui, c'est une erreur du parquet de penser que le pouvoir du contreseing appartient au président de la République. "Bilahi, walahi, ce n'est pas vrai et je vais le démontrer. Ils ont causé du tort à ces prévenus. Les policiers ont voulu violer la loi, mais ils ont eu en face un gars qui connait ses droits. En toute chose, il faut faire preuve de sérénité. Mais qu'est-ce qu'il a dit, Bah Diakhaté, pour créer cet affolement ? C'est juste que dans ce pays, il y a des intouchables. Vous êtes un grand intellectuel, mais vous allez tomber aujourd'hui, Monsieur le Procureur !", a-t-il lancé.

Pour lui, les prévenus ont démontré que Sonko n'a pas dit la vérité. L'homosexualité n'est pas tolérée au Sénégal. C'est un procès de la honte pour Ousmane Sonko. Quand j'ai lu le PV, je me suis dit que le dossier sera classé sans suite, car c'est dés- honorer Ousmane Sonko. Il est libre d'inviter ses amis, ses collègues chefs de parti. Mais pourquoi on est gêné par cela ?”, s'interroge-t-il pour finir.

Maitre Alioune Badara Fall, en renfort à ses confrères, a lui estimé que ce dossier devait être classé, car le sieur Diakhaté avait apporté tous les éléments de preuve. Il a réclamé ainsi la relaxe pure et simple pour le délit de diffusion de fausses nouvelles. “Toutes les preuves ont été versées”, a-t-il affirmé.

Pour finir, Maitre Amadou Sall a introduit une demande de liberté provisoire qui a été rejetée par le parquet. La défense s’est rétractée en attendant le délibéré qui est fixé au 3 juin prochain. Bah Diakhaté et l'imam Ndao devront prendre leur mal en patience. Ils retournent ainsi à citadelle dans l'attente de la décision du tribunal, la semaine prochaine.