NETTALI.COM - L' Union des magistrats sénégalais (UMS) a son mot ou plutôt ses maux à soumettre aux Assises de la Justice. A l'issue d'une réunie tenue le 18 mai 2024 à la salle 4 sise au Palais de justice de Dakar, une quinzaine de recommandations ont été formulées. Elles portent, entre autres, sur la composition du Conseil supérieur de la magistrature, les nominations, l'avancement, la réforme de la Cour suprême... Voici l'intégralité des recommandations qui commencent par la réforme souhaitée du Conseil supérieur de la magistrature.

L'option est de changer de paradigme en l'érigeant en un organe autonome prenant en charge la carrière des magistrats, la garantie de leur indépendance et le respect de la déontologie. Le Conseil supérieur de la magistrature devrait disposer d'un siège propre, d'un budget de fonctionnement et d'un véritable secrétariat. L'Union des magistrats sénégalais (UMS) s'oppose à l'ouverture du Conseil supérieur de la magistrature à des personnalités non magistrats. La personne nommée qui n'est pas magistrat peut être étrangère aux «impératifs éthiques et professionnels des magistrats». En outre, il existe un fort risque de créer une composition déséquilibrée. La présence de tiers n'est pas de nature à assoir l'autorité judiciaire ou à renforcer le lien de confiance entre les citoyens et l'institution judiciaire (l'exemple du Burkina Faso est suffisamment illustratif).

Recommandation n°2 : L'UMS soutient vivement l'augmentation des membres élus du Conseil supérieur de la magistrature de 04 à 12 membres. L'UMS propose d'augmenter le nombre de membres élus et d'accroitre les pouvoirs du Conseil. Il s'agira de faire passer le nombre de membres élus de 04 à 12 membres soit deux membres élus par ressort de Cour d'appel.

Recommandation n°3 : L'UMS dit Oui à la présence continue du Président de la république et du ministre de la justice dans le Conseil supérieur de la magistrature. (Sous réserve et dans l'attente de la position officielle du président de la République sur l'opportunité ou non de sa présence au sein de ce conseil). La présence du chef de l'Etat dans le conseil permet d'assoir un cadre permanant de discussions et d'échanges entre l'exécutif et le pouvoir judiciaire.

Recommandation n°4 : L'UMS soutient l'aménagement des pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature pour en faire un organe délibérant et non un organe consultatif.

Recommandation n°5 : L'UMS propose la nomination du Secrétaire Général du CSM par ses pairs et le renforcement de ses pouvoirs. Il est également utile de regrouper le CSM et la Direction des Services Judiciaires pour enfin obtenir une gestion optimale de la carrière des magistrats. L'UMS propose de discuter sur le monopole du pouvoir exclusif de convoquer les réunions et de fixer l'ordre du jour. Prévoir le partage du pouvoir de convoquer les réunions et de fixer l'ordre du jour impacterait positivement le fonctionnement du conseil. L'UMS propose aussi l'instauration de dates fixes (deux par an) pour la tenue de la réunion du CSM (dont l'une au moins avant le début des vacances judiciaires).

Sur les nominations aux hautes fonctions judiciaires

Recommandation n°7 : Reconnaitre au CSM un pouvoir de proposition de nomination concernant les hautes fonctions judiciaires. Il s'agira donc d'enserrer la nomination des magistrats aux hautes fonctions judiciaires dans un formalisme précis et de définir de la procédure à suivre par les candidats à cette fin à savoir l'appel à candidature ou l'étude de dossiers.

Pour les autres nominations 

Recommandation n°8 : Pour les autres nominations, le Conseil supérieur de la magistrature devra donner son avis conforme sur les propositions du garde des Sceaux.

Recommandation n°9 : L'UMS propose la nomination des Juges d'instruction par le Conseil supérieur de la magistrature. L'UMS propose d'intégrer la mobilité fonctionnelle ou géographique sous forme d'article nouveau dans la loi organique en la limitant à trois (03) ans.

Recommandation n°11 : L'UMS propose de limiter la durée des fonctions au même poste à cinq (05) ans dans les juridictions.

Sur l'avancement du magistrat

Constat :
La réglementation de l'avancement des magistrats est une exigence fondamentale pour assurer l'indépendance et l'impartialité nécessaire à la bonne administration de la Justice. Il convient de noter que l'élaboration du tableau d'avancement est précédée de la notation des magistrats par leurs supérieurs hiérarchiques. Il est à noter que les décisions portant notation peuvent faire grief aux intéressés à charge pour eux de disposer du droit d'attaquer directement devant la juridiction compétente. L'option est de renforcer les garanties statutaires et d'éviter la précarisation de la situation des magistrats.

Recommandation n°12 : l'UMS propose l'encadrement de la notion d'intérim, la nomination aux fonctions et emplois, principalement à titre de titulaire, le recours exceptionnel à l'intérim, strictement limité au cas où le magistrat occupe un emploi correspondant à un grade supérieur. Le recours à la notion de nécessités de services ne devrait désormais être possible que dans les cas suivants :
•⁠ ⁠Besoin de renforcement du personnel en raison du volume de travail ;
⁠Vacances de poste ;
•⁠ ⁠Départs à la retraite ;
•⁠ ⁠Création de nouvelles juridictions ;
•⁠ ⁠Maladies nécessitant de longs traitements ;
•⁠ ⁠Mésentente et absentéisme ayant un impact négatif sur le fonctionnement du service ;
NB : Cette liste est indicative. Mais dans tous les cas, le CSM est chargé de s'assurer que les raisons invoquées correspondent bien à des nécessités de service préalablement avant la prise de la mesure

Recommandation n°13: l'harmonisation de l'âge de la retraite à 68 ans pour tous !
magistrats. L'UMS recommande de modifier la loi organique portant statut des magistrats en ramenant la durée du passage à la hors hiérarchie de 18 ans à 15 ans.

Recommandation n°14 : Faire du passage à la hors hiérarchie un passage automatique dans sa mise en œuvre.

Sur les ressources financières du service public de la justice

Constat :
En dépit de la judiciarisation croissante de la société avec l'accroissement du volume de travail des juridictions, les ressources financières allouées au Ministère de la justice sont dérisoires et loin des normes communautaires de l'UEMOA, qui demande à chaque pays membre de consacrer au minimum 3% du budget annuel au secteur de la justice. Au Ghana par exemple, il est voté un budget autonome pour le pouvoir judiciaire différent du budget du ministère de la justice et géré par le président de la cour suprême.

Recommandations sur le budget alloué à la Justice 

Recommandation n°15 : L'UMS propose aux pouvoirs publics d'aller vers l'atteinte de l'objectif fixé par la norme communautaire de l'UEMOA qui est de porter à 3% le budget alloué à la justice. Cette mesure serait un signal fort à l'endroit des partenaires techniques et financiers de nature à les convaincre d'accompagner sur la durée les efforts du gouvernement.

Sur les réformes de la Cour des comptes 

Recommandation n°16 : L'UMS propose la réduction de l'échelonnement indiciaire à 18 ans en vue de réduire le nombre d'années de service entre le grade de conseiller et celui de conseiller-maître de classe exceptionnelle qui est actuellement de 25 ans. En effet, du fait des trois échelons de deux ans au niveau du grade de conseiller et de conseiller référendaire de deuxième classe, la durée de service nécessaire pour passer au grade de conseiller maître est jugée particulièrement longue. Cette situation est préjudiciable aux magistrats recrutés à partir de 2019 qui ont, pour la plupart, totalisé plus d'une dizaine d'années de service dans la hiérarchie Al ou A spéciale qui sont obligés de reprendr quasiment leur carrière. Elle pourrait constituer également un frein à l'attractivité du cor puisque l'accès au corps des magistrats de la Cour des Comptes est réservé aux he fonctionnaires ayant totalisé cinq (5) années de service.

Recommandation n°17 : Définition des modalités d'évaluation des magistrat une gestion équitable de la carrière ;

Recommandation n°18 : Renforcement des procédures pour une meilleure efficacité dans la répression des infractions financières durant les contrôles et la mise en œuvre des recommandations
Les points de réforme envisagés devraient donner à la Cour les possibilités de :
•⁠ ⁠Saisine directe des autorités judiciaires avec obligation de poursuites en cas de découverte de faits délictuels qui sont commis au cours d'un contrôle ainsi que pour la mise en œuvre des suites judiciaires concernant les faits délictuels relevés dans les rapports de contrôle ;
•⁠ ⁠Saisine directe de la Cour par les autorités judiciaires puisque dans le sens inverse également, il s'agira de permettre aux autorités judiciaires ainsi qu'à l'OFNAC de saisir directement la Cour des Comptes pour la sanction, par la Chambre de discipline financière, des fautes de gestion relevés au cours de l'instruction des affaires dont ils ont la charge ;
Recueil direct des informations auprès des citoyens au nom du droit de dénonciation des citoyens afin d'alimenter les audits et enrichir le processus de sélection des sujets d'audits.
En accord avec vos services, le bureau reste ouvert à toutes démarches allant dans le sens du suivi rapproché de ces différentes recommandations ainsi qu'à la prise en compte des différentes préoccupations liées au secteur de la Justice.
Sachant pouvoir compter sur votre diligence habituelle, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Garde des Sceaux, l'expression de notre parfaite considération. L'avancement des magistrats n'est pas soumis à des conditions de mobilité géographique ou fonctionnelle alors même qu'il est courant de voir des magistrats s'éterniser à leur poste dans les juridictions.
C'est pour éviter ce genre de situation que certains statuts ont introduit le principe dit de la mobilité fonctionnelle ou géographique.
A titre illustratif, le statut de la magistrature en France prévoit que nul ne peut exercer plus de 7 ans la fonction de président ou de procureur de la république d'un même TGI ou d'une même cour d'appel.
De même l'article 28-3 dudit statut fixe à 10 ans la durée maximum des fonctions d'un juge d'instruction, d'un juge des enfants, d'un juge de l'application des peines au sein d'un TGI.
Le principe de la mobilité fonctionnelle figure également dans le statut de la magistrature du Burina FASO (article 6 de la loi organique n°050-2015/CNT du 25 aout 2015 qui prévoit une durée de 5 ans pour tout magistrat en poste dans une juridiction).

Sur la mobilité fonctionnelle du magistrat

La mobilité fonctionnelle ou géographique est de nature à éviter les pesanteurs liées à la routine ou à la perte d'efficacité en raison d'une implication poussée dans la vie locale.
Il est souhaitable d'intégrer, en les adaptant, les dispositions relatives à la mobilité fonctionnelle ou géographique.