NETTALI.COM - Le Premier ministre Ousmane Sonko a dit qu'il n'a pas de comptes à rendre, ni aux politiques, ni même aux journalistes. Pour le président du Conseil de l'observation pour les règles d’éthiques et de déontologie dans médias (Cored), Mamadou Thior, c’est une sortie "malheureuse".

"La presse ne demande aucun compte, elle fait juste son travail". Les propos sont du journaliste Mamadou Thior, le président du Conseil de l'observation pour les règles d’éthiques et de déontologie dans médias ( Cored).

Invité de l'émission "Jury du dimanche" sur Iradio, il apportait la réplique au Premier ministre Ousmane Sonko qui dit ne pas avoir de comptes à rendre aux journalistes.

«C'est une déclaration maladroite. Parce qu'il doit savoir que même si lui, quand il était opposant, il se passait de la presse avec les lives qu'il faisait, la presse a un rôle éminemment important à jouer dans une démocratie. Depuis qu'il est nommé Premier ministre, il passe constamment au journal télévisé. Donc ça, c'est la presse. On ne peut pas mettre la presse sur le même pied que les réseaux sociaux. Et on se rend compte de ça quand on est aux affaires », fulmine-t-il

Avant de poursuivre : « la presse est là pour jouer son rôle, pas pour mettre des bâtons dans les roues. Nous sommes là pour voir ce qui est bon, l'exposer. Ce qui est mauvais aussi, on l'expose. Maintenant, c'est le peuple qui apprécie. Et pas pour mettre des bâtons dans les roues du Premier ministre ou de son gouvernement. S'il le comprend comme ça, c'est bien. Parce que je pense que dire que je n'ai pas de compte à rendre à la presse, la presse est, comme on dit, un chien de garde. Donc pour voir un peu ce que le nouveau régime va faire, moi j'estime que c'est très tôt. Mais la presse doit être un chien de garde de tous les jours, pour faire en sorte que ceux qui sont là puissent faire plus et mieux que ceux qui sont partis ».

Mamadou Thior s’est aussi prononcé sur les arrestations des dirpub de "La Tribune" et du "Quotidien". "Dans un passé récent, pour moins que ça, on retenait les gens et c’était le mandat de dépôt automatique”, selon lui. "Aujourd’hui, on convoque un journaliste, on l’entend, on le libère. On ne peut pas se réjouir que l’on continue à convoquer des journalistes. Parce qu’on aurait pu en faire l’économie. Mais est-ce qu’ils ont bien fait le travail ? Oui, quelque part, on peut dire qu’il y avait quand même des précautions à prendre que ces gens-là n’ont pas prises. Parce que quand on est un directeur de publication, à ce niveau de responsabilité, les questions militaires, on ne dit pas que c’est des questions taboues, mais il faut vraiment en parler avec l’expertise nécessaire. Et nous ne sommes pas des experts en tant que journalistes, mais nous pouvons aller chercher les gens qui s’y connais- sent. Ils peuvent nous édifier. Mais quand vous voulez en parler avec légèreté, vous pouvez tomber tout de suite dans le panneau. Et comme ce sont des questions sensibles, il faut savoir la ligne rouge à ne pas franchir", prévient-il.

S’agissant des questions militaires, poursuit le journaliste, il faut vraiment que ce soit “béton” pour en parler. "Ce n’est pas pour rien quand vous regardez notre Code de la presse, l’article 5, quand on parle de secret défense, de secret de l’instruction. On vous trace des lignes rouges quand vous parlez de certaines questions. Pour dire que les journalistes, qu’ils soient sénégalais ou d’autres pays, ne sont pas au-dessus des lois. Du tout. Et on nous a fait ce reproche quand il s’agit de défendre la dépénalisation des délits de presse. Vous savez, c’est ça qui a fait même durer notre Code de la presse. Le texte a été déposé à l’Assemblée nationale en 2010. C’était du temps du président Wade", rappelle-t-il.

Avant de souligner que les acteurs de la presse n’ont pas bien communiqué, "parce qu’on ne leur (les députés) a pas expliqué où l’on voulait en venir avec la dépénalisation. Ici au Sénégal, nous avons le Cored. Donc, dès l’instant où l’on a un cadre pour sanctionner des journalistes, il est superfétatoire quand même de vouloir penser que la prison peut régler le problème"