NETTALI.COM - Une mutinerie qui a causé beaucoup de dégâts matériels et des blessés a éclaté, le jeudi 20 juin, à la prison du Camp pénal de Liberté 6. À l'origine de ce grabuge, une fouille jugée irrespectueuse de la chambre 8, accusent les détenus. La direction de l'Administration pénitentiaire évoque, elle, un refus de se soumettre à l'appel nominatif qui est une mesure de sécurité obligatoire.

Installé vendredi dernier par le ministre de la Justice Ousmane Diagne, l'inspecteur Aliou Ciss, le nouveau directeur général de l'Administration pénitentiaire, ne s'attendait pas à ce que son premier dossier brûlant soit une mutinerie survenue en début de matinée d'hier à la prison du Camp pénal de Liberté 6.

Dans les vidéos partagées sur les réseaux sociaux, le chaos est visible. Des chambres saccagées, des objets et vêtements brûlés dans la cour, des prisonniers blessés à la tête et aux bras. D'autres images montrent des prisonniers, dans la cour, lançant des bols et divers autres objets aux gardes pénitentiaires. On y entend également des insultes adressées aux hautes autorités.

Les vidéos étant devenues rapidement virales. Plusieurs thèses explicatives ont circulé dans la journée. Il a d'abord été question de la drogue (chanvre indien) trouvée dans des chambres. Mais des prisonniers ayant témoigné dans des audios qui ont fuité, réfutent cette thèse. "Ils [les gardes pénitentiaires] sont venus fouiller les gens dans la chambre. Nous n'avions pas refusé. Mais ils ont commencé à piétiner les bagages, créant un véritable chaos, un désordre total. Le café, le sucre, le couscous ont été jetés par terre. C'était du vrai je-m'en-foutisme. Même nos ‘khassidas’ n'ont pas été épargnés. C'est ce qui nous a déplu", a témoigné un prisonnier très en colère.

Nous voulons seulement être respectés comme des êtres humains. Il y a des choses que le bon sens ne tolère pas. Nous sommes des êtres humains, en plus d'être des Sénégalais. Qu'on respecte notre dignité humaine. Même dans les rigueurs carcérales, cela est intolérable. Il y a ici des gens qui purgent des peines de 20, 30 ans, mais qui les vivent dans la dignité. Ils n'ont jamais tenté de s'évader. Donc, qu'on nous laisse en paix. Mais au lieu de cela, ils jettent des grenades lacrymogènes dans des chambres fermées. Vous imaginez les dégâts ? Des gens se sont évanouis, d'autres se sont blessés. On souffre”, a-t-il ajouté.

Pour calmer les tensions, le ministre de la Justice, informé de la situation, s'est déplacé sur les lieux pour constater de visu et parler aux concernés. À sa sortie, bien que la situation soit revenue à la normale, Ousmane Diagne n'a pas fait de déclaration à la presse.

La version des gardes pénitentiaires

À la place, c'est la direction de l'Administration pénitentiaire qui a publié un communiqué pour donner sa version des faits.

Selon elle, les images et vidéos provenant de l'intérieur de cet établissement pénitentiaire, "frauduleusement" filmées par les détenus, résultent d'un incident survenu après que les pensionnaires de la chambre 8 ont "refusé" de se "soumettre" à l'appel nominatif, une mesure de sécurité obligatoire.

"Ils ont ensuite délibérément mis le feu à leurs effets de couchage. L'Administration pénitentiaire précise que la situation a été rapidement maîtrisée par le personnel en service. Aucun blessé n'est à déplorer, encore moins une perte en vie humaine. Cependant, une enquête sera ouverte pour déterminer l'origine des téléphones qui ont filmé et partagé ces scènes de violence. Par ailleurs, l'Administration pénitentiaire invite les détenus et l'opinion publique à respecter les dispositions sécuritaires régissant le fonctionnement des établissements pénitentiaires", précise le communiqué.

Les chantiers de l'inspecteur Aliou Ciss à la tête de l'Administration pénitentiaire

Lors de sa cérémonie d'installation, le nouveau directeur général de l'Administration pénitentiaire avait promis de ne ménager aucun effort pour œuvrer à la sécurisation des établissements pénitentiaires et à la préparation à la réinsertion sociale des détenus. Premier directeur issu du personnel pénitentiaire, il avait soutenu que sa priorité serait de placer l'humain au cœur de son action, en s'efforçant d'améliorer les conditions de détention et de préparation à la réinsertion sociale, de renforcer les capacités opérationnelles du personnel et de revaloriser la fonction pénitentiaire.

"Nonobstant les progrès réalisés, le système pénitentiaire sénégalais souffre de problèmes spécifiques liés aux longues détentions provisoires, à la surpopulation carcérale, à la vétusté et à l'inadaptation de l'architecture carcérale ainsi qu'à l'inadéquation entre la capacité d'accueil des établissements pénitentiaires et l'effectif carcéral. S'y ajoutent la faible application des peines alternatives à l'incarcération, l'insuffisance du personnel pénitentiaire et le manque de personnels spécialisés, conformément aux règles minimales pour le traitement des détenus, dénommées ‘Règles de Nelson Mandela’. Fort de ce constat, je vous annonce la mise en place prochaine d'un plan stratégique prenant en compte les réformes juridiques et tous ces aspects ainsi que l'amélioration des conditions de travail du personnel", avait-il promis.

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