NETTALI.COM - Une juge américaine a déclaré mercredi que Julian Assange était un « homme libre » à la suite d'un accord mettant un terme à une longue saga juridique et médiatique pour le fondateur de WikiLeaks, poursuivi pour avoir publié des centaines de milliers de documents confidentiels américains. Julian Assange s'est ensuite immédiatement envolé à destination de Canberra, en Australie, son pays natal.

« Avec ce jugement, il apparait que vous pourrez sortir de cette salle d'audience en homme libre », a déclaré la juge Ramona V. Manglona après que le lanceur d'alerte a plaidé coupable devant le tribunal fédéral de Saipan, dans les îles Mariannes du Nord. Cependant, Julian Assange sera interdit de retourner aux États-Unis sans autorisation a-t-on appris, un peu plus tard, du ministère de la Justice.

L'audience avait commencé peu après à 9h heure locale (mardi 23h TU) et Julian Assange a comme convenu plaidé coupable d'un chef d'accusation relatif à l'obtention et la divulgation d'informations sur la défense nationale.

Vêtu d'un costume noir et d'une cravate ocre, les cheveux gominés, l'ancien informaticien, âgé de 52 ans, est poursuivi pour avoir publié des centaines de milliers de documents confidentiels américains dans les années 2010 sur WikiLeaks. Pour sa comparution mercredi, le lanceur d'alerte a été accueilli par des appareils photos et des caméras. Il était accompagné notamment de Kevin Rudd, ancien Premier ministre australien et actuel ambassadeur à Washington.

« J'ai encouragé ma source »

« J'ai encouragé ma source », la militaire américaine Chelsea Manning, à l'origine de cette fuite massive, « à fournir du matériel qui était classifié », a reconnu à la barre un Julian Assange fatigué, mais visiblement détendu.

Le lanceur d'alerte a quitté lundi 24 juin le Royaume-Uni, où il était emprisonné depuis cinq ans, pour être jugé devant le tribunal fédéral américain de Saipan aux îles Marianne, un petit territoire américain du Pacifique, après avoir accepté le principe d'un plaider-coupable. Le tribunal des îles Mariannes du Nord a été choisi en raison du refus de Julian Assange de se rendre sur le continent américain et de la proximité du territoire avec l'Australie, selon un document déposé au tribunal.

Aux termes de cet accord, la peine de 62 mois de prison qui a été prononcée à couvert sa détention provisoire à Londres et Julian Assange « sera un homme libre une fois l'accord [de plaider coupable, NDLR] validé par le juge », avait déclaré mardi son épouse Stella à la BBC.

À la suite de l'accord, Julian Assange n'était plus poursuivi que pour un seul chef (« complot pour obtenir et divulguer des informations relevant de la défense nationale »), selon des documents judiciaires cités par son épouse ainsi que par Chelsea Manning.

« La priorité est à présent que Julian retrouve la santé »

Julian Assange s'est envolé pour Canberra aussitôt la fin de l'audience à bord d'une avion privé. Le Premier ministre australien Anthony Albanese a estimé que le dénouement imminent du dossier était un « développement bienvenu ». « La priorité est à présent que Julian retrouve la santé », « il est dans un état terrible depuis cinq ans » et souhaite « être en contact avec la nature », a souligné son épouse, Stella Assange.

Les Nations Unies ont salué cette libération, estimant que l'affaire avait soulevé « une série de préoccupations en matière de droits humains ». « Je suis reconnaissante que le calvaire de mon fils touche enfin à sa fin », a déclaré sa mère Christine Assange, dans un communiqué diffusé par les médias australiens.

L'accord met un terme à une saga de près de quatorze ans. Il est intervenu alors que la justice britannique devait examiner, les 9 et 10 juillet, un recours d'Assange contre son extradition vers les États-Unis, approuvée par le gouvernement britannique en juin 2022.

Des centaines de milliers de documents confidentiels

Il se battait pour ne pas être livré à la justice américaine qui le poursuivait pour avoir rendu publics à partir de 2010 plus de 700 000 documents confidentiels sur les activités militaires et diplomatiques américaines, en particulier en Irak et en Afghanistan. Parmi ces documents figure une vidéo montrant des civils, dont un journaliste de l'agence Reuters et son chauffeur, tués par les tirs d'un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007.

Visé par 18 chefs d'accusation, Julian Assange encourait en théorie jusqu'à 175 ans de prison en vertu de la loi sur l'espionnage. Le fondateur de WikiLeaks avait été arrêté par la police britannique en avril 2019, après sept ans passés dans l'ambassade d'Équateur à Londres pour éviter son extradition vers la Suède dans une enquête pour viol, classée sans suite la même année.

Depuis, les appels se sont multipliés pour que l'actuel président américain Joe Biden abandonne les charges à son encontre. L'Australie a présenté une demande officielle en ce sens en février.

Retour sur le sort de quatre autres lanceurs d'alertes

♦ Edward Snowden - Il est en exil forcé en Russie depuis 2013 après avoir remis à la presse des dizaines de milliers de documents secret-défense sur le recueil sauvage de données personnelles par les agences de renseignement. Désormais père de deux enfants, il a demandé et obtenu la citoyenneté russe qui le protège contre toute tentative d'extradition vers les États-Unis.
♦ Chelsea Manning - Ancienne analyste militaire américaine, elle transmet en 2010 à Wikileaks des informations confidentielles sur les bavures de l'armée en Irak et en Afghanistan. Elle passe plus de huit ans derrière les barreaux avant de sortir de prison au lendemain d'une tentative de suicide. Elle vit seule dans le quartier de Brooklyn à New York et souffre toujours de troubles psychiques.
♦ Zhang Zhan - Ex-avocate, journaliste citoyenne, elle est coupable aux yeux de Pékin de s'être rendue à Wuhan au tout début de l'épidémie de Covid-19 d'avoir filmé les rues désertes et les hôpitaux remplis à l'inverse de la propagande officielle. Après quatre ans de détention, elle est libérée le 13 mai 2024, mais reste sous surveillance des autorités chinoises et ne peut pas se déplacer librement.
♦ Rui Pinto - Jeune passionné de football, il transmet aux journaux allemands un dossier de 10 téraoctets à l'origine des Football Leaks : transferts douteux, fraude fiscale, malversations de la FIFA. Il est mis en cause pour piratage informatique au Portugal et écope de quatre ans de détention avec sursis, mais il promet de continuer ses révélations sur le milieu du ballon rond.