NETTALI.COM - Le Premier ministre, Ousmane Sonko, a publié une réponse suite à l’interpellation du député Guy Marius Sagna sur sa Déclaration de politique générale. Il évoque la possibilité de faire sa Dpg en dehors de l’Assemblée nationale. «Ce qui serait contra legem», dit le privatiste Iba Barry Kamara

A la guerre comme à la guerre. C’est la voie que semble avoir choisie Ousmane Sonko au risque de créer un blocage des institutions. Acculé après la sortie controversée du groupe parlementaire Yewwi pour justifier son absence de l’Assemblée pour sa déclaration de politique générale (Dpg), le Premier ministre est monté d’un cran dans son désir d’en découdre avec la majorité. Dans une réponse adressée au député Guy Marius Sagna et rendue publique sur sa plateforme sociale, le chef du gouvernement a été clair sur ses intentions. «Dans un souci constant de respect de la séparation des pouvoirs et du principe de légalité, je ne tiendrai ma Dpg devant cette Assemblée qu'une fois que la majorité parlementaire se sera amendée en réinscrivant dans le règlement intérieur l’ensemble des dispositions relatives au Premier ministre», a-t-il écrit après un argumentaire à charge sur le règlement intérieur de l’Assemblée qui, modifié en 2019, ne fait plus mention du Premier ministre.

De fait, les députés ont jusqu’au 15 juillet pour régler le problème au risque de voir Ousmane Sonko mettre à exécution sa menace de tenir sa Dpg «devant une assemblée constituée du peuple sénégalais souverain, de partenaires du Sénégal et d'un jury composé d’universitaires, d’intellectuels et d’acteurs citoyens apolitiques». Ce qui serait une première au Sénégal et quelque chose d’inédit au regard des textes. «Une telle thèse est contra legem, ce n’est pas possible, c’est anticonstitutionnel et illégal à tous points de vue», juge le privatiste Iba Barry Kamara. Même si, avec la modification du règlement intérieur, les modalités et les délais conférés au Premier ministre sont effectivement tombés, il reste la Constitution qui prévoit en son article 55 le principe de la Déclaration de politique générale dans l’Assemblée nationale et nulle part ailleurs.

En s’arrogeant la liberté de décider de l’endroit où faire sa Dpg, le Premier ministre va au-delà de ses prérogatives. Pis, il s’auto-transfère les compétences du pouvoir législatif, ce qui n’est possible que dans le cas où les institutions sont en crise comme en tant de guerre ou de calamité nationale, et sous réserve pour l’exécutif de ratifier plus tard ses dispositions par le législatif. «C’est ce qu’on appelle les prérogatives de l’exécutif sur habilitation législative», informe le professeur Barry qui rejette l’argument de la «carence» évoquée par Sonko. «En réalité, l’institution fonctionne correctement. Je ne sais pas sur quoi il se fonde pour parler de situation de carence».

Pour ce dernier, l’argument du faux règlement ne peut servir à bloquer le pays, d’autant plus qu’il suffirait que les parlementaires introduisent une proposition de loi pour remettre les dispositions supprimées. Ce serait maintenant une autre paire de manches, si la majorité et l’ancienne opposition aujourd’hui au pouvoir se servent de cet ersatz pour prolonger leur animosité. Ce qui, en l’occurrence, conduirait inéluctablement le pays à «une crise institutionnelle inutile», comme le dit l’ancien ministre Abdoul Mbaye. «Nous sommes dans un seul et même Etat et tous les organes doivent collaborer dans le sens d’accomplir la mission de service public. Ces organes n’ont pas été créés pour une animosité. Lorsqu’on parle de séparation des pouvoirs, c’est pour instaurer un équilibre et cet équilibre se rompt lorsqu’il n’y a pas de collaboration», conclut Iba Barry Kamara, en appelant les deux pouvoirs à la retenue.