NETTALI.COM - Convoqués ce samedi 29 juin 2024, en séance plénière, les députés devaient débattre de l’orientation budgétaire des trois prochaines années. Seulement, à la surprise générale, le Bureau de l’Assemblée nationale a annulé le Débat d’orientation budgétaire (Dob), qui est un exercice d’information prévu par la Loi organique au plus tard à la fin du deuxième trimestre de chaque année.
Cette décision du Bureau de l’Assemblée d’annuler la tenue du Dob, est en réaction à la sortie du Premier ministre, Ousmane Sonko qui, dans un message partagé dans les réseaux sociaux, n’écarte pas de tenir sa Déclaration de politique générale (Dpg) en dehors de l’Hémicycle. Suite à ces propos du Premier ministre, le Bureau de l’Assemblée nationale s’est réuni en urgence ce samedi 29 juin et a décidé d’annuler le Dob. «Le Bureau décide de surseoir à la tenue du Débat d'orientation budgétaire prévu ce jour 29 juin 2024 dans la mesure où le Premier ministre, chef du gouvernement, dont le ministre des Finances et du budget est membre, ne compte pas faire sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale», a expliqué le communiqué du Bureau de l’Assemblée nationale. Mais, l’absence de tenue du Dob est-elle de nature à entraîner l’illégalité de la délibération approuvant le budget de 2025 ? Peut-elle avoir des incidences sur le bon fonctionnement des Finances publiques ?
Le Dob est un exercice prévu par la Loi organique n°2020‐07 du 26 février 2020 abrogeant et remplaçant la loi organique n°2011‐15 du 08 juillet 2011 relative aux lois de finances, modifiée par la loi organique n°2016‐34 du 23 décembre 2016. Cette loi organique fixe les règles relatives au contenu, à la présentation, l’élaboration, l’adoption, l’exécution et au contrôle des lois de finances, détermine aussi les conditions dans lesquelles est arrêtée la politique budgétaire à moyen terme pour les finances publiques de l’Etat et des autres organismes publics. Elle énonce les principes relatifs à l’exécution des budgets publics et à la comptabilité publique et aux responsabilités des agents publics intervenant dans la gestion des finances publiques. Le ministre chargé des Finances prépare les projets de lois de finances qui sont adoptés en Conseil des ministres. L’article 56 de la Loi organique dispose que «le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (Dpbep) visé à l’article 51 de la présente loi organique, éventuellement accompagné des documents de programmation pluriannuelle des dépenses visés à l’article 52 de la présente loi organique, est adopté en Conseil des ministres. Ces documents sont publics et soumis à un débat d’orientation budgétaire à l’Assemblée nationale, au plus tard à la fin du deuxième trimestre de l’année».
Face à cette exigence, l’ancien député et spécialiste des questions parlementaires, Alioune Souaré, estime que le Bureau de l’Assemblée nationale a violé la loi en décidant d’annuler le Dob. «Le fait d’annuler le débat d’orientation budgétaire est une violation de la loi. L’idée du Dob est partie de la directive n°6/2009/CM/Uemoa de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa). Maintenant, est-ce que le Bureau de l’Assemblée nationale a le droit d’annuler le Dob ? Le seul fait de renvoyer le ministre chargé des Finances et d’empêcher la tenue du Dob est scandaleux», fustige l’ancien parlementaire. Non sans souligner qu’au-delà du caractère illégal, l’annulation du Dob n’aura aucune incidence sur le fonctionnement des Finances publiques. Alioune Souaré : «On ne peut pas reprogrammer le Dob parce sa tenue est fermée dans les délais. Cependant, la non-tenue du Dob n’aura pas d’incidence sur les documents. Le Dob n’est pas une étape de validation, c’est simplement un exercice d’information».
L’ancien député, Théodore Monteil, en ajoute une couche. Monteil, qui dénonce cette décision du Bureau de l’Assemblée nationale, estime que les gens sont en train de s’amuser avec nos textes et appelle à un retour aux fondamentaux. Cependant, il précise que la non-tenue du Dob est sans effet sur le fonctionnement des Finances publiques. «Le Dob est une étape d’information. Le ministre vient avec un rapport général avec le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle et le document de programmation pluriannuelle des dépenses et les députés débattent sur ça. Mais, ce n’est pas comme en France où le débat d’orientation budgétaire permet aux députés de déplacer des crédits à l’intérieur d’un programme. Ici, au Sénégal, les députés n’ont pas le pouvoir de déplacer des crédits ou de créer un programme. Le Dob est juste une information qui leur permet de préparer le marathon budgétaire à venir. Il n’y aura donc aucune incidence», a fait savoir l’ancien parlementaire, Théodore Monteil.