NETTALI.COM - Plusieurs recommandations sont formulées dans le rapport des Assises nationales de la justice. Certaines mesures visent à réparer le service public de la justice, d’autres visent à le refonder.

Les assises ont été un moment de remise en cause de plusieurs aspects de notre justice, une radioscopie de ce pouvoir qui est au cœur de l’État moderne, selon Babacar Guèye, facilitateur des Assises de la justice. Jeudi 4 juillet, lors de la cérémonie de restitution des conclusions, le professeur a souligné que les résultats de ces réflexions inclusives convergent vers deux constats majeurs.

Il s’agit, "d’une part, des dysfonctionnements du service public de la justice et, d'autre part, de l’inadéquation de l’institution judiciaire à notre substrat culturel à l’évolution des technologies de l’information et de la communication".

En réponse à ce diagnostic profond, des recommandations phares sont formulées pour "une justice de son temps". Elles sont au nombre de 30. D’abord, concernant les axes de réforme proposés par les assises, il s’agit, d’une part, d’adopter des textes déjà introduits dans la procédure législative, de réviser à travers de larges consultations des codes (Code de la famille, Code pénal, Code de procédure pénale) et, d’autre part, d’améliorer les différentes chaînes judiciaires à savoir la justice pénale (mandat de dépôt, retour de parquet, longue détention provisoire, engorgement des prisons), la justice commerciale (célérité, moyens et dématérialisation), la justice administrative (décentralisation, procédure d’urgence), d'après le Pr. Babacar Guèye.

Relativement aux acteurs, un recrutement massif est largement préconisé pour une meilleure délivrance du service public de la justice. La réorganisation du Conseil supérieur de la magistrature pour garantir la transparence dans la gestion des carrières, et l’ouverture du barreau sont "des propositions fortement appuyées" aux yeux du facilitateur général du dialogue national.

En ce qui concerne la modernisation, Babacar Guèye souligne que des mots clés sont revenus régulièrement : rupture, refondation, création. "Comme pour dire que la modernisation de la justice est possible, mais elle passe par des innovations essentielles dont la dématérialisation, la digitalisation et la numérisation avec un recours à l’Intelligence artificielle pour rester dans l’air du temps".

Selon le rapport, la communication pour rapprocher la justice des justiciables pourrait être améliorée, notamment par la création d’une Direction de la communication et des relations publiques au ministère de la Justice.

Pour apporter des ruptures systémiques au fonctionnement de la justice, la création de nouvelles institutions est à envisager, d'après M. Guèye et Cie. Au titre de celles-ci, s’inscrit la création d’une Cour constitutionnelle, la mise en place d’une Haute autorité de justice qui devra permettre de créer des synergies entre les différents acteurs de la justice, de même que l’instauration du juge des libertés et de la détention en vue de garantir le respect des droits des personnes arrêtées dans le cadre d’une procédure pénale.

Ces changements pourront dessiner une nouvelle architecture de la justice”, selon le facilitateur. Poursuivant, il note qu’en référence aux axes de discussion identifiés, la question des obligations déontologiques des acteurs de la justice a été vivement discutée. "En dépit de l’âpreté des débats, nous avons gardé l’esprit des assises qui n’était pas de s’appesantir sur le passé récent et les clivages, mais de regarder vers l’avenir", a-t-il dit.

Le professeur de droit souligne ainsi que l’exercice n’était pas simple. "Il fallait rendre digestes et compréhensives trois sources de données : les discussions riches, variées et parfois dispersées des assises, les informations recueillies de la plateforme Jubanti et la cinquantaine de contributions écrites reçues de personnalités et d’organisations", a-t-il fait remarquer.

À partir de ces informations multiples, poursuit-il, il fallait rester fidèle à la fois aux termes de référence et à la quintessence des recommandations formulées pour aligner les pro- positions de réformes et de ruptures systémiques sur la volonté des citoyens et citoyennes qui se sont largement exprimés.

Au président Bassirou Diomaye Faye, Babacar Guèye déclare : "La tenue de ces assises, au début de votre magistère, est une manifestation éloquente de la place que vous réservez à la justice, un des piliers essentiels de la démocratie et de l’État de droit. Dès lors, nous sommes persuadés que vous engagerez au nom du peuple les actions qu’il faut en vue d’atteindre des résultats concrets et éloquents pour le triomphe de la primauté du droit."

Il a rappelé que lors de la cérémonie d’ouverture des assises nationales, le président de la République a clarifié la finalité de l’exercice en ces mots : "Aider à baliser la voie pour une réforme pragmatique de notre système judiciaire."

Babacar Guèye souligne que le peuple a exprimé de fortes attentes sur ces assises. "Les Sénégalaises et les Sénégalais de tout bord fondent un immense espoir sur leurs conclusions. Nous sommes convaincus que des actions concrètes à même d’apporter des solutions aux questions les plus pressantes de la justice découleront de ces assises. De leurs fortes recommandations jailliront des pistes de solution, comme vous l’aviez rappelé, pour redorer le blason de la justice, lui redonner la place qu’elle mérite et la réconcilier avec le peuple au nom duquel elle est rendue".