NETTALI.COM - Outre les exceptions de nullité soulevées par la défense, le premier jour du procès en appel de la tragédie de Boffa-Bayotte a été rythmé par l’interrogatoire du journaliste René Capain Bassène et de l’agent de poste Omar Ampoy Bodian qui ont tour à tour balayé d’un revers de main tous les chefs d’inculpation qui pèsent sur eux.
C’est à 9h 48mn que le journaliste René Capain Bassène et l’agent de poste Omar Ampoy Bodian, respectivement vêtus d’un Lacoste blanc et d’un boubou bleu, le sourire aux lèvres, ont fait leur apparition dans la grande salle d’audience de la Cour d’appel de Ziguinchor qui englobe aussi les régions de Sédhiou et de Kolda. Mais il fallait attendre jusqu’à 11 h 45 mn pour que le procès s’ouvre.
Après la lecture du volumineux acte d’accusation, la défense a soulevé quelques exceptions de nullité liées au “principe directeur d’une justice équitable”.
Maitre Ciré Clédor Ly a, parmi ces exceptions de nullité, évoqué “l’incident contentieux” relativement à la convocation d’Aliou Badara Sané et d’Abdoulaye Diédhiou, tous condamnés, l’un à six mois de prison après quatre ans de détention et l’autre à six mois avec sursis. Il a également évoqué la “violation grave des droits de la personne” et de ceux de la “défense”. Violations qui affectent, soutient-il, la sincérité et l’intégrité des procès-verbaux.
À cet effet, il a demandé l’annulation des délégations judiciaires données par le juge d’instruction. Pour lui, la nullité des procès-verbaux entraine celle du réquisitoire du ministère public. “Tout est nul. Même l’ordonnance de renvoi et le réquisitoire du ministère public”, a souligné Me Ly.
Pour toutes ces raisons, il a demandé à la cour d’ordonner la mise en liberté d’office de René Capain Bassène et d’Omar Ampoy Bodian.
Cette demande a vite été balayée d’un revers de main par le ministère public qui a fait savoir que “l’incident contentieux ne constitue pas une “exception”, mais “une observation”. L’avocat général a aussi indiqué, en substance, que ces exceptions soulevées par la défense sont frappées de forclusion, avant que les interrogatoires ne débutent.
Interrogatoires durant lesquelles René Capain et Ampoy Bodian ont rejeté, en bloc, tous les chefs d’accusation portés contre eux. Il s’agit d’association de malfaiteurs, de participation à un mouvement insurrectionnel, de complicité d’assassinat et de complicité de tentative d’assassinat ainsi que de sortie de correspondances irrégulières pour le journaliste René Capain.
L’interrogatoire pour les coaccusés a porté d’abord sur l’appartenance d’Omar Ampoy Bodian au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). Appartenance qu’il n’a pas niée. Mais également sur ses connexions avec César Atoute Badiane, le chef militaire du front Sud du MFDC, d’Ousmane Tamba de l’aile politique en Suisse ainsi que de ses relations avec les détenus de Toubacouta et René Capain Bassène.
Pour René Capain, et comme l’on s’y attendait, outre les procès-verbaux de l’enquête préliminaire et les déclarations devant le juge d’instruction, l’interrogatoire a porté sur l’ordonnance de renvoi. Ordonnance qui se fonde sur les mails, courriels, appels téléphoniques, communiqués, réunions à Toubacouta, rencontre avec César Atoute Badiate relative à cette affaire et témoignages des coaccusés. Elle s’adossait également sur les informations fournies par la Sonatel, dans le cadre de la géolocalisation des inculpés, la veille et le jour du massacre.
Toutes choses qu’il a balayées d’un revers de main, de même que ces connexions avec Omar Ampoy Bodian dans la planification de la tragédie qui a fait 14 morts le 6 janvier 2018 dans la forêt de Boffa-Bayotte.
“Le gout amer d’une grande farce, d’une parodie de justice”
À la fin de l’audience, qui a repris ce matin à 10 h, Me Ciré Clédor Ly a déploré l’arrestation de 26 personnes “innocentes” dans cette affaire, avant d’acquitter les autres pour ne retenir que René et Ampoy, l’un ayant été condamné à six mois de prison et un autre ayant bénéficié d’une liberté provisoire. Selon lui, il s’agit d’une injustice manifeste pour une affaire d’envergure nationale et internationale.
“Il n’y a pas de justice dans ce dossier. Mon sentiment, c’est que c’est une farce, une parodie. Mon sentiment, c’est que pour ceux qui ont mené l’enquête, il leur fallait trouver des boucs émissaires. Et ils les ont trouvés en utilisant un vieil homme malade pour accuser les autres afin qu’il bénéficie d’un non-lieu”.
À en croire Me Clédor Ciré Ly, en dehors du dossier Karim Meissa Wade, il n’y a jamais eu un dossier où il y a autant de violations de Droits de l’homme, autant de violations des droits qui sont prévus par des textes qui ont valeur constitutionnelle.