NETTALI.COM - L’Arcom a décidé, le mercredi 24 juillet, de ne pas renouveler à C8 sa précieuse autorisation de diffusion sur la TNT. Le régulateur de l’audiovisuel sanctionne ici les nombreux débordements de l’émission « Touche pas à mon poste » de Cyril Hanouna (photo d'illustration, l'animateur vedette de la chaîne). Autre chaîne dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, CNews conserve en revanche sa fréquence.

C'est un séisme dans le paysage français de l'audiovisuel. Le 28 février 2025, la chaîne C8 ne sera plus accessible sur la TNT. L'Arcom a annoncé, ce mercredi, qu'il lui retirait sa précieuse fréquence pour les années à venir. Le régulateur de l'audiovisuel a formellement jugé, selon les termes de son communiqué, que « l'intérêt » de la chaîne « au regard de l'impératif prioritaire de pluralisme des courants d'expression socio-culturels » n'était visiblement pas suffisant, ou posait problème.

Il ne fait, en réalité, guère de doute que C8 paye ici les débordements, souvent sanctionnés, lors de l'émission « Touche pas à mon poste » de Cyril Hanouna. En revanche, CNews, l'autre chaîne dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, et régulièrement critiquée, préserve sa fréquence. NRJ12 perd également son autorisation de diffusion. Cette dernière et C8 seront remplacées par OF TV, la chaîne proposée par Ouest-France, et RéelsTV, de Daniel Kretinsky. Déjà propriétaire, via son groupe CMI France, de Elle, de Télé 7 Jours ou de Franc-Tireur, le milliardaire tchèque poursuit ainsi son offensive dans les médias.

« Il s'agit de dérapages majeurs »

Ces dernières semaines, la pression s'était accentuée sur C8. La chaîne a cumulé pas moins de 7,6 millions d'euros d'amendes pour ses débordements pendant son émission phare « TPMP ». Son plus gros dérapage reste celui du 10 novembre 2022. Ce jour-là, Cyril Hanouna a copieusement insulté le député LFI Louis Boyard, qualifié de « merde », d'« abruti » ou de « tocard ». Ce qui a incité l'Arcom à sanctionner C8 d'une amende de 3,5 millions d'euros, la plus grosse jamais infligée par le régulateur.

Lors de son audition de l'état-major de la chaîne, le 9 juillet dernier, l'Arcom n'a pas caché son agacement face à ces débordements répétés. L'institution a vivement critiqué le manque de maîtrise d'antenne de C8.

« Ces discussions sur la maîtrise de l'antenne, nous les avons eues à chaque procédure, a critiqué Benoît Loutrel, membre du collège du gendarme de l'audiovisuel. À chaque fois, vous nous expliquiez que cela ne se reproduirait pas. Et pourtant ça revient, ça revient, ça revient ! Il s'agit de dérapages majeurs. »

CNews sauve sa tête

En face, la direction de C8, sachant la chaîne menacée, a tenté un dernier coup pour sauver son bébé. Elle s'est engagée à diffuser « TPMP » avec un « time delay », c'est-à-dire un différé de 15 à 45 minutes. De quoi, en clair, donner du temps à la production pour couper d'éventuelles séquences problématiques avant leur diffusion à l'antenne. Mais cela n'a vraisemblablement guère convaincu l'Arcom.

Cette décision ravira en particulier la gauche de l'échiquier politique, qui fustigeait depuis longtemps les dérives de C8. Mais déjà, certains regrettent que CNews n'ait pas connu le même sort. C'est le cas du député LFI Aurélien Saintoul, rapporteur de la commission d'enquête sur la TNT. Dans un communiqué publié sur X (ex-Twitter), il considère que la conservation de CNews, devenue pour beaucoup une chaîne d'opinion à la ligne ultra-conservatrice, « est extrêmement regrettable ». Le parlementaire appelle désormais l'Arcom à s'assurer que la rédaction de la future convention de CNews permette « d'empêcher les abus commis ces dernières années ». Et en particulier pendant « L'Heure des pros », l'émission de Pascal Praud.

RSF déplore une décision « insuffisante »

De même, Reporters sans frontières (RSF) qualifie la décision du régulateur de « courageuse mais insuffisante ».

« Avec cette décision, l'Arcom tire les premières conséquences logiques des dérives des antennes contrôlées par Vincent Bolloré », affirme Thibaut Bruttin, son directeur général. RSF sera particulièrement attentive aux engagements pris dans la convention de CNews. Un nouveau bras de fer entre l'Arcom et le groupe Bolloré commence, et RSF sera au rendez-vous pour défendre le journalisme digne de ce nom dans cette nouvelle étape essentielle. »

A l'extrême droite, l'éviction de C8 fait en revanche grincer des dents. Eric Ciotti, le patron des Républicains rallié au RN dénonce sur X une forme de « censure » et « une dérive mortelle pour notre démocratie »Idem pour Marine Le Pen. La cheffe de file du RN voit dans cette décision l'œuvre du « pouvoir » pour qui « le pluralisme est insupportable ». Même son de cloche pour Eric Zemmour. Au regard du patron de Reconquête, par ailleurs ancien polémiste sur CNews, l'Arcom « brise l'élan de ceux qui créent, qui libèrent et qui plaisent ».

Pour C8, la perte de sa fréquence TNT constitue à l'évidence un énorme coup dur. Sa maison-mère, Canal+, devra décider de son avenir - et peut-être, qui sait, de poursuivre malgré tout sa diffusion sur Internet... Mais rien n'est moins sûr, puisque la chaîne devrait perdre une grande partie de ses recettes publicitaires.

LA TRIBUNE