NETTALI.COM - L’affaire opposant Aminata Touré à Mansour Faye a été évoquée hier, devant la barre de la Chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Dakar. Traduite en justice pour diffamation, Aminata Touré assume les propos qui lui ont valu sa comparution.
L’ ancienne présidente du Conseil économique, social et environnemental, Aminata Touré dite “Mimi”, a été appelée le jeudi 25 juillet, devant la barre de la Chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Dakar. Elle est traduite en justice par Mansour Faye pour diffamation.
Dans un post largement partagé sur les réseaux sociaux, elle s’est offusquée de la gestion "nébuleuse" des fonds Force Covid-19. Tout en reconnaissant avoir rédigé les faits mentionnés dans la citation directe que lui a servie Mansour Faye, elle a soutenu avoir mentionné son nom de manière accessoire.
À l’en croire, elle s’est basée sur les conclusions du rapport définitif de la Cour des comptes sur les mille milliards de francs CFA de fonds Force Covid-19, notamment à la page 100-101. Interrogée sur le terme "carnage" qu’elle a utilisé dans son post, elle a déclaré que ce terme se réfère à la surfacturation sur le riz. "La somme révélée comme détournée pourrait servir à construire trois hôpitaux", a-t-elle dit.
Selon celle qui fut Première ministre sous le régime de Macky Sall, la culpabilité de l’ancien ministre du Développement communautaire, de l'Équité sociale et territoriale ne souffre d’aucune contestation, même si cela n’a pas été indiqué dans le rapport. "Le ministre était l'ordonnateur principal des dépenses et aucune décision ne pouvait être prise sans son approbation", a-t-elle rappelé.
Ne regrettant pas les propos qui lui ont valu sa comparution, Aminata Touré a affirmé fièrement : "Je me suis toujours battue contre les détournements et les scandales financiers lorsque j'étais garde des Sceaux. Et je suis toujours prête à les combattre. Mon intention, en faisant ce post, était de demander aux nouvelles autorités de faire toute la lumière sur cette affaire et j’ai cité Mansour Faye qui est un des protagonistes dans ces faits. Je me suis tou- jours exprimée sur les questions liées à la mauvaise gouvernance et aux détournements. Je suis restée sur cette lancée et je considère que c’est une des priorités de nos gouvernants, parce que nous sommes un pays pauvre."
"Je suis indignée. Ce scandale est abominable et le problème n’est pas dans l’allocation des crédits, mais se trouve au niveau de la surfacturation de riz”, a-t-elle ajouté.
Par ailleurs, l’ancienne présidente du Conseil économique, social et environnemental a balayé d'un revers de main les échos stipulant qu'elle serait épinglée par l’Inspection générale d’État sur un montant de deux milliards de francs CFA. "Je vous dirais que ce n’est pas vrai. Je ne suis pas citée dans aucun rapport pour une surfacturation. Il n’y a aucun rapport qui m’accuse de surfacturation. Les deux cas sont différents. Il n’y a pas d’appel à concurrences, ni d’appel d’offres et cela le président de la République l’a autorisé (...) Ce que j’ai évoqué, est relatif à nos fonds publics lesquels fonds ont fait l’objet d’un carnage financier. C'est la deuxième fois que je suis présentée à la barre. La première fois, c’était quand j’étais directrice de campagne de Landing Savané", a-t-elle souligné.
La partie civile a sollicité le maintien de la prévenue dans les liens de la prévention. En guise de dommages et intérêts, les avocats de Mansour Faye ont réclamé la somme d’un milliard de francs CFA. De plus, ils ont demandé que la décision soit publiée dans les journaux ayant traité le dossier à sa charge. Les robes noires ont évoqué une infraction de diffamation par imputation et une diffamation par allégation.
Selon eux, "le rapport ne mentionne pas le nom d’Amadou Mansour Faye. Les mots "carnage financier" n’ont jamais été utilisés dans le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des fonds Force Covid-19. "Nous sommes dans une affaire sérieuse. Nous ne faisons pas de théâtre. Au moment des faits, les Dage étaient ordonnateurs et non les ministres. Allez-y voir les textes", a plaidé la partie civile.
Après le ministère public qui a requis l’application de la loi, les avocats de la défense ont, à l’unanimité, solidifié la relaxe pure et simple de leur cliente. Au même titre que la partie adverse, ils ont réclamé la somme d’un milliard de francs CFA en guise de dédommagement. Une somme qui sera un fonds pour construire des hôpitaux, selon Me Moussa Sarr.
Cependant, les avocats de la défense s'accrochent au rapport et rembobinent : "Le rapport dit qu’il y a 20 milliards de francs CFA qui n’ont rien à voir avec la gestion de la Covid-19. C’est énorme et c’est ce fait qui amène à parler de carnage financier. Ils prennent 20 milliards des 1 000 milliards, personne ne bouge et ça ne choque personne. C’est normal qu’on parle de carnage financier et c’est Macky Sall le premier responsable de ce carnage."
Maitre Moussa Sarr d'ajouter : "Effectivement, Mansour Faye a participé à ce carnage financier. Il a été cité par son Dage à la page 32 du rapport pour ceux qui disent qu’il n’a pas été cité dans le rapport." La défense est convaincue qu'il n'y a pas de diffamation. Il n’y a aucune allégation de propos portant atteinte à sa dignité. Mansour Faye est complètement empêtré dans ce rapport, ont- ils dit. "Il y a des commandes de riz qui n’ont jamais été livrées et ils ont le toupet de nous attraire ici. De qui se moque-t-on ?”, s'interroge-t-elle avant d'indiquer que parler du rapport est une question d’intérêt général et c’est une base factuelle solide.
La décision sera rendue le 8 août