NETTALI.COM - Un groupe de personnalités, issues de la société civile et du monde universitaire sénégalais, demande « l’ouverture » du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dans leur pays. Elles souhaitent que d’autres personnalités, en dehors des magistrats, soient représentées dans le CSM.
L’entrée de personnes non issues de la magistrature est une manière de rendre à la justice son indépendance, a argumenté Birahim Seck, coordonnateur du Forum Civil, section sénégalaise de Transparency interntional.
Le Conseil supérieur de la magistrature fait l’objet de vifs débats depuis l’arrivée des nouvelles autorités au pouvoir et l’organisation des Assises de la justice, tenues du 28 mai au 4 juin 2024, en vue de se pencher sur de possibles réformes de la justice sénégalaise qui essuie de vives critiques depuis des années.
Le Conseil supérieur de la magistrature doit « refléter » les aspirations du peuple au nom duquel la justice est rendue, a renchéri l’ancien magistrat, Ibrahima Dème. Ce dernier, avait démissionné de la magistrature, dénonçant son manque d’indépendance. Il s’était ensuite lancé en politique et avait voulu se présenter à la présidentielle de 2019 avant de désister.
Birahim Seck et le juge Dème s’exprimaient tous les deux lors d’un panel en ligne organisé le 31 juillet 2024 par un groupe dénommé le Collectif des universitaires pour la démocratie (CDU) sur le thème « quelles réformes pour une justice plus performante ».
Le coordonnateur du Forum civil soutient qu’au cours des trois dernières années, la justice avait été « agressée » et « piétinée ».
De mars 2021 à juin 2023, la justice sénégalaise a subi de vives pressions, dans un contexte de violences et de vives tensions politiques, suite aux affaires politico-judiciaires impliquant l’ancien opposant, aujourd’hui premier ministre, Ousmane Sonko. Ce dernier accusait la justice d’être instrumentalisée pour l’écarter de la présidentielle de 2024.
Aujourd’hui, selon l’ancien juge Dème, il faut que les citoyens aient confiance en la justice. Mais pour y arriver, il faut « l’ouverture », plaide le professeur de droit, Patrice Badji, de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad).
Cette positon était déjà contenue dans le rapport final des Assises de la justice qui affirmaient que « l’indépendance de la justice serait moins contestée par les citoyens lorsqu’ils constateront que le CSM est une instance plurielle et diverse dans sa composition ».
Toutefois, les magistrats avaient déjà exprimé leur opposition à cette ouverture du Conseil supérieur de la magistrature à des non magistrats.
Les personnes nommées, qui ne sont pas magistrat, peuvent être étrangères aux « impératifs éthiques et professionnels des magistrats », avait défendu en mai 2024, l’Union des magistrats sénégalais (UMS) dans une déclaration.
Selon l’UMS, cela risque également de créer une composition déséquilibrée.
L’association des magistrats avait fait remarquer que la présence de tiers n’est pas de nature à assoir l’autorité judiciaire ou à renforcer le lien de confiance entre les citoyens et l’institution judiciaire.
Dans sa composition actuelle, le CSM est présidé par le Chef de l’Etat. Y siègent également : le ministre de la justice (vice-président du conseil) ainsi que des magistrats, dont les présidents des plus importantes juridictions (cour suprême, cour d’appel).
Face à ce corporatisme des magistrats, Birahim Seck leur rappelle qu’eux-mêmes siègent « dans d’autres institutions publiques et gèrent également la carrière des autres fonctionnaires ».
« Ce qui importe, c’est le respect de la demande citoyenne », souligne la présidente de « Demain Sénégal » et membre de la société civile, Thiaba Camara Sy. Elle soutient que l’ouverture du CSM permettra « une indépendance de la justice ».
En 2015 déjà, le juge Dème, alors magistrat en activité, préconisait « l’intégration » dans le CSM « de parlementaires et de personnalités qualifiées, mais surtout de personnalités provenant d’organisations suffisamment représentatives des grandes tendances du corps social ».
« Au passage, le pouvoir judiciaire pourra tirer du contrôle permanent de ces représentants du peuple au nom duquel il rend la justice, une légitimité populaire qu’on lui reproche (…) », avait soutenu le juge Dème dans un texte intitulé « Conseil supérieur de la magistrature : l’indispensable réforme », publié en 2015.
Prenant part au débat organisé par le Collectif des universitaires pour la démocratie, un jeune étudiant en droit, Seydi Omar Niang, estime que la magistrature doit être ouverte si l’on veut avoir « une justice performante ».