NETTALI.COM - Je pensais aux années les plus sombres du conflit en Casamance, où les délations faisaient des ravages et les représailles de tous bords, des drames aussi nombreux qu’ignobles. En ce temps-là, en effet, le cruel avec sa cruauté quintessentielle le disputait au diabolique le plus obscur.
Je pensais à ces années-là et je me dis : malgré cela, la paix est possible en Casamance. Sauf que nous aurons mis longtemps, voire très longtemps, à le comprendre.
Il n’empêche que les délations des délateurs étaient hier, en Casamance, ce que semblent valoir de nos jours, à travers tout le pays, les alertes des lanceurs d’alertes. Et si l’on n’y prend garde, à coup sûr, et au péril de la démocratie, ces derniers se substitueront aux journalistes et leurs alertes quotidiennes, aux ‘actualités’.
J’ai ici une pensée particulière pour la Presse nationale, en ce Jour sans Presse, jour donc sans démocratie, et je veux lui témoigner de tout mon soutien et de toute ma solidarité dans son combat pour sa survie, juste pour sa survie, face aux représailles à son encontre de la part des nouvelles autorités du pays.
Or, dis-je, je pensais à ces années-là. Et pendant que je me remémorais les affres et autres drames qui en étaient comme une marque de fabrique, j’appris l’arrivée prochaine des « revenants ». Ils étaient partis pour la prison ; ils y ont séjourné ; et voilà que, par le fait du prince, ils ont recouvré leur liberté.
L’on remarquera, toutefois, et très vite, qu’ils n’ont rien appris en prison, pour n’y être guère restés longtemps ; cependant qu’ils n’ont rien oublié, pour y avoir eu assez de temps pour ruminer leur rancœur et nourrir leur haine à suffisance. Il s’ensuivra une rancune si tenace que rien ni personne n’en échappera. Le tri n’est même plus nécessaire : tous coupables. Enfin ! ceux des 46% qui n’ont pas voté pour eux et notamment ceux qui auront eu jadis la « mauvaise » idée, quoique légitime, de les combattre ouvertement, à visage découvert.
En fait, ils sont comme tout le monde. Simplement, ils ne sont pas prêts pour gouverner au bénéfice de toutes et de tous, sans exception, précisément parce qu’ils n’ont pas eu le temps ni l’opportunité ni peut-être la volonté de faire la paix avec eux-mêmes. Nul, en effet, ne peut présider à bon escient aux destinées d’un peuple, d’une nation ou d’un pays, s’il n’a découvert préalablement les délices de la paix avec soi-même.
Et pour ne rien arranger, à l’heure de la « délivrance », telle une future maman qui regrette déjà la naissance imminente de son bébé, le président sortant, jetant un coup d’œil dans le rétroviseur, déclarera, fût-ce le temps éphémère d’une saute d’humeur, ne même plus éprouver le désir d’assister à la Présidentielle annoncée, qu’il est pourtant censé organiser, et bien organiser ! promit-il en son temps, tant sa déception est grande devant « l’ingratitude » affichée du peuple à son égard. Jamais patriotisme d’un chef d’Etat en exercice n’aura été si terriblement malmené.
A entendre le président Macky Sall exprimer de la sorte son amertume, dama titon. J’étais en effet si effrayé, si effarouché ! Je n’ai pas dit ‘surpris’, ni ‘étonné’ ; mais ‘effrayé’, ‘effarouché’. ‘Epouvanté’ même, pourrais-je ajouter.
Aussi, la « punition collective », infligée à toute une région, la Casamance, ne le préfigurait-elle pas déjà ?
En tout cas, le président Macky Sall n’a pas loupé la Casamance quand, en guise de ce qui passait alors pour une punition collective, il fit suspendre d’autorité les rotations fluviomaritimes Ziguinchor-Dakar pendant au moins huit mois. Le motif officiel ? C’était, dit-on, pour des raisons de sécurité.
En réalité, le président Macky Sall trouvait ingrates à son égard les populations du Sud, qui eussent eu en l’occurrence le tort de lui préférer Ousmane Sonko, un ‘fils du terroir’.
Ça, c’était hier. Tandis que les tombeurs du président Macky Sall, le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, sont aujourd’hui aux commandes, l’électorat sénégalais s’étant abandonné, sans défiance aucune, au charme d’une opposition radicale/violente. Où vont-ils mener le pays ?
Est-ce que moi-même je le sais ? Je suis en tout cas persuadé que Cheikh Yérim Seck, qu’on ne présente plus, a raison quand il suggère qu’un coaching approprié soit offert au plus vite aux nouvelles autorités du pays, y compris dans le maniement et la pratique du français, langue officielle.
J’ajouterais, pour ma part, bien volontiers, qu’un ‘coaching pardon & paix’ leur serait tout autant nécessaire, qui leur apporterait, j’en suis convaincu, cette espèce de havre de paix intérieure, c’est-à-dire en soi-même et avec soi-même, utile et nécessaire, en ce qu’il ne peut pas ne pas être pour une bonne conduite des affaires de l’Etat et de la République.
Pour ce faire, je pense tout particulièrement à nos amis, Madame Yannick Arlabosse-Titz et son mari Jean-Maurice, experts en la matière, et dont l’amour pour le Sénégal trouve son secret dans leur humanité propre sinon leur profond humanisme.
Dakar, le 13 août 2024.
Jean-Marie François BIAGUI