NETTALI.COM - En plénière, ce vendredi, les députés ont adopté la proposition de loi modifiant le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui était la condition posée par le Premier ministre, Ousmane Sonko, pour faire sa Déclaration de politique générale (Dpg).
Le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale a été réactualisé. Il a été remis à jour, hier, en plénière par la majorité des députés, en présence du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Ousmane Diagne, et de son collègue en charge des Relations avec les Institutions. Avec une seule voix contre, les députés ont adopté la proposition de Loi 10/2024 modifiant et complétant la Loi organique 2002-20 du 15 mai 2002, modifiée, portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Ce qui permet, ainsi, de réintégrer dans le Règlement intérieur les dispositions relatives au Premier ministre. Il y a quelques semaines, le chef du Gouvernement Ousmane Sonko avait posé comme condition de la présentation de sa Déclaration de politique générale (Dpg), la réactualisation du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Cette situation avait installé une polémique entre l’Exécutif et le Parlement. Et pour trouver une solution à ce problème, les présidents de groupe parlementaire s’étaient accordés pour initier une proposition de loi afin de corriger ces manquements. C’est fait depuis hier.
Par cet acte, le Parlement vient de mettre le Premier ministre Ousmane Sonko devant ses responsabilités de faire sa Dpg devant les députés. Car, le blocage lié au Règlement intérieur a été levé. Les dispositions concernant le Premier ministre ont été réactualisées. «Maintenant, pense l’ancien député, Babacar Gaye, spécialiste des questions parlementaires, comme ses prédécesseurs, le Premier ministre Ousmane Sonko doit aller faire sa Déclaration de politique générale (Dpg). Il n’a plus d’arguments, son groupe parlementaire et ceux qui le soutiennent aussi n’ont plus d’argument, dès lors que le Règlement intérieur de l’Assemblée a été modifié dans le sens de permettre la tenue de la Dpg. Aujourd’hui, il n’a plus une raison de ne pas respecter la Constitution.» De l’avis de l’ancien député libéral, si le problème a été posé parce que simplement celui qui devait respecter les dispositions constitutionnelles se cache derrière ce qu’il considère comme étant des insuffisances du Règlement intérieur de l’Assemblée, aujourd’hui, la conséquence doit être la présence du Premier ministre devant les députés pour sa Dpg. Et pour cela, souligne M. Gaye, il suffit que lui (Premier ministre Ndlr) qui a l’obligation d’aller faire une Dpg, exprime le besoin pour que l’Assemblée puisse se réunir en session extraordinaire. Auparavant, le président de la République, comme le prévoit la Constitution, doit saisir le Conseil constitutionnel pour avis sur la conformité de la Loi organique par rapport à la Constitution avant de la promulguer. «Et une fois que la Loi promulguée, affirme Babacar Gaye, le Premier ministre ne peut plus avoir de raison de ne pas aller à l’Assemblée, parce que la nouvelle loi crée les conditions pour que la Dpg se tienne.» Cela ne doit pas être un problème, dans la mesure où le Premier ministre Ousmane Sonko a clairement signifié qu’il était prêt pour faire sa Dpg.
«Le Pm n’a plus d’arguments»
Dans les débats, le président de la commission des Finances, Seydou Diouf, lui, est convaincu que Ousmane Sonko va venir faire sa Déclaration de politique générale devant la 14e Législature. Le député du groupe Bennoo Bokk Yaakar ne croit pas à ceux qui disent au Premier ministre Ousmane Sonko de ne pas venir faire sa Déclaration de politique générale devant cette présente Législature où il n’a pas une majorité. «C’est un déni de démocratie, lâche Seydou Diouf. On ne choisit pas une majorité et je sais que Ousmane Sonko n’a pas peur de venir ici, parce que nous avons siégé dans cette Assemblée nationale et il a toujours eu le courage de ses positions. Qu’on vienne débattre sur les orientations du Sénégal.»
L’Assemblée nationale a le pouvoir de contraindre le Premier ministre à se présenter devant elle. C’est du moins, l’avis de Babacar Gaye qui soutient que la contrainte est aujourd’hui légale, parce que le Règlement intérieur de l’Assemblée vient de confirmer la Constitution et que, si le Premier ministre ne vient pas faire sa Dpg, c’est qu’il défie les Institutions. «Aujourd’hui, renseigne M. Gaye, si les députés veulent que le Premier ministre (Ousmane Sonko) se présente à l’Assemblée nationale, en dehors du fait qu’il y ait Dpg ou pas, c’est de lui coller une motion de censure. Là, il est obligé de venir. Et la Constitution est claire à ce niveau. La procédure d’examen d’une motion de censure ne dépend pas du Premier ministre. Il suffit un nombre de députés requis pour que le Premier ministre soit obligé, dans les délais constitutionnels, de se présenter avec tout son Gouvernement devant les députés.»
En attendant, l’Assemblée nationale s’est encore illustrée, hier, par des attaques et contre-attaques entre députés. La question de la dissolution annoncée de la 14e Législature est revenue dans les débats. Reprochant à ses collègues de n’avoir pas examiné ses nombreuses propositions de loi sur divers sujets, le député Guy Marius Sagna estime que cette session extraordinaire ouverte pour mettre à jour le Règlement intérieur de l’Assemblée n’est pas démocratique. Selon lui, le Règlement intérieur et la Dpg sont importants, mais la proposition d’enquête sur les conditions de travail des Sénégalais est aussi, si non plus important. «Vous êtes en train de dire au peuple sénégalais qu’on doit dissoudre cette Assemblée nationale, parce qu’elle est antidémocratique. C’est une Assemblée qui a faim de Ousmane Sonko qu’elle veut bouffer. Vous êtes pressés de le voir venir ici. Honte à cette Assemblée», lâche le député du groupe Yewwi Askan Wi. Il est appuyé par le vice-président du groupe ‘’Démocratie, Liberté et changement’’, Cheikh Abdou Bara Dolly, qui déclare : «On doit dissoudre cette Assemblée, elle ne mérite pas de continuer d’exister. C’est la plus nulle de l’histoire politique du Sénégal, la plus mauvaise.»
«On doit arrêter de menacer les gens avec la dissolution de l’Assemblée»
En réponse à ses collègues, Abdou Mbow, président du groupe Bby, déclare : «On n’a qu’à dissoudre l’Assemblée nationale !» Sa collègue Mame Guèye Diop renchérit : «On doit arrêter de menacer les gens avec des histoires de dissolution de l’Assemblée nationale.» Pour Seydou Diouf, il faut être fier d’avoir appartenu à cette 14e Législature qui a été insultée partout. «Qu’on la dissolve, c’est le choix du président de la République, mais soyons fiers de nous, de tous bords politiques. Ceux qui étaient dans la majorité pour accompagner le Président Macky Sall, peuvent être fiers, mais ceux qui, dans l’opposition, ont accompagné Ousmane Sonko et ont fait l’objet de brimades et se sont sacrifiés, ceux-là aussi doivent être fiers d’eux parce que c’est pour cela que vous avez été élus. Vous avez mené un combat sain, donc, ne laissez pas ceux qui ont bénéficié, de Macky Sall, des privilèges de son pouvoir pendant plusieurs années, venir vous infecter parce que ce serait de l’infection. Refusez-le parce que le Sénégal vous a mis au-devant pour que vous assumez vos responsabilités», dixit Seydou Diouf.
Le président du groupe ‘’Démocratie, Liberté et changement’’, Mamadou Lamine Thiam, aussi, a exprimé sa fierté d’avoir appartenu à cette 14e Législature qui, selon lui, est excellente et a permis d’expérimenter énormément de prouesses démocratiques. «Je ne peux pas accepter que des collègues disent que celle Législature a failli. Il y a eu des soubresauts, mais les gens ont travaillé et bien représenté leur contrée», a regretté le libéral.