NETTALI.COM - La journée sans presse du mardi 13 Août, - la seconde du genre après celle de la mobilisation de la presse en 2004, liée à l’arrestation de Madiambal Diagne -, a connu un franc succès. Tous les médias du pays ont en effet répondu à l'appel, à l'exception d'un seul médium privé connu et les trois médias publics (le soleil, la Rts et l’Aps). De même, sur le plan international, des médias francophones, anglophones qu’arabophones, ont très largement couvert cette journée. 

Entre « blocage de comptes bancaires, production d’état exécutoire de saisie de matériels de production, rupture unilatérale et illégale des contrats publicitaires, gel des paiements, mise en demeure, refus de concertation, etc. », la presse qui s'est sentie attaquée, dénigrée et jetée en pâture auprès de l’opinion, s’est demandée, à travers un édito commun de la veille, comment dans ces conditions précitées, « payer ce qui est dû ?».

Des réactions anti-patrons de presse inattendues

Des réactions anti « journée sans presse », on en attendait plutôt du côté des réseaux sociaux, cette jungle sans loi, que de la part de certains confrères. Qu’il y ait par exemple des reporters comme Aïssatou Ndiathie Fall, journaliste d’I-Radio pour se sentir « plus préoccupée par la précarité des reporters que par les revendications des patrons de presse », prouve qu’elle n’a peut-être rien compris du destin lié entre les patrons de presse, - des journalistes pour la plupart - et leurs collaborateurs. Il a de même été étonnant de voir les jeunes reporters se fendre d’un édito pour contrer l’édito des patrons. Une posture pour le moins suspecte. C’est ce qu’on appelle se tromper de combat ou faire le jeu du pouvoir.

Le pire dans cette affaire de journée sans presse, a été de voir quelques rares journalistes, relevons-le quand même, prendre certaines positions qui montrent clairement qu’ils sont à la solde du régime. De voir l’un d’entre eux pondre un édito, avec entre autres arguments, qu’on n’aurait pas laissé aux autorités le temps de s’installer, fait vraiment rire. Il était d’autant plus décevant de voir certains pseudo chroniqueurs visiblement gonflés à bloc - et dont on ne sait d’ailleurs pas par quel miracle ils ont atterri dans le secteur de la presse -, pousser l’outrecuidance jusqu’à critiquer les patrons de presse qui, selon eux, rouleraient sur l’or et seraient apparemment indifférents au sort des reporters. Ils ignorent qu'ils vivent juste avec le "sak" (apparence), une posture bien sénégalaise.

Bref le paroxysme du dénigrement basé sur une certaine rhétorique d’où l’on sent poindre une opération téléguidée anti patrons de presse, de l’hypocrisie et surtout beaucoup de zèle. Lorsqu’on n’a jamais travaillé dans sa vie et qu'on se réfugie dans un métier où l’on n’a rien à faire, que peut-on savoir de la dure réalité de chef d’entreprise et de surcroît de chef d’entreprise de presse ? Un secteur déficitaire par excellence.

Rien, sinon passer son temps à pérorer en déversant des torrents d’opinions qui n’ont rien à voir avec le journalisme dont la vocation est de traiter de faits. Savent-ils seulement ceux-là, que le journal papier coûte toujours 100 francs depuis plusieurs années (contre 250 à 300 F dans les pays de la sous-région, qu’il est bien souvent emprunté ; que les pdf des quotidiens sont largement partagés ; et que les prix des intrants continuent de grimper sans cesse depuis la pandémie, à laquelle est venue s’ajouter la guerre d’Ukraine. Il y a en tout cas de bien meilleures manières de prendre le train de l’histoire pour ces certains journalistes et ces réfugiés de la presse.

Mamadou Bitèye, arborant un brassard rouge sur le plateau de Walf TV, dans le cadre d’une émission sur le sujet, a bien résumé la situation : « lorsqu’on ne veut pas participer à un mouvement, l’on trouvera toujours un prétexte pour ne pas le faire. Walfadjri a les mêmes problèmes que les autres médias et l’on ne peut invoquer la raison selon laquelle ce qui touche les autres médias ne nous touche pas personnellement pour prétexter de ne pas participer au combat de la presse. Je travaille dans cette même maison de presse et je sais ce qui s’y passe ». Bref, c'est la liberté de chacun que de ne pas participer. Mais quid de la jouissance des fruits une fois qu'ils seront récoltés ?

Une sortie-réponse du ministre de la communication

Mais alors que le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, lors du conseil des ministres du mercredi 14 Août qui a suivi cette journée sans presse, conscient de sa mission qui est d’aider à accompagner les entreprises, a appelé à « un dialogue rénové avec la presse nationale », comble de la surprise, le Ministre de la communication, Aliou Sall, dans une sortie organisée le vendredi 16 Août, vue d’ailleurs par certains, comme une réponse à cette journée sans presse, a estimé que le gouvernement n’a aucun problème avec les médias. Aussi, a-t-il informé que c’est le ministère de la Communication qui est le premier interlocuteur de la presse et que « le fait de passer par le ministère pour tenter de régler les problématiques au niveau de la présidence, est révolu ». Sans doute, cherche-t-il à marquer son territoire ?

Une déclaration qui a d’ailleurs bien fait rire car difficile de savoir ce qu’il nous a appris qu’on ne savait pas déjà. Le ministre avait, semble-t-il, eu à rencontrer, comme le souligne le journal "Enquête" dans son édition du lundi 19 Août, presque toutes les organisations de la presse. Les problèmes, relate le journal, ont été exposés par tous les acteurs. Que comprendre alors de sa mise au point ?

Toujours est-il que depuis lors, rien n’a bougé. La situation n’a eu de cesse de se détériorer, conformément à la fatwa du Premier ministre Ousmane Sonko. Une fatwa réitérée à plusieurs reprises. « Le nœud du problème, a fait savoir Alioune Sall, c’est le fisc. On ne peut prendre ça pour alibi et créer des problèmes qui n’existent pas. Beaucoup m’ont appelé pour parler de médiation, mais je n’en vois pas la pertinence. Une médiation suppose des problèmes entre deux parties. Je le dis et je le répète : l’État du Sénégal n’a aucun problème avec un quelconque média ».

La vérité est que depuis l'éclatement de cette affaire, les tenants du régime ont tout fait pour assoir leur accusation selon laquelle, les entreprises de presse refusent de payer l’impôt. Pourtant, le Comité des Editeurs et Diffuseurs de Presse (Cdeps) ne manquent presque jamais une occasion de corriger : « Le combat auquel le Cdeps est contraint, exigeait de tous d’exprimer par ce moyen notre refus d’être indexés comme de mauvais contribuables ; ce qui est totalement faux et inacceptable. » La journée sans presse, insistait l’organisation, « était aussi la réponse des médias sénégalais au refus de dialoguer des nouvelles autorités sur les problèmes de la presse »

De deux choses l’une, soit le ministre n’entend pas respecter cette volonté affichée par le président de la république, d’instaurer un « dialogue rénové » ou alors attend-il l’onction d’Ousmane celui par qui tous les départs de feu ont été notés ?

La question que l’on est dès lors en droit de lui poser, est de savoir comment le président de la République a pu recevoir la Convention des jeunes reporters du Sénégal (Cjrs), les employés et collaborateurs des patrons de presse et ignorer royalement les courriers de demande d’audience des patrons de presse qui ne cherchaient rien d’autre qu’à discuter ?

Une autre question est de savoir comment décrypter les chiffres de l’aide de la presse qui ont été rendus publics. De même que la répartition des dettes fiscales des entreprises. En les scrutant en effet à la loupe, l’on se rend compte que c’est le Groupe Futurs Médias (GFM) de Youssou Ndour qui détient le plus gros pourcentage. Des chiffres qui auraient toutefois gagné à être relativisés pour une meilleure compréhension du grand public. Il s’agit de comprendre suivant les chiffres fournis par le ministère que GFM a reçu 69 millions de F Cfa (une fois dans l’année, contre un peu plus de 150 millions de F Cfa de masse salariale mensuelle selon des infos) et doit 40% de la dette fiscale des entreprises de presse.

Selon certaines indiscrétions, les 40% de la dette fiscale attribués à GFM sont aussi à relativiser. L’on apprend que les 80% des montants réclamés par le fisc au GFM, est une taxation d’office. Autrement dit, ce sont des montants imposés par la Direction des impôts et domaines. Ce qui signifie que là-dedans sont comprises des pénalités sans tenir compte des montants importants déjà payés.

Moussa Bocar Thiam dément et recadre Alioune Sall

En conférence de presse, le mercredi 21 Août, le Comité des Editeurs et Diffuseurs de Presse (Cdeps) a démonté point par point les arguments du ministre Alioune Sall, dénonçant une manipulation de sa part dans une logique de mettre la presse en mal avec l'opinion. Mais c'était sans compter avec l'ancien ministre de la communication Moussa Bocar Thiam qui est rentré dans la danse, en publiant le même jour, un communiqué pour démentir l'actuel ministre Alioune Sall. “Arrêtez de stigmatiser la presse sénégalaise et respectez les engagements de l’État”, a t-il écrit.  Des déclarations de ce dernier qui, selon lui, marquent une rupture avec la tradition de dialogue et de courtoisie, mettant ainsi en péril les relations entre l'État et les médias.

Maitre Thiam fustige ce qu'il perçoit comme une volonté de discréditer la presse et de manipuler à la fois l'opinion publique et les employés du secteur. Il ajoute que le ministre aurait intérêt à le consulter avant de s'exprimer.

L’ancien ministre rappelle ainsi qu’en 2023, la dette fiscale de la presse sénégalaise publique et privée, s’élevait à 10 337 595 510 F CFA en droits simples, assortie de 2 900 000 F CFA de pénalités. IL souligne au passage que 50 % de cette dette provient des entreprises publiques qui ne subissent aucune pression de l'Administration. La répartition de cette dette pour les médias publics est la suivante : la RTS doit 4 554 625 781 F CFA, l’Agence de presse sénégalaise (APS) 256 747 664 F CFA et le journal “Le Soleil” 215 838 695 F CFA. À cela s’ajoutent les 600 000 000 F CFA dus par la TDS.

Par ailleurs, Me Thiam distingue les dettes fiscales des redevances de fréquences dues à l’ARTP par les médias qui s’élèvent à 25 milliards F CFA. Cette dette concerne à la fois les médias publics et privés, et est jugée indue, car l’ARTP a libéré ces fréquences avec l’avènement de la TNT, les revendant ensuite aux opérateurs de téléphonie mobile pour le déploiement de la 5G.

Il souligne que le fait que cette dette soit injustement réclamée à la presse privée, est préoccupant, d’autant plus que le président de la République, dans une lettre datée du 20 mars 2024, a ordonné au ministre des Finances de supprimer les dettes fiscales et les arriérés de paiement des redevances de fréquences dus avant le 31 décembre 2023.

L’ancien ministre insiste sur le fait que “l’État est une continuité ; à défaut d’instructions écrites contraires, votre collègue des Finances doit exécuter cette décision présidentielle et cesser de tourmenter les responsables des entreprises de presse qui perçoivent des subventions insignifiantes dans un pays sérieux qui souhaite voir la presse autonome et prospère”.

Concernant le Fonds d’appui et de développement de la presse (FADP), anciennement appelé “aide à la presse”, il estime qu'il ne devrait pas changer de dénomination. “Ce fonds reste, en réalité, une aumône, semblable à l’aide versée aux étudiants en début d’année”. Il critique l’utilisation des fonds par des structures non directement liées aux entreprises de presse, alimentant des suspicions de détournement de fonds publics.

Il rappelle que, selon l’article 46 du Code de la presse sénégalaise, le FADP a pour mission de soutenir les entreprises de presse en matière d’investissement, de garantir les prêts bancaires, de soutenir les initiatives en faveur du multimédia et de contribuer à la formation continue des journalistes et techniciens des médias. Le fonds doit également appuyer les radios associatives ou communautaires à but non lucratif et verser des subventions directes à l’APS en contrepartie des services fournis aux autres médias.

Ainsi, il considère qu’il est légitime d’utiliser ces fonds pour soutenir divers aspects du secteur médiatique, y compris des initiatives telles que l’organisation des assises des médias, la Convention des jeunes reporters ou encore le soutien aux grandes entreprises de presse comme GFM ainsi qu’aux médias communautaires. Il est impératif que l’État publie la liste complète des bénéficiaires des fonds de solidarité, qu’ils proviennent du FADP, du Fonds de microfinance ou d’autres sources, pour garantir la transparence.

Enfin, Me Thiam appelle les acteurs des médias à rester solidaires, soulignant que la cohésion est essentielle pour préserver l’intégrité du secteur face aux crises et aux controverses. Il exhorte les hommes des médias à une vigilance accrue, pour éviter la division au sein de la profession.

Comprendre la mission de service public des médias

Par rapport à cette entreprise de dénigrement auprès du grand public, l’édito commun de la presse a tenu à rappeler que ce qu'est la mission de service public dont on entend tant parler. Qu’on n’oublie surtout pas, - pour reprendre les termes de l’édito-, citant un exemple, l’élection présidentielle, dimanche 24 mars 2024 qui a porté Diomaye Faye au pouvoir. Il rappelle ainsi que les journaux, radios, télévisions, sites d’informations, dans un seul élan, avaient transmis les résultats rassemblés aux quatre coins du Sénégal. Combien étaient-ils à traquer les chiffres, bureau de vote par bureau de vote, à la recherche de la bonne information ?

Des centaines de journalistes, envoyés sur le terrain par leurs organes de presse pour transmettre en direct les résultats et signaler le moindre dysfonctionnement, servant même souvent d’alerte aux autorités, sans aucune assistance publique ? Combien de millions de personnes étaient-ils, scotchés à leurs téléphones portables ou radios et télés, à s’abreuver de résultats donnés par ces «valeureux journalistes» sur le terrain ? Et combien ont sursauté de joie, à la publication de ces résultats, avant même que les commissions et institutions légalement habilitées ne le fassent ? Combien cela leur a-t-il coûté de savourer un tel «délice» ? Combien cela a coûté aux médias ? Pour reprendre le contenu de cet édito, disons-nous bien que cela n’a rien coûté aux Sénégalais sinon d’avoir vu celui qu’il appelle 4ème pouvoir, se dresser contre toute tentative de vicier les résultats.

L’édito n’a pas à la vérité tout dit. Elle a même occulté cette implication capitale de la presse qui était aux premières loges en participant activement à la sensibilisation des citoyens lors de la pandémie Covid 19. Elle aurait pourtant pu comme tous ces fournisseurs de l’Etat qui ont amassé plusieurs millions et milliards dans la fourniture de respirateurs, de masques, de gels hydroalcooliques, de riz, ou de lits dans les hôtels, sans oublier ces montants qui se sont envolés réclamer sa part du gâteau. La presse n’assurait tout simplement que sa mission de service de public.

Vouloir faire croire que les entreprises de presse, encore que cela ne soit le cas de toutes, sont les seules entreprises à ne pas payer l’impôt au Sénégal, c’est leur faire un mauvais procès et chercher à coller une mauvaise image aux acteurs d’un métier pourtant bien noble et exercé par des hommes et des femmes dignes. Combien de Sénégalais paient l’impôt sur le patrimoine bâti au Sénégal ? Combien d’entreprises du secteur informel paient normalement l’impôt ? Et les entreprises privées formelles ? L’Etat ne doit-il pas de l’argent à ses fournisseurs et à l’Ipres ? La question est dès lors de savoir pourquoi les médias sont la seule corporation à être pointée du doigt ? Sans doute parce qu’ils dérangent.

Ces problèmes de la presse, entendons-nous bien, ne peuvent être réduits à une simple affaire d’impôt, comme le présente le ministre Alioune Sall, dans une logique de faire plier les journalistes ou de les humilier. C’est en effet avoir une courte vue que de procéder de la sorte. C’est aussi ne pas avoir de vision pour la presse. Cette affaire est en réalité bien plus sérieuse qu’elle ne paraît.

Revoir le modèle économique des médias et renforcer la conscience politique et culturelle des citoyens

Il faudra sans aucun de toute évidence revoir le modèle économique de la presse si on veut l’accompagner dans une logique d’organiser le secteur et rendre viable ce métier, en explorant par exemple du côté des redevances que devraient verser les sociétés de télécoms, les sociétés d’interne (GAFA - Google, Amazon, Facebook…), la Senelec (dont les médias contribuent à augmenter le chiffre d’affaires) qui utilisent les contenus des médias ou dont le chiffre d'affaire est amplifié par ces mêmes supports.

Alors que l’on a fini de faire passer dans l'opinion, que l’enveloppe de 1,9 milliard dédiée au Fonds d'aide à la presse, aurait été distribué à des entités qui n'ont rien à voir avec la presse, l'ancien ministre de la communication sous Macky Sall, Moussa Bocar Thiam a corrigé le ministre Aliou Sall en ces termes : "Dire que sur 1 900 000 000 fcfa, les 800 000 000 fcfa ont servi à d’autres structures qui ne sont pas des entreprises de presse, relève de la volonté de faire naître une suspicion de détournement de deniers publics. Un Ministre, avant de s’adresser à la nation doit lire les textes. L’article 46 du code de la Presse précise que le Fonds d’Appui et de Développement de la Presse (FADP) a pour mission : - de soutenir l’entreprise de presse en matière d’investissement (financement de projets de développement ou de modernisation des entreprises de presse) ; - de servir de garantie pour les prêts bancaires ; - de soutenir toute initiative en faveur du multimédia ; - de verser une subvention directe à l’Agence de presse sénégalaise en contrepartie du service fourni aux autres médias ; - de contribuer au bon fonctionnement de l’organe d’autorégulation ; - d’aider les entreprises de presse à consolider les emplois ; - d’appuyer la formation continue des journalistes et techniciens des médias - d’aider les radios associatives ou communautaires (à but non lucratif). Donc, il est clair que les fonds peuvent valablement servir au CESTI, à l’organisation des assises des médias, à la convention des jeunes reporters etc…". Une manière de dire que ces 800 millions ont servi à des organismes connexes aux médias.

Dans tous les cas, un pays comme la France, même si on n'est pas au même niveau de développement, a bien compris l’importance du développement de la conscience politique et culturelle. C'est pourquoi, elle a distribué en 2023, concernant les aides directes au pays de Marianne, 204,7 M€ d’euros (134 milliards F CFA) à la presse, dont 22,7M€ au titre des six aides au pluralisme, 133 M€ pour les aides au transport et à la diffusion, et 19,1 M€ pour les aides à l’investissement en faveur de la modernisation, d'après le ministère de la Culture français. Il indique que 30 M€ ont été également versés dans le cadre d’une aide exceptionnelle visant à compenser la hausse des coûts de production (aide papier). Ces aides, souligne-t-on, sont encadrées par des textes réglementaires publiés au “Journal officiel”. Au total, en 2023, ce sont 809 titres qui ont bénéficié d’aides à la presse.

De même les aides indirectes s'élèvent à 84 M€. La presse bénéficie d'un taux de TVA dit « super réduit » de 2,1 %. Le ministère des Finances français évalue la dépense fiscale liée à ce taux à 60 millions d'euros en 2023, contre 150 millions d'euros en 2022, en raison d'une modification des modalités de calcul. À cela s'ajoutent plusieurs dispositifs fiscaux spécifiques, notamment en faveur des diffuseurs de presse, des vendeurs-colporteurs et des porteurs, représentant un montant de 24 millions d'euros. Par ailleurs, la presse, qu'elle soit IPG ou non, profite de tarifs postaux avantageux.

Lorsque des entreprises de presse ont été affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine, une aide exceptionnelle de 30 M€ a été instituée en mai 2023. Celle-ci vise à compenser en partie l’augmentation importante du coût du papier qui a durement affecté les entreprises de presse, poussant certaines d’entre elles à limiter leur pagination et supprimer des suppléments.

Au-delà, tous les journalistes raisonnables sont d’accord pour assainir la presse. Il s’agit aussi et surtout de vider les médias de tous ces chroniqueurs qui n’ont nullement la qualité pour l’être (les prédicateurs religieux, les tradipatriciens, les communicateurs traditionnels, les animateurs et tous ces journalistes n’ayant pas le niveau et la spécialité requise) pour conduire des émissions à caractère politique, économique, culturel, social etc. Beaucoup de ceux qui dirigent les émissions en wolof par exemple, ne savent pas diriger des émissions en français, alors qu’une partie du public ne comprend pas forcément le wolof. Le déficit de niveau de français y est pour beaucoup.

Tout cela implique aussi que le niveau de formation soit relevé et que les spécialisations soient développées dans les matières techniques. C’est en tout cas un bon début qui a été noté avec l’application du code de la presse qui permet d’octroyer la carte de presse à ceux qui la méritent pour des raisons liées à l’obtention d’un diplôme reconnu par l’Etat ou par le passage devant une commission de validation des acquis après un certain nombre d’années d’expérience.

Qu’on ne s’y trompe même pas, tous les régimes, de Wade en passant Macky pour arriver à celui actuel, aucun ne milite réellement pour une presse forte. Qu’on le croit ou pas, chaque régime cherche sa presse complaisante pour l’accompagner en vue d'une gouvernance confortable.

Dans tous les cas, les vertus du dialogue sont à utiliser en toutes circonstances. Pour bien gérer un secteur, la moindre des stratégies est de discuter avec les acteurs, d'établir de nouvelles bases et relations, avant de penser à réguler.

Et même si la société civile a opté pour la médiation et que le président de la République et les patrons semblent disposés à aller vers une désescalade, il y a à ce jour une voix qui manque. C’est celle du Premier ministre Ousmane Sonko qui ne vaut pas moins que celle du président.

Depuis le dernier Conseil des ministres, aucun acte allant dans le sens d’un dialogue n’a été posé. En lieu et place, les parties continuent plutôt de se regarder en chiens de faïence, avec un ministre obnubilé par la tentative de légitimation des actes qui ont été posés par le gouvernement et une partie de la presse convaincue de la volonté du ministre de les livrer à la vindicte populaire.