NETTALI.COM - Faut-il rire ou pleurer de tout ce tintamarre qui s’est emparé de la gouvernance de Bassirou Diomaye Faye ? La gouvernance d’Ousmane Sonko devrait-on plutôt dire, les territoires n’étant pas clairement délimités entre les deux têtes de l’exécutif, le président et le Premier ministre en l’occurrence. Le slogan « Sonko mooy Diomaye, Diomaye mooy Sonko » utilisé pour faire bénéficier le candidat Diomaye, du vote Sonko, lors de la présidentielle passée, aurait dû rester sur le champ politique au lieu d’empiéter sur l’espace de la république, où c’est la constitution qui définit le rôle de chacun.

Et ce n’est pas un hasard si Alioune Tine, le président d’Afrika Jom Center, déplorait cet état de fait lors de l’émission « Grand Jury » de la Rfm du dimanche 25 Août. «Aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, c’est Sonko qui gouverne», avait-il relevé. «Il gouverne le Sénégal et en même temps, il est chef de parti. Beaucoup le réclament, personne ne le voit (…)Il faut que Sonko sorte de cette contradiction. C’est extrêmement important», conseille-t-il. Avant de faire le constat suivant : « Moi je voyais bien Sonko à la présidence. C’aurait été bien, parce que c’aurait été très clair. Directeur de cabinet du président de la République, qu’il cogère. Il n’y aurait pas eu cette espèce de  confusion des rôles. La meilleure place pour Sonko, c’était la Présidence», a-t-il conclu. Une sortie qui a valu à Alioune Tine, quelques assauts dans les réseaux, même s’il avait déjà eu à qualifier l’actuel régime de pastéfien. Adoubé un jour et critiqué un autre pour avoir osé critiqué le leader Sonko !

Une confusion au sommet de l’Etat pourtant déplorée à longueur d’éditos et de chroniques dans les médias. Mais si c’est ainsi qu’ils veulent continuer à gouverner le pays, qu’ils poursuivent sur  cette voie. Sauf que cette voie est pour l’instant loin d’être un long fleuve tranquille.

L’objectif, en relevant cette sorte de dualité, n’est pas, si l’on veut être honnête, de semer la zizanie entre les deux, mais bien d’inciter au respect de l’orthodoxie républicaine. L’on doit cesser de voir chaque écrit ou propos critique, une volonté de saper la gouvernance. Ceux qui nous gouvernent ne descendent pas du ciel et ne sont pas non plus des êtres parfaits pour ne pas être sujets à la critique constructive.

C’est en tout cas à une gouvernance pas du tout tranquille que l’on assiste, ponctuée qu’elle  est de déclarations intempestives sur fond d’accusations de pillages des ressources dirigées contre les anciens dignitaires du régime de Macky Sall, agrémentées en plus de menaces d’emprisonnement, suivies de polémiques tous azimuts.

Mais, a-t-on vraiment besoin de procéder de la sorte ? Il aurait pourtant juste suffi dans ces affaires de supposés pillages de ressources ou de mal gouvernance, faire jouer leur rôle aux corps de contrôle et d’activer le parquet financier. Quoi de plus simple que ce brouhaha qui distrait les Sénégalais et attise inutilement les rancœurs, surtout avec tous ces excités des réseaux sociaux.  Peut-être s’agit-il dans certains cas de diversions ou de contrefeux pour cacher certaines choses ou éviter certains sujets ?

Des dossiers polémiques sur la place publique

Mais c’était sans compter avec ces quelques dossiers polémiques venus atterrir sur la place publique et sur lesquels pèsent des soupçons de manque de transparence. Tenez par exemple cette histoire d’accusation par les syndicats sur une supposée irrégularité au Port Autonome de Dakar, dans la procédure de passation de marché lié à l'audit du fichier du personnel ; sans oublier la supposée suspension de 700 contrats de travailleurs temporaires que les syndicats dénoncent et que la direction générale du Port réfute. Elle suivie d’une polémique entre la Direction générale et les syndicats, qui n’en finit pas. Que croire ? Qui croire ? Qu’on éclaire au moins nos lanternes.

Une autre affaire qui a aussi interpellé l’opinion, est celle de l’Office national de l’assainissement (Onas). En effet, malgré le « Jub jubal jubanti », la passe d’armes entre l’ex-DG de l’Onas, Cheikh Dieng et le ministre de l’eau et de l’assainissement Cheikh Tidiane Dièye, sur fond d’accusations et de contre accusations, ne manque de créer un malaise. Au-delà de savoir qui a tort ou pas entre le ministre Cheikh Tidiane Dièye et l’ex-Dg Cheikh Dieng, il y a une question de transparence que les gouvernants ne semblent pas pressés de trancher. Tout au plus, ils ont limogé Cheikh Dieng, sans que l’on sache réellement de quoi retourne cette affaire. Peut-être ont-ils choisi l’option de laisser pourrir la situation et de ne pas entretenir davantage la polémique ? La question est dès lors de savoir si Cheikh Tidiane Dièye est aussi exempt de reproche qu’on veuille le laisser penser ? Ce sont en tout cas des techniciens de l’Onas qui sont allés aux charbons à sa place, sans toutefois nous dire ce que Cheikh Dieng n’a pas encore dit. Et Birahim Seck de la société civile n’a pas manqué d’en faire référence. Il y a en tout cas quelque chose qu’on ne nous dit pas dans cette affaire et qu’on aimerait bien savoir.

La presse n’a jamais refusé de payer, mais conteste les montants avancés

De même, l’on peut relever cette confrontation entre le pouvoir et la presse, alors que cette dernière a pointé du doigt une volonté du pouvoir de la mettre en mal avec l’opinion, à travers « une opération de manipulation et de diabolisation à des fins politiques pour saper la crédibilité de la presse et/ou pour organiser la disparition d’entreprises et pour en créer d’autres totalement acquises à des causes partisanes ».

Un état de fait selon le Conseil des Diffuseurs et Editeurs de presse (Cdeps) corroboré par cette accusation de refus par la presse de s’acquitter de ses obligations fiscales, servie avec un argumentaire, des chiffres et données à l’appui, que le Cdeps a évidemment démontés point par point, tout en égrenant les actes du pouvoir dont il est victime  : « blocage de comptes bancaires,  production d’état exécutoire de saisie de matériels de production, rupture unilatérale et illégale des contrats publicitaires, gel des paiements, mise en demeure, refus de concertation, etc. »

Sur la fiscalité des entreprises de presse par exemple, le Cdeps note que les montants des dettes fiscales dues par les entreprises de presse et annoncées par le ministre, sont inexacts et constate que le chiffre décliné est un fourre-tout de 40 milliards FCFA, qui agrège des droits simples,  une taxation d’office et des pénalités. L’organisation patronale trouve d’ailleurs la méthode « infamante et même scandaleuse », puisque selon lui, de tous les secteurs économiques du pays, « les entreprises de presse sont les seules dont les autorités publient illégalement les données en violation totale du secret de leur situation fiscale ».

Sur le Fonds d’Appui et de Développent de la Presse (FADP), le Cdeps estime même que « les montants annoncés par le ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, sont sciemment incomplets et ne fournit pas la liste de tous les bénéficiaires dont les entreprises de la presse ont toujours revendiqué sa publication » et s’étonne de la politique de «clarification sélective» du ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique.

Le cinglant démenti, lui, est venu de l’ancien ministre de la Communication, Moussa Bocar Thiam. Sur les chiffres avancés notamment, à savoir que ce sont les entreprises privées de la presse qui détiennent la plus grosse part de la dette. L’ancien ministre rappelle ainsi qu’en 2023, la dette fiscale de la presse sénégalaise publique et privée, s’élevait à 10 337 595 510 F CFA en droits simples, assortie de 2 900 000 F CFA de pénalités. Il souligne au passage que 50 % de cette dette provient des entreprises publiques qui ne subissent aucune pression de l'Administration. La répartition de cette dette pour les médias publics est la suivante : la RTS doit 4 554 625 781 F CFA, l’Agence de presse sénégalaise (APS) 256 747 664 F CFA et le journal “Le Soleil” 215 838 695 F CFA. À cela s’ajoutent les 600 000 000 F CFA dus par la TDS.

Par ailleurs, Me Thiam distingue les dettes fiscales des redevances de fréquences dues à l’ARTP par les médias qui s’élèvent à 25 milliards F CFA. Cette dette concerne à la fois les médias publics et privés, et est jugée indue, car l’ARTP a libéré ces fréquences avec l’avènement de la TNT, les revendant ensuite aux opérateurs de téléphonie mobile pour le déploiement de la 5G.

Il souligne que le fait que cette dette soit injustement réclamée à la presse privée, est préoccupant, d’autant plus que le président de la République, dans une lettre datée du 20 mars 2024, a ordonné au ministre des Finances de supprimer les dettes fiscales et les arriérés de paiement des redevances de fréquences dus avant le 31 décembre 2023.

L’ancien ministre Thiam ne demande ni plus, ni moins d’arrêter «  de stigmatiser la presse sénégalaise » et de respecter « les engagements de l’État », assimilant les déclarations de l’actuel ministre à une posture qui marque une rupture avec la tradition de dialogue et de courtoisie, mettant ainsi en péril les relations entre l'État et les médias. Maitre Thiam perçoit comme une volonté de discréditer la presse et de manipuler à la fois l'opinion publique et les employés du secteur, ajoutant que le ministre aurait intérêt à le consulter avant de s'exprimer.

C’est d’ailleurs une illusion que de croire que les gouvernants ont un quelconque intérêt à une presse forte et libre. Tous les gouvernements, de Wade en passant par Macky jusqu’à celui actuel, cherchent d’une manière ou d’une autre à contrôler la presse. Seuls les procédés et les méthodes utilisés diffèrent.

Des problèmes de la presse qui sont toutefois loin d’être une affaire de fiscalité, mais plutôt une question de modèle économique dont elle voudrait pourtant bien discuter avec les autorités de la république, ainsi que l’a exprimé le Président Diomaye Faye, lors d’un récent conseil des ministres. Et au-delà, il s’agit de voir comment assainir ce milieu tant du point de vue de ses hommes que de sa régulation.

Mais qu’est-ce qu’elle dure cette grève des agents des collectivités locales qui date de l’époque Macky Sall jusqu’à nos jours ! Ceux-ci réclament des augmentations de salaires, suite à l’augmentation des salaires de la fonction publique. Le ministre des collectivités locales Moussa Balla Fofana a en tout cas beaucoup de mal à dénouer cela, malgré les menaces sans cesse brandies contre les employés, mais sans succès.

Entre déclarations intempestives et menaces à peine voilées

Avec la gouvernance actuelle, ce n’est pas une tendance aux déclarations intempestives et à  la stigmatisation qui manque. Dans un texte récent, Le Monde Afrique décrivait cet état de fait en ces termes : « Ousmane Sonko, premier ministre du Sénégal, n’a rien perdu de la hargne de l’opposant qu’il fut. Quitte à se montrer menaçant. Dimanche 10 juin, sur l’esplanade du Grand Théâtre de Dakar, devant plusieurs milliers de sympathisants de son parti, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), il a ciblé, tous azimuts, les médias accusés de «  ne pas payer leur dette fiscale », les magistrats supposément « corrompus », les « auteurs de malversations financières » qui « ne seront pas pardonnés » et « la nouvelle opposition ».

Bien évidemment pour le dernier cas celui des opposants au pouvoir actuel voire du régime passé, personne ne demande d’occulter la reddition des comptes ou de remédier à certaines situations anormales, mais il s’agit bien de rendre justice de la manière la plus équitable possible. L’on ne peut juste pas vouloir rendre la justice et l’accompagner d’une telle clameur qu’on en arrive même à soupçonner de possibles règlements de comptes à venir.

Toute cette effervescence notée dans les réseaux sociaux selon laquelle, il faut tous les « foutre en prison », est inadmissible car ceux qui brandissent ces arguments, doivent se rendre à l’évidence qu’ils ne sont ni issus des corps de contrôle et encore moins de la magistrature pour déclarer de telles fatwas.

Comment d’ailleurs parlant de la justice, ne pas s’interroger sur l’affectation des trois juges Mamadou Seck, Maham Diallo et Abdou Karim Diop, en même temps à Tambacounda ? Doit-on comprendre que la notion de « bons juges » ferait référence à ces juges-là qui avaient rendu des décisions favorables à Pastef et celle de « mauvais juges », le contraire ? En tout cas deux d’entre eux, Sabassy Faye et Ousmane Racine Thione ont été respectivement promus, président du tribunal de Fatick et de Mbour.

La vérité est que l’on ne peut pas avoir passé son temps à dénoncer des injustices et se retrouver à agir de la sorte. Il ne peut nullement y avoir une justice des vainqueurs. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles, il existe de la méfiance vis-à-vis de la présence du président de la république et du ministre de la justice au Conseil supérieur de la magistrature.

De même, comment être indifférent à cette psychose créée par rapport à la suspension des travaux sur le littoral, entre Dakar et étendue plus tard à Mbour 4 (Thiès) et Saint-Louis ? Ses conséquences en cascade sur l’activité économique et au plan social, sont constatées. Ce sont des activités économiques qui se sont retrouvées en baisse (immobilier, artisanat, production de ciment, matériaux de construction, activités d’importation, transport, logistique, activité de dédouanement, restauration sur les chantiers, etc), sans oublier ces employés du bâtiment qui sont au chômage et ces hommes d’affaires qui s’activent dans le foncier et qui voient la psychose freiner leur business.

Des sorties de route qui commencent à devenir une habitude

Ce qui est surtout le plus gênant dans cette gouvernance, c’est cette posture polémique d’Ousmane Sonko, toujours drapé de ses habits d’opposant. Tantôt parlant en tant que chef de parti, tantôt en tant que Premier ministre. Le jeu de rôle dans lequel il est empêtré, brouille sans aucun doute l’image de la gouvernance ainsi que sa communication, alors que le Président Faye, a du mal à être considéré comme le vrai chef de l’exécutif.

Comment Ousmane Sonko peut-il avoir comme vocation de s’inscrire de manière permanente dans la confrontation ?  De l’entendre dire que par exemple que certains ne veulent pas le voir fouler le tapis rouge, avait bien étonné certains observateurs.

A Colobane, il déclare n’avoir pas été au courant de la circulaire du ministère de l’Intérieur, alors qu’est menée une opération de déguerpissement des marchands ambulants.

Lors d’un meeting politique sur l’esplanade du Grand-Théâtre, il nous relate sa communication avec le ministre de la justice de la justice Ousmane Diagne qui l’avait saisi dans le cadre d’un dossier impliquant un militant de Pastef. C’est en ce sens qu’il nous a informés avoir répondu à celui-ci de faire son travail. Comment-a-t-il pu rendre ce fait public ?

Le Président Bassirou Diomaye Faye est présent sur le sol français, Ousmane Sonko en profite pour pilonner la France dans cette histoire de six tirailleurs africains reconnus « morts pour la France ». Une décision qui a suscité l’ire du Premier ministre sénégalais selon qui la France ne pourra plus ni faire conter seule ce bout d’histoire tragique » et encore moins « fixer unilatéralement le nombre d’Africains trahis et assassinés après avoir contribué à la sauver, ni le type et la portée de la reconnaissance et des réparations qu’ils méritent »

Tout comme lors de son audience avec des artistes au cours de laquelle, il a traité les opposants de poltrons, déclarant que ceux qui veulent s’opposer, n’ont qu’à commencer tout de suite, l’état de grâce étant pour les faiblards. Il a même ajouté qu’eux-mêmes au niveau du Pastef, ont l’habitude du « thioki » (de l’affrontement). Une sortie à laquelle a répondu,  dans un communiqué datant du mardi 27 Août, Abdou Mbow, le député de Benno Book Yaakaar  qui a au passage, qualifié la sortie de Sonko contre les opposants, de “saugrenue” et d’”intempestive”. Il a aussi condamne l'utilisation par Ousmane Sonko de termes injurieux comme “tapettes” pour désigner ses adversaires politiques : “Nos concitoyens attendent du respect de votre part. Les plus âgés sont de plus en plus indisposés par vos abus de langage indignes de la fonction que vous occupez. C'est la première fois qu'un homme politique utilise des mots comme ‘tapettes’, contre ses adversaires qui ont le mérite de refuser de verser dans les dérives connues de vous quand vous étiez dans l’opposition.”’

Un Premier ministre ne devrait pas parler comme cela. On est pourtant bien loin du terrain de Acapes.

Pour un leader qui entend affronter l’opposition, avouons que la déclaration de politique générale aurait été une bonne occasion pour débattre de sujets plus relevés qu’un simple affrontement de l’opposition sur le terrain de la polémique stérile et politicienne. Mais encore faudrait-il que le projet soit rendu public et que l’on comprenne les différents axes qui vont guider cette DPG.

Une sortie dont on se demande quel était finalement le projet, tant elle ne s’expliquait pas et avait plutôt des allures de contrefeu, voire de diversion, dans un contexte de polémiques sur l’affaire Onas.

Un discours du Premier ministre qui gagnerait à vraiment prendre un peu plus d’épaisseur et de fond. Il y a comme une sorte de peur chez Ousmane Sonko de ne plus avoir de prise sur son public s’il venait à observer le silence. A moins peut-être que cela soit une obsession pour lui d’être le maître du jeu, un statut que seul le tintamarre peut lui octroyer. Bref, on n’est pas sortis de l’auberge.

A « Grand Jury » de la RFM, ce dimanche, Alioune Tine n’a d’ailleurs pas manqué de lui prodiguer quelques conseils. «Sonko a intérêt à gouverner dans un contexte pacifié, où il y a un débat de fond, parce qu’aujourd’hui il n’y a pas de débat de fond», dit-il, l’encourageant à tenir sa promesse, lui qui s’est dit prêt à débattre avec l’opposition.