ÉMIGRATION IRRÉGULIÈRE, INSÉCURITÉ SOUS-RÉGIONALE - Le Sénégal et l’Espagne se donnent la main pour lutter contre ces fléaux

À l'occasion de la visite du président du gouvernement espagnol au Sénégal, hier, le président de la République Sénégal s’est dit préoccupé par les départs massifs, à partir des côtes sénégalaises, avec l’Espagne comme destination. “Le gouvernement du Sénégal, sous la conduite du Premier ministre, travaille sur les voies et moyens de stopper les vagues de départs clandestins. Notre pays continuera de lutter contre la migration irrégulière avec ses partenaires, dont l'Espagne”, a déclaré Bassirou Diomaye Faye devant son hôte Pedro Sánchez.

Néanmoins, à côté des mesures répressives, M. Faye note qu’une coopération plus étroite entre les deux pays, est nécessaire pour lutter contre les causes profondes de ce phénomène.

Selon le président sénégalais, l’objectif du gouvernement est, d’une part, de développer les projets visant à fixer les candidats à l’émigration irrégulière dans leur tiroir, et d’autre part, de promouvoir une migration sûre et ordonnée.

Comment s’y prendre ? “Nous avons convenu (le Sénégal et l’Espagne) d'explorer des voies de renforcement de la coopération dans les domaines tels que l’agriculture, la formation professionnelle et technique, l'industrialisation et la digitalisation qui sont des priorités pour notre pays. À ce propos, mon gouvernement est en train de finaliser l’élaboration de la vision 2050 et le référentiel sur les politiques publiques qui seront mis à la disposition des partenaires et de tout potentiel investisseur”, a annoncé le chef de l’État soutenant que les investisseurs espagnols sont les bienvenus et encourageant leur contribution à la réalisation des objectifs de coopération.

Bassirou Diomaye Faye a exprimé au PM Pedro Sánchez son appréciation de l’appui “constant” de l’Espagne dans les efforts de développement du Sénégal, à travers l’accord-cadre de coopération qui couvre des domaines stratégiques variés tels que l’agriculture, les infrastructures hôtelières, l’environnement, la défense, la sécurité ainsi que la lutte contre la migration irrégulière. Il l'a également remercié pour “l'accueil convivial réservé à la communauté sénégalaise vivant en Espagne”.

Pour sa part, revenant sur la gestion des flux migratoires, le Premier ministre espagnol a déclaré que “L'embauche dans le pays d'origine et la migration ordonnée sont bénéfiques pour nous tous. C'est un moyen de lutter contre ceux qui font de l'immigration clandestine un commerce pour les mafias qui exploitent l'émigration clandestine et encouragent la haine et l'exclusion”. Et d’ajouter : “J'ai été à l'Institut Cervantès et nous avons présenté un projet qui s'appelle ‘Terre ferme’ et qui s'adresse à des jeunes Sénégalais victimes de l'émigration irrégulière. Le projet de formation est financé par le gouvernement espagnol, le gouvernement des îles Canaries. Cela marque la voie à suivre au regard des résultats qui ont été obtenus.”

Il révèle que l’Espagne a mis en place une initiative importante, l'Avance Afrique, qui est une initiative du ministère de l'Économie et qui vise à contribuer à stimuler les investissements au Sénégal et en Afrique de l'Ouest afin d'encourager un développement productif. Il a d'ailleurs insisté sur l'expérience que le Sénégal et l’Espagne ont en matière de collaboration dans ce domaine. C’est ainsi qu’il croit que les deux pays peuvent continuer à renforcer cette collaboration qu’il juge excellente.

“Voilà pourquoi nous avons signé un mémorandum d'entente en matière de migration circulaire. Cela permettra d'élargir et d'améliorer un système qui fonctionne déjà, intégrer de nouvelles filières d'activité, encourager la formation de travailleurs sénégalais qui viennent en Espagne”, a dit le président du gouvernement espagnol.

Sahel : Terrorisme, mafia...

L’entretien entre Diomaye Faye et Pedro Sánchez a porté sur d'autres sujets d'intérêts majeurs communs, comme la situation au Sahel face au terrorisme qui nécessite, selon le président sénégalais, une mobilisation globale de la communauté internationale et surtout de l’Europe au côté des pays concernés. Car, dit-il, “il est connu que les continents africain et européen ont un destin sécuritaire lié”.

Au plan international, Bassirou Diomaye Faye note que “le Sénégal et l'Espagne ont des convergences de vues, notamment sur le respect du multilatéralisme comme fondement de la coexistence pacifique. Pour le Sénégal, seule une approche multilatérale peut, en effet, aider à relever les défis globaux. C’est pourquoi nous réitérons notre soutien à l’initia- tive espagnole d’appuie multilatéralisme. Bien sûr, nous parlons d’un multilatéralisme ouvert, plus trans- parent, plus juste et plus inclusif, et une réforme de la gouvernance poli- tique, économique et financière mondiale”.

Le président Faye et son hôte sont donc d'accord sur le fait que la sécurité est indispensable. Leurs forces de sécurité travaillent ensemble depuis de nombreuses années. Coopération bilatérale pour faire face aux mafias de passeurs et à la criminalité.

Ainsi, sur la situation au Sahel, Pedro Sánchez déclare : “Je veux féliciter le président et son gouverne- ment pour son leadership au niveau régional, notamment en matière de médiation au Sahel. Cela est extrêmement important. Cette région relève d'une importance stratégique pour l'Espagne et nous voulons contribuer à sa stabilité. Je veux insister sur le rôle de médiation du président Faye entre la CEDEAO et le Mali et le Niger. Cette visite au Sénégal a été très fructueuse. J'en ressors convaincu que nous allons resserrer encore davantage la relation qui lie nos deux pays.”

Il dit reconnaître les efforts que trois pays, à savoir la Mauritanie, la Gambie et le Sénégal, font pour freiner le drame des milliers de personnes qui risquent leurs vies en quête d'une vie meilleure. “Le gouvernement d'Espagne est fermement déterminé à participer à cet effort en créant de nouvelles opportunités de développement économique, en appuyant la lutte contre les mafias, en renforçant les capacités de ces pays en matière de sécurité et en offrant des alternatives de migrations régulières. Ce sera le pari de l'Espagne avec la migration circulaire”, a-t-il indiqué.

Palestine

Au sujet du conflit israélo-palestinien, le Sénégal, en sa qualité de président du Comité des Nations Unies pour l’exercice du droit inaliénable du peuple palestinien, a fortement salué la décision de l’Espagne de reconnaître l’État de Palestine. À ce propos, déclare le président Faye, “le Sénégal réitère sa condamnation ferme de la situation catastrophique à Gaza où la population vit une tragédie sans précédent et fait face aux mépris des règles humanitaires les plus élémentaires par la puissance occupante”.

Le Sénégal appelle à un cessez-le-feu immédiat et à la solution de deux Etats, seul gage d’une paix durable dans la région, d’après Diomaye Faye.

À son tour, le PM espagnol soutient que son gouvernement a toujours défendu l'ordre international, le respect de la légalité et, par conséquent, la condamnation “totale et catégorique” de toute souffrance subie par la population à Gaza et en Cisjordanie. “Il est essentiel que l'aide humanitaire puisse entrer à Gaza et la communauté internationale doit organiser une conférence de paix permettant de reconnaître définitivement la solution des deux États”, a défendu Pedro Sanchez.