NETTALI.COM - On est bien retournés à l’époque du juridisme, le temps de la suppression du Haut Conseil des collectivités territoriales et du Conseil économique, social et environnemental.
Dans l’Acte 1 de cette guerre des tranchées, Diomaye Faye et Cie ont eu droit à un camouflet, malgré l’argument de rationalisation servi aux Sénégalais. Il est vrai qu’en fait de rationalisation, ils ne s’en sont pas vraiment préoccupés depuis qu’ils sont là, puisqu’ils n’ont fait finalement que remplacer l’équipe de Macky par leurs hommes. Sans oublier le nombre de conseillers qui a grimpé en flèche et ces agences et directions redondantes maintenues.
Comme pour refuser de subir cet affront, Ousmane Sonko fait une sortie le mercredi 4 septembre et contre-attaque. «Je peux vous assurer qu’il n’y aura pas de motion de censure d’ici le 12 septembre et que le 12 septembre, s’il plait à Dieu, les gens auront autre chose à faire que d’être députés à l’Assemblée nationale», a annoncé le chef du gouvernement, ce mercredi. Dans la foulée, il annonce même que le chef de l'Etat, Bassirou Diomaye Faye, va prendre des décrets pour bloquer le fonctionnement de ces deux institutions.
Aussitôt dit, aussitôt fait, Benno Book Yaakaar n’aura même pas eu le temps de savourer sa victoire que le président de la République. Dans l’acte 2 version riposte, Le président de la république publie un décret pour décapiter le Hcct et le Cese, question d’empêcher ces institutions de continuer à fonctionner. Pas de session, pas d’indemnités, pour résumer. Ils ne lâchent décidément rien ces Pastéfiens !
C’est ainsi qu'Abdou Mbow et sa clique se précipitent pour balancer cette idée de motion de censure, et en tant que président du groupe parlementaire, il déposera sa motion de censure dont l’effet ne sera ressenti que le temps d’une rose, puisque le président de la République enverra sur la table du président de l’Assemblée, un décret pour demander l’ouverture d’une session extraordinaire. L’objet de cette session porte en effet sur trois projets de loi inscrits dans l’agenda de cette session et enfin de la déclaration de politique générale du Premier ministre, Ousmane Sonko. Le chef de l’Etat voudrait que l’Assemblée examine le projet de loi de règlement pour la gestion 2022, le projet de loi l'autorisant à ratifier la convention de l’Union africaine sur la coopération transfrontalière et le projet de loi relatif à la commission nationale des Droits de l’homme. La Déclaration de politique générale du Premier ministre vient en dernière position !
Pour beaucoup, l'objectif principal de ce décret semble éminemment politique. Il serait guidé par l'objectif de tuer dans l’œuf, la motion de censure déposée contre le gouvernement, mais ne dénote en aucun cas d'une quelconque une volonté de faire la DPG.
Rebondissement, le 11 septembre 2024, la conférence des présidents de l'Assemblée nationale fixe la date de la Déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre Ousmane Sonko. Mais ce souhait du groupe Benno Bokk Yakaar, majoritaire dans le Bureau de l'Assemblée nationale a peu de chances de se réaliser. Du moins si l'on croit les députés de Yewwi askan wi. Mouhamed Ayib Daffé, président du groupe parlementaire Yewwi askan wi, dénonce une violation du règlement intérieur, estimant que la date du 11 septembre a été retenue par le président de l’Assemblée nationale. "Amadou Mame Diop et son clan violent sciemment le règlement intérieur de l’Assemblée nationale (article 97) en retenant la date du 11 septembre comme jour de la DPG", a dit le président du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi,
Réaction à nouveau d'Abdou Mbow, celui-ci parle d'esquive et constate que "le Premier ministre Ousmane Sonko et son Président sont toujours dans la manipulation, l’esquive et la ruse, qui leur permettent de continuer à violer la constitution".
" Le constat est clair, net et précis : Ousmane Sonko n’est pas prêt pour présenter sa Dpg. En effet, il s’abrite sans vergogne derrière l’article 97"
Nouveau rebondissement, le président de la République Bassirou Diomaye Faye adresse, dans la journée adressé une lettre au président de l’Assemblée nationale dans laquelle, il fixait au 13 septembre la date de tenue de la Déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre, Ousmane Sonko.
L’Assemblée nationale a déclaré le vendredi 6 septembre, avoir pris acte de la décision du président de la République de fixer au vendredi 13 septembre 2024, la tenue de la Déclaration de politique générale du Premier ministre Ousmane Sonko. Dans un communiqué rendu public à l’issue d’une réunion de son bureau et de celle de la conférence des présidents des groupes parlementaire, l’Assemblée nationale souligne que la décision du chef de l’Etat s’inscrit en droite ligne de la tradition républicaine.
Pour beaucoup, cela voudrait dire que l'Assemblée nationale ne sera pas dissoute le 12 septembre, jours de ses deux ans. Certains y voient même un dédit du Premier ministre par le chef de l'Etat. "Par lettre signée le 06 septembre 2024, le président de la République a notifié à M. le président de l'Assemblée nationale de la tenue de la Déclaration de politique générale du Premier ministre le 13 septembre (...)", écrit l'ancien ministre Mansour Faye.
Pour ce responsable de l'Alliance pour la république (APR), deux scénarios sont possibles. Et d'expliquer: "Un dédit de M. le Premier ministre : Par conséquent, le début de la restauration de l'ordre institutionnel tant attendue et espérée par les Sénégalais, ce qui signifiera la fin de l'imposture. Ou alors un parjure de M. le Président : scénario catastrophe qui consacrera l'écroulement irréversible des fondamentaux de la République."
Pourtant, les choses sont loin d'être aussi simples. Du côté du pouvoir, on veut dissocier la fixation de la date du 13 septembre pour la DPG et le pouvoir constitutionnel qu'a le président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale dès le 12 septembre. Invité vendredi sur la chaine de télévision privée Walf Tv, Yankhoba Diémé, ministre du Travail, de l'Emploi et chargé des Relations avec les institutions, a refusé de lier la DPG prévue le 13 septembre et la dissolution éventuelle de l'Assemblée nationale dès le 12 du mois.
Dissolution de l'Assemblée nationale et loi de finances
Interpellé par la RTS1, le professeur Abdou Aziz Kébé, spécialiste des finances publiques, était revenu sur les difficultés d’une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale. “Comme vous le savez, explique-t-il, la loi de finances doit être déposée au cours de la deuxième quinzaine du mois d’octobre. Si l’Assemblée est dissoute, pas d’Assemblée. Pas d’Assemblée, il y a des difficultés, notamment pour la gestion des finances publiques, par exemple pour voter le budget. Donc, il va falloir réfléchir sur des mécanismes juridiques”.
De l’avis du spécialiste, les choses sont loin d’être aussi faciles que certains le pensent. “En un moment, j’ai pensé que l’article 68 de la Constitution permettrait au président, lorsqu’on est dans ce cas de figure, de faire entrer en vigueur le budget par décret. Mais avec le recul, je me rends compte que ce sera compliqué. Il va falloir activer le Conseil constitutionnel, parce qu’on va vers un droit budgétaire spécial, avec tout un tas de contrôles à effectuer”, soulignait le professeur de droit public qui prônait l’ouverture de discussions pour éviter de telles situations.
Aux termes de l'article 68 de la Charte fondamentale, le projet de loi de finances, qui comprend notamment le budget, est déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, au plus tard, le jour de l'ouverture de la session. Selon le texte, l'Assemblée dispose de 60 jours au plus pour voter les projets de loi des finances. “Si, par suite d'un cas de force majeure, le président de la République n'a pu déposer la loi de finances en temps utile, la session est immédiatement et de plein droit prolongée jusqu'à l'adoption de la loi de finances”, indique la disposition.
Il faut noter que cette disposition, selon un spécialiste du droit parlementaire, a été adoptée quand il y avait deux sessions dans l’année, dont la première démarrait en octobre et prenait fin au mois de décembre. La seconde entre avril et juin. Aujourd’hui, l’Assemblée nationale se réunit en une session ordinaire unique. “Puisqu'on est en session ordinaire unique, la LF doit être déposée à l'ouverture de la session. Dans le cas où la loi n’a pu être adoptée avant le 31 décembre, le gouvernement reconduit par décret les crédits de l'exercice précédent”. Autrement dit, si d’ici le 31 décembre la loi de finances n’est pas votée, Diomaye sera contraint de reprendre le budget de Macky Sall et d’être placé ’sous tutelle’ de la Cour des comptes.
À ceux qui agitent la possibilité d’un recours aux pouvoirs exceptionnels de l’article 52 de la Constitution, le passé récent nous a appris que nous sommes très loin de l’hypothèse où le chef de l’État peut recourir à un tel extrême. “Même pour le recours à l’article 68, c’est problématique, a fortiori un recours à l’article 52. Vous savez, avec la dissolution, on ne peut parler de force majeure, ce qui suppose un fait imprévisible, irrésistible et qui ne dépend pas de notre volonté. Avec la dissolution, on sait à l’avance qu’on sera confronté à des difficultés. On ne peut donc se cacher derrière le cas de force majeure”.
Une situation que confirme Birahime Seck du Forum civil qui note que « constitutionnellement, le président de la République peut dissoudre l'Assemblée nationale, mais le droit budgétaire sera dans une situation de grippe juridique complexe ».
Thierno Alassane Sall, député, lui se demande « comment organiser en 60 jours ou 90 jours maximum le parrainage, son contrôle, la période de contentieux et la campagne électorale, avec, de surcroît, un effet de surprise si ce n’est dans le chaos et la confiscation de la démocratie ? Quelle crise justifie une si dangereuse précipitation ? ». Il s’inquiète ainsi pour des élections législatives qui devront suivre une éventuelle dissolution.
La menace, cette arme d'intimidation permanente
Toujours est-il que cette décision de renverser son gouvernement, Ousmane Sonko n’a pas semblé beaucoup la goutter puisqu’il soufflera sur les braises, menaçant encore une fois de plus les opposants en rappelant que « la reddition des comptes va débuter cette semaine même », estimant que « des gens ne peuvent pas se permettre de faire du n’importe quoi à coups de milliards sur le foncier, des marchés classés secret défense, sur la construction ». Il ajoutera même avoir « pris des mesures conservatoires pour les empêcher de quitter le pays », faisant savoir qu’il détient « des preuves de toutes leurs malversations » et « qu’ils vont rendre compte ».
Il est certes normal que des gestionnaires de deniers des Sénégalais rendent compte, mais ces menaces et actes posés, sont-ils vraiment nécessaires pour quelqu’un qui veut se montrer juste, après avoir passé tout son temps à dénoncer des injustices ? Ousmane Sonko belliqueux devant l’éternel, a cette fâcheuse à menacer tout ce qui bouge, pour un tout ou pour un rien. Seulement, il outrepasse ses pouvoirs, mais pire, il viole même à la vérité la présomption d'innocence. Il n'a pas à s'immiscer dans le travail de la justice. Ce qui rend tout ce brouhaha inutile et sans intérêt.
Qu'on ne me réponde surtout pas qu’on est sur le terrain politique, car avec Ousmane Sonko, la menace n’est jamais trop loin. Qui a-t-il vraiment épargné de ses foudres ? Les magistrats dont il traite certains de corrompus, la presse qui devient une vraie obsession chez lui, les opposants, etc ? Personne ! Il voudrait faire sa fête à tout ce monde d’empêcheurs de tourner en rond.
Comme ces opposants qu’ils traitent de « poltrons », leur enjoignant de cesser leurs combats par procuration et de venir se battre, nous apprenant au passage qu’ils ont une tradition de « thioky » (affrontement) au Pasref.
Dans le cas des magistrats par exemple, Ousmane Sonko avait annoncé la couleur sur le coup de balai à venir, à l’esplanade du Grand Théâtre. A l’arrivée, les nominations issues du Conseil supérieur de la Magistrature ont par exemple muté le trio composé de Mamadou Seck, Oumar Maham Diallo et de Abdou Karim Diop sur la terre bien chaude de Tamba et récompensé les juges Sabassy Faye et Ousmane Racine Thione qui avaient rendu des décisions favorables, en les envoyant à Fatick et à Mbour comme présidents de juridictions.
De quoi avoir du souci à se faire pour l’institution judiciaire au moment où l’on s’attend à ce que l’exécutif sorte sa main des affaires judiciaires. Un combat loin d’être gagné surtout que Diomaye veut savoir ce qu’en pensent les magistrats dont il se préoccupe finalement un peu trop de leur avis. Bref, on est loin de ce qu’on nous avait promis avec les tergiversations notées du président de la République sur le sujet.
Si avec la justice, les signaux qui se donnent à lire, sont loin d’être clairs, c’est une bataille sans merci qui est engagée entre le Pastef et la majorité. Les escarmouches avec l’Assemblée nationale remontent à la vérité à l’époque où les députés demandaient avec insistance la présence d’Ousmane Sonko à l’hémicycle pour sa Déclaration de politique générale (DPG), alors que le règlement intérieur de l’hémicycle était loin d’être au point. De même, aucun délai ne l’enjoignait à le faire. Dans le même temps, des voix discordantes dans les rangs de la majorité faisaient valoir que la constitution était supérieure à une loi organique. Une manière de dire que le PM devait se soumettre à l’exercice.
Des échanges peu sympathiques qui avaient d’ailleurs poussé le président de la République à soutenir Ousmane Sonko dans la voie d’une DPG devant une assemblée populaire beaucoup plus relevée que celle des députés. Des déclarations choquantes qui avaient ulcéré plus d’un député et soulevé un tollé dont les restes de rancœur n’ont pas manqué de réapparaître du côté des députés de la majorité, lors du vote de la loi relative à la suppression du Hcct et du Conseil économique. Ceux-là voulaient par tous les moyens « faire sa fête » à leur tour à Ousmane Sonko qu’ils ont accusé de les avoir méprisés sur ce coup-là. Bref pour certains, il mérite cette motion de censure qui s’est bien retournée contre eux. Comme quoi, il vaut mieux parfois utiliser son cerveau, plutôt que son cœur.
Sonko, un électron libre au coeur de la république
Mais dans cette clameur permanente qui caractérise désormais nos institutions, Ousmane Sonko, le maître de l’exécutif est au four et au moulin. Et ce n’est pas un hasard si Alioune Tine, le président d’Afrika Jom Center, déplorait cet état de fait lors de l’émission « Grand Jury » de la Rfm du dimanche 25 Août. «Aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, c’est Sonko qui gouverne», avait-il relevé. «Il gouverne le Sénégal et en même temps, il est chef de parti. Beaucoup le réclament, mais personne ne le voit (…)Il faut que Sonko sorte de cette contradiction. C’est extrêmement important», conseille-t-il. Avant de faire le constat suivant : « Moi je voyais bien Sonko à la présidence. C’aurait été bien, parce que c’aurait été très clair. Directeur de cabinet du président de la République, qu’il cogère. Il n’y aurait pas eu cette espèce de confusion des rôles. La meilleure place pour Sonko, c’était la Présidence», a-t-il conclu.
Une confusion au sommet de l’Etat pourtant déplorée par beaucoup d’observateurs qui voient dans cette posture d’Ousmane Sonko, des sources d’instabilité, alors que l’objectif, en relevant cette sorte de dualité au sommet de l’Etat, n’est pas, si l’on veut être honnête, de semer la zizanie entre les deux, mais bien d’inciter au respect de l’orthodoxie républicaine. L’on doit cesser de voir dans chaque écrit ou propos critique, une volonté de saper la gouvernance. Ceux qui nous gouvernent ne descendent pas du ciel et ne sont pas non plus des êtres parfaits, pour ne pas être soumis à la critique constructive.
L’on se rappelle de ce fameux face à face avec la presse au cours duquel, apportant la réplique, le président sur un ton aussi polémique, suggérait au Premier ministre de « regarder son fauteuil » au lieu de « le lorgner » ?
Comment aussi comprendre cette prise de prise de position d’Ousmane Sonko, dans le conflit Israëlo-Palestinien, tout Premier ministre qu’il est ? Invité le dimanche 1er septembre à l’émission « Remue-Ménage » sur la Rfm, Cheikh Ousmar Sy n'a pu masquer son embarras au regard des propos de Sonko qui engagent l’Etat du Sénégal et son gouvernement. D’après lui, « le peuple sénégalais soutient le peuple palestinien. Ça, c’est connu de tous. Maintenant, c’est inédit qu’un Premier ministre vienne dans une manifestation et engage un gouvernement. C’est inédit dans l’histoire politique du Sénégal».
Sy a d’ailleurs prévenu que cette déclaration peut se retourner contre le Sénégal. « À travers cette confirmation officielle du PM, c’est le Gouvernement du Sénégal qui est venu à cette manifestation-là, nous nous attendrons forcément à des réactions de la part des Israéliens. Que ce soit peut-être le rappel de l’ambassadeur, que ce soit au niveau international », a ajouté l’ancien parlementaire, avant de rappeler que les « premiers alliés des Israéliens, ce sont les Etats-Unis ». De l’avis de M. Sy, « si c’était seulement le président de Pastef qui avait dit ça, il n’y a pas de soucis. Mais il est venu, il a engagé le gouvernement dans cette posture là et forcément, on verra des conséquences par rapport à ça ».
De même l'on peut s'interroger sur cette escapade d'Ousmane Sonko au Mali dans un contexte de rationalisation des ressources financières de l'Etat, surtout dans un contexte où les entrepreneurs sont pressés de partout sur la question de l'impôt. Qu'est ce que ce voyage, a-t-il apporté au Sénégal, sinon un PM qui est allé éclaircir sa position de souverainiste.
On aurait en tout cas bien aimé que le jeu politique se déroule dans une ambiance un peu plus sereine et que la courtoisie soit un peu plus de mise. Car les différents protagonistes sont loin d'être des ennemis, mais plutôt des adversaires. De même, le débat public doit davantage se structurer autour du développement économique et social du pays, sans oublier les perspectives d’avenir axées sur une vision du futur. Mais certainement pas sur un débat au ras des pâquerettes d’où l’on sent suinter que de la haine et des rancœurs. Vivement le « projet », toujours en projet afin qu’on sache l’orientation dans la gouvernance de Diomaye Faye.