NETTALI.COM - Le débat sur une probable dissolution de l’Assemblée nationale et sur une éventuelle motion de censure secoue le pays, après le rejet du projet de loi portant suppression du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et du Haut Conseil des collectivités territoriales (HCCT).
La situation politique au Sénégal semble sens dessus dessous. Notamment avec l’échec de la suppression du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et du Haut Conseil des collectivités territoriales (HCCT), la motion de censure déposée par les députés de l’ex-coalition au pouvoir Benno Bokk Yaakaar (BBY) et la menace du Premier ministre de dissoudre l'Assemblée nationale.
Ce dernier, en l'occurrence Ousmane Sonko, jusqu’à présent, n’a pas encore fait sa déclaration de politique générale, malgré la mise à jour du règlement intérieur de l'hémicycle.
Une situation qui oblige des personnalités publiques à sortir de leur réserve.
“L'Assemblée nationale dissoute ne peut se réunir. Toutefois, le mandat des députés n'expire qu'à la date de la proclamation de l'élection des membres de la nouvelle Assemblée nationale”. Birahime Seck du Forum Civil souligne ce dernier alinéa de l'article 87 de la Constitution, pour s’interroger sur l'utilité de dissoudre l'Assemblée nationale pour après se retrouver dans une situation juridique complexe. “Certains diront que le président de la République peut gouverner par décret. Il faut rappeler que selon l'article 68 de la Constitution, l'Assemblée nationale vote les projets de loi de finances. Et pour gouverner par ordonnance, il faut une loi d'habilitation, comme le précise l'article 77 de la Constitution : ‘L'Assemblée nationale peut habiliter par une loi le président de la République à prendre des mesures qui sont notamment dans le domaine de la loi’, fait-il remarquer.
Il note que la possibilité offerte au président de la République de faire entrer en vigueur par décret le budget est la situation où “le projet de loi de finances n'est pas voté définitivement à l'expiration du délai de soixante jours” (alinéa 5 de l'article 68 de la Constitution).
Avec ce cas de figure, dit-il, “le président de la République est autorisé à reconduire par décret les services votés” (avant-dernier alinéa de l'article 68 de la Constitution), alors que nous sommes à l'ère du vote du budget par programme. “Un programme regroupe des crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions représentatif d'une politique publi- que clairement définie dans une perspective de moyen terme” (alinéa 4 de l'article 12 de la loi n°2020-07 du 26 février 2020 relative à la loi organique relative aux lois de finances).
Birahime Seck relève que, selon l'article 12 de la loi organique sur les lois de finances, “les lois de finances répartissent les crédits budgétaires qu'elles couvrent entre les différents ministères et les institutions. À l'intérieur des ministères, les crédits sont décomposés en programme, sous réserve des dispositions de l'article 14 de ladite loi de finances”. Et que le Code de transparence dans la gestion des finances publiques renforce aussi la légitimité de l'Assemblée en matière budgétaire. Selon le point 3.2 de l'annexe unique de la loi n°2012-22 du 27 décembre 2012, “l'Assemblée nationale délibère chaque année sur le projet de budget de l'État et sur l'exécution du budget...”.
En somme, M. Seck note que “constitutionnellement, le président de la République peut dissoudre l'Assemblée nationale, mais le droit budgétaire sera dans une situation de grippe juridique complexe”.
TAS : “Diviser pour mieux régner”
L’opposant Thierno Alassane Sall, député et président du parti République des valeurs/Réewum Ngor (RDV), lui, considère que le chef de l’État et son Premier ministre “appliquent la vieille solution : diviser pour mieux régner”. “Le président Diomaye Faye, dans le rôle qu’il s’est assigné dans le duo de Bad Cop-Good Cop, va nous jouer la petite musique des regrets, tout en poursuivant le plan que le Pastef a concocté pour asseoir, à tout prix, un pouvoir total”, dit-il.
“Si les Sénégalais ont donné au nouveau président de la République les moyens d’ouvrir une nouvelle ère démocratique, Diomaye Faye entreprend des actions qui contribuent à aggraver les tensions”, estime TAS.
La dissolution de l’Assemblée nationale, annoncée par le Premier ministre, serait la prochaine escalade. Pour Thierno Alassane Sall, ce que cherche Ousmane Sonko dans sa volonté de dissoudre l'hémicycle, c’est de désorganiser les élections législatives qui s’annoncent comme “les plus chaotiques de notre histoire”.
En effet, se demande-t-il, “comment organiser en 60 jours ou 90 jours maximum le parrainage, son contrôle, la période de contentieux et la campagne électorale, avec, de surcroît, un effet de surprise si ce n’est dans le chaos et la confiscation de la démocratie ? Quelle crise justifie une si dangereuse précipitation ?”.
D'ailleurs, aux yeux du président de la République des valeurs, le rejet du projet de suppression du HCCT et du CESE, ainsi que la motion de cen- sure, offre un prétexte bien opportun.
Alioune Tine : “Il faut de la sérénité.”
De son côté, Alioune Tine dénonce la logique de l’insurrection et de la contre-insurrection, invitant les partis politiques à l'autocritique. “Au regard des événements tragiques qui ont amené la République, la démocratie, l’État de droit et les droits humains, au regard d’un processus électoral chaotique où les leaders ont quitté la prison pour le palais après une logique d’insurrection et de contre-insurrection, que doit-on attendre de certains partis et coalitions ? Sinon une profonde introspection, faire l’état des lieux, faire l'auto-critique, si c'est nécessaire, pour ne plus faire subir au peuple sénégalais les événements qui auront vivement secoué le pays et certaines coalitions”, déclare-t-il.
Alioune Tine constate une transition toujours tumultueuse et demande d’éviter que les législatives le soient aussi. “Il faut de la sérénité. La réponse du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye va dans le sens de mettre la balle à terre. Les autres doivent suivre. Livrer un baroud d’honneur qui va encore plonger les attentes et, pire, les problèmes des Sénégalais, a-t-il vraiment un intérêt politique ? Il est temps pour nous tous d'opérer la rupture. Mettre le Sénégal au-dessus”, invite-t-il.