NETTALI.COM - À la suite de la sortie du gouvernement, le journal “EnQuête” a essayé d’avoir quelques éclairages sur des aspects plus ou moins techniques. Des sources proches des régies financières imputent tout à des pratiques qui, certes, peuvent ne pas être orthodoxes, mais auxquelles tous les gouvernements ont recours pour gérer les indicateurs macro-économiques et continuer à jouir de la confiance des marchés.
La sortie du Premier ministre sur la situation économique et financière ne fait pas l’unanimité dans les régies financières. Alors que certains saluent un exercice de vérité, d’autres relèvent que les choses ont toujours marché de la sorte ; qu’en réalité, on ne peut parler a priori de détournement de deniers publics, mais de techniques pour avoir une maitrise sur les indicateurs, en vue de continuer à bénéficier de la confiance des marchés.
Cet agent explique : “en vérité, il y a deux camps et ça ne date pas d’aujourd’hui. Un camp qui disait qu’il faut gérer la situation parce qu’on le fait depuis plusieurs années ; parce que sinon, il y aura des conséquences néfastes pour les populations. Un autre camp qui a toujours soutenu qu’il faut tout mettre sur la table. Le Premier ministre en a d’ailleurs parlé. Seulement, la situation est telle, il s’est dit peut-être que s’il ne dit rien, cela va lui tomber dessus. C’est peut-être pourquoi il a voulu rompre avec cette méthode qui a toujours été là.”
Nos sources sont largement revenues sur les différentes récriminations du Premier ministre. Sur le surfinancement, elles expliquent qu’il s’agit, en réalité, de 604,8 milliards. Il était convenu, avec le FMI, de dépasser l’autorisation de 604,8 milliards. “C’est connu depuis novembre 2023, parce que ça devait servir à payer le service de la dette de janvier, février et mars. Et comme ça devait payer le service de la dette, ce surfinancement sur cette période, ils ne devaient pas le trouver sur place. C’est la première erreur. C’est-à-dire qu’au 2 avril, il ne devrait pas y avoir de surfinancement dans les caisses de l’État”.
Mais où sont donc allés les 604,8 milliards en question ? Selon nos sources, ce n’est pas exact de dire que les gens ne savent pas où est passé le montant. Une partie est allée aux subventions à l’énergie, comme ils l’ont dit eux-mêmes ; une autre a servi à payer la dette. “L’argent ne peut pas disparaitre comme ça. Le Trésor est en mesure de dire où sont passés les fonds et il l’a dit. La loi de règlement 2023 a été élaborée et transmise à l’Assemblée nationale et à la Cour des comptes, y compris l’utilisation des 604,8 milliards. Ce n’est pas quelque chose qui peut disparaitre” renseignent nos interlocuteurs.
Dans le même sillage, il a été abordé la question de la dette bancaire non retracée dans la dette publique globale. Là également, nos sources, tout en reconnaissant que tout n’est pas orthodoxe dans les pratiques, soulignent qu’on ne peut pas parler systématiquement de détournement. La source explique : “Il faut retenir deux choses. La dette officielle du Sénégal et d’un pays, c’est l’émission de titres publics : bons du Trésor ou obligations sur les marchés financiers et sur les marchés de capitaux. De plus, il y a la dette extérieure : eurobonds, Banque mondiale, FMI, dette bilatérale… Par exemple, on prend le projet de collecteur Hann- Fann. C’est programmé dans le budget de l’État en disant ‘Programme de collecteur Hann-Fann’, avec le montant qu’on doit rembourser. Mais on ne le met pas dans la partie dettes. Rigoureusement, cela devait être inclus dans la dette au lieu de la dissimuler dans le budget. Mais il faut jouer sur les concepts. La définition de la dette, c’est l’émission de titres publics. Ici, on est dans le projet. Les régies ont ainsi préféré le programmer dans le budget de l’État pour éviter de faire exploser les ratios de dette. Et cela existe depuis longtemps. Il ne s’agit nullement de disparition de fonds.”
Cheikh Diba, Maguette Niang et FMI au banc des accusés
Revenant sur le déficit budgétaire, nos sources ont tenté d’expliquer d’où vient la différence très importante. À les en croire, tout est question de manipulations dans le tableau des opérations financières et tous les pays le font. “On parle de plus de 1 800 milliards de dettes non retracées. Vous savez, la procédure dans les prêts projets, c’est l’entreprise qui réalise des travaux qui fait sa facture. Après, les services du ministère font la préparation et transmettent à la direction en charge de l’ordonnancement. Laquelle va ordonnancer pour permettre aux bailleurs de payer. Il ne saurait y avoir de fonds non retracés. Le problème est que pour ne pas exploser certains indicateurs, parfois, certaines interprétations permettent de jouer sur les tableaux. C’est aussi simple que ça”, renseigne un de nos interlocuteurs qui précise que pour faire exploser la dette, il a aussi été comptabilisé le surfinancement de 604,8 milliards ainsi que les prêts contractés pour réaliser de nombreux projets qui ne sont pas encore exécutés.
Depuis hier, ils sont nombreux les observateurs et experts à se demander "comment les institutions de Bretton Woods ont pu ignorer ces réalités. Aussi, ils sont nombreux à se demander comment l’actuel régime peut charger les anciens ministres en laissant en rade l’actuel ministre des Finances qui était chargé de la programmation budgétaire, mais aussi l’ancien directeur du Budget qui est toujours au coeur du système. C’est d’autant plus incongru, renseigne-ton, que ce sont les services même qui envoient les données au FMI et non le ministre. Malheureusement là, on est en train de fragiliser ces services", met-on en garde, tout en assurant que cela va avoir des conséquences graves sur la signature du Sénégal.