CONTRIBUTION - Le premier ministre Ousmane Sonko semble avoir trouvé sa nouvelle marotte pour la campagne des législatives du 17 novembre : l'état des finances du Sénégal. Avec son habituel sens du drame, il nous peint un tableau si sombre qu'on pourrait se croire spectateurs d’un film catastrophe.
“Le Sénégal est hyper endetté, le déficit budgétaire est abyssal !” – à l'entendre, on pourrait croire que le pays est à deux doigts de sombrer dans une situation apocalyptique. Vous avez aimé “Titanic”, vous allez adorer “Le Sénégal, dans les abysses financières” !
Si notre pays est état de cessation de paiement, comme il le dit, c’est à lui d’éviter le dépôt de bilan et de redresser les comptes. Pourquoi aurait-il été élu sinon, à moins qu’il ait cru que c’était pour inaugurer les chrysanthèmes. Le premier ministre, visiblement, veut faire de ce discours à la noirceur de l’ébène son cheval de bataille. On l’imagine déjà en campagne, martelant son message : “Votez pour moi, je suis le seul à savoir à quel point ça va mal !”
Cette stratégie n’est pas audacieuse, elle est cynique, transformer la dette du pays en atout électoral, c’est comme essayer de vendre une voiture en insistant sur le fait que le moteur est cassé, mais sans proposer de mécanicien pour la réparer. Ce n’est pas digne d’un chef de gouvernement. Sil continue comme ça, on finira par se demander s’il y a un pilote dans l’avion.
A l’évidence Ousmane Sonko par ses déclarations cherche à mobiliser les frustrés et les déçus. Mais soyons honnêtes, si c’était aussi simple de crier “La dette ! La dette !” pour tout régler, on pourrait tous s’improviser experts économiques. Sauf qu’à part semer l'inquiétude et faire fuir les investisseurs plus vite que des moustiques à la citronnelle, ça ne sert à rien.
Bien sûr, Sonko espère ainsi se démarquer dans la course, mais attention : à force de crier au loup (ou plutôt à l’insolvabilité), il risque de se retrouver à devoir gérer une situation difficile s'il devait passer de la tribune à l’assemblée nationale. Les électeurs, eux, attendent plus que ce tour de passepasse économique. Ils veulent savoir comment il compte sortir notre pays du “trou noir” qu'il décrit et pas simplement leur dire qu'ils vont devoir s'y habituer. C’est, ni plus, ni moins qu’un cautère sur une jambe de bois !
Ousmane Sonko veut faire de l’économie son terrain de jeu pour les élections à venir. Il ferait bien de se souvenir que si “la critique est facile, l’art de gouverner est difficile”, or il n’est plus l’opposant d’hier mais un dirigeant aujourd’hui, autrement dit quelqu’un aux responsabilités.
On attend de lui des perspectives, des solutions concrètes et pas un discours alambiqué, destiné à anesthésier les sénégalais et les détourner de la réalité, au risque que ceux-ci ne sifflent rapidement la fin de la récréation et le ramènent aux dures réalités du terrain.
IBRAHIMA THIAM, SENEGAAL KESE