NETTALI.COM - Comme annoncé par Nettali.com, hier, la coalition dirigée par l’ancien président de la République, Macky Sall, a déposé un recours devant le Conseil constitutionnel contre Ousmane Sonko. Nous vous livrons, in extenso, le contenu de la requête.

« Réclamation au Conseil Constitutionnel

Article Lo 184 du Code électoral

REQUÉRANT :

Monsieur Maguette SY, consultant, Mandataire National de la coalition Takku Wallu Senegal aux élections législatives anticipées du 17 Novembre 2024 ;

Ayant pour conseils constitués :

- Me El Hadji Amadou SALL,

- Me El Hadji Moustapha DIOUF,

- Me El Hadji Oumar YOUM, avocat à la cour

- Me Antoine MBENGUE, avocat à la cour,

- Me Moustapha MBAYE, avocat à la cour

- Me Aboubakri DEH, avocat à la Cour, Saly Sapco, Saly Portudal, MBOUR,

- Me Adama FALL, avocat à la cour, mais faisant élection de domicile en l’étude de Me Antoine MBENGUE, avocat à la cour, 15 Boulevard Djily MBAYE, Immeuble KHEWEUL à Dakar ;

CONTRE : Monsieur Ousmane SONKO, candidat et tête de liste investi sur la liste nationale de la coalition PASTEF aux élections législatives anticipées du 17 novembre 2024

Défendeur : demeurant à Dakar Cité Keur Gorgui ;

  1. RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Attendu que par arrêté N° 14 -2024, le Ministre en charge des élections a procédé à la publication des listes des candidats aux élections législatives du 17 Novembre 2024.

Que figure sur la liste de la coalition PASTEF, le candidat Ousmane SONKO.

Que par les présentes, les contestations ci-après sont portées contre sa candidature et pour les raisons qui suivent :

  • Inéligibilité pour état de contumace
  • Inéligibilité pour condamnation définitive à une peine de 06 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 200.000 Frs
  1. SUR LA RECEVABILITE DE LA RECLAMATION DEVANT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Attendu qu’il résulte de l’article LO 184 du Code Électoral que :

« En cas de contestations d’un acte du ministre chargé des élections pris en application des article L179, L180 et LO183, les mandataires des listes de candidats, peuvent, dans les vingt-quatre heures suivant la notification de la décision ou sa publication, se pourvoir devant le conseil constitutionnel qui statue dans les trois jours qui suivent celui de l’enregistrement de la requête. »

Attendu qu'il n'est pas contesté que le requérant est mandataire de la coalition Takku Wallu SENEGAL

Que la requête a été introduite dans les formes et délais de la loi.

Qu’il échet en conséquence de la déclarer recevable en la forme.

  1. SUR LA DISCUSSION EN DROIT AUTOUR DES MOYENS DE LA RECLAMATION

A- SUR L’INELIGIBILITE POUR ETAT DE CONTUMACE ARTICLE 312 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

Attendu qu’il est constant que par jugement N67 en date du 1er juin 2023, la chambre criminelle du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar, statuant par contumace contre Ousmane SONKO, l’a déclaré coupable de corruption de la jeunesse et condamné à une peine d’emprisonnement de deux ans ferme.

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 307 du Code de Procédure Pénale que : «les accusés non détenus, s’ils ne déférent pas à la citation prévue à l’article 257 du présent code, sont jugés par contumace par la chambre criminelle. »

Que la loi attache des effets à la condamnation par contumace ;

Qu’ainsi, il résulte des dispositions de l’article 312 du code de procédure pénale qu’« à partir de l’accomplissement des mesures de publicité le condamné est frappé de toutes les déchéances. »

Qu’en droit, la déchéance est la perte d’un droit, d’une fonction, d’une qualité ou d’un bénéfice, encourue à titre de sanction pour cause d’indignité, d’incapacité, de fraude, d’incurie…

Qu’en matière électorale, toute personne frappée d’une condamnation emportant déchéance, est privée de plein droit de sa qualité d’électeur et d’être éligible.

Qu’il importe de souligner que cette déchéance n’est soumise à aucune procédure particulière et qu’elle découle simplement de la persistance d’un état, celui de contumace

Que c’est tout le sens de l’article L29 du code électoral qui dispose :

« Ne doivent pas être inscrit sur les listes électorales

…..

4em Ceux qui sont en état de contumace. »

Qu’il n’est pas contesté qu’au regard des articles 307 et 312 du Code de Procédure Pénale, Ousmane SONKO est un contumax frappé de toutes les déchéances, notamment l’inéligibilité

Qu’il échet en conséquence de constater l’état de contumace de Ousmane SONKO, de dire et juger qu’il est inéligible.

En conséquence, déclarer nulle et de nul effet la liste de la coalition PASTEF aux législatives du 17 Novembre 2024 et/ou en tirer toutes les conséquences de droit résultant de l’inéligibilité de Monsieur Ousmane SONKO ;

B- SUR L’INELIGIBILITE POUR CONDAMNATION DEFINITIVE A PEINE DE 06 MOIS D’EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS ET D’UNE AMENDE DE 200.000 FRS

Attendu que par arrêt en date du 08 Mai 2023, Ousmane SONKO a été condamné par la Cour d’Appel de Dakar pour diffamation à une peine d’emprisonnement de six mois assortis du sursis, ainsi qu’à une amende de 200.000 Frs, le tout sous le bénéfice de la contrainte par corps au maximum.

Qu’il n'est pas contesté non plus que par Arrêt en date du 04 Janvier 2024, la Cour Suprême statuant sur le recours formé par Ousmane SONKO a rendu la décision dont la teneur suit :

« Déclare recevable le pourvoi de Ousmane SONKO contre l’arrêt N°137 du 08 Mai 2023 rendu par la Cour d’Appel de Dakar.

Déclare par contre irrecevable le mémoire du prévenu déposé le 27 Octobre 2023 relatif à l‘exception d’inconstitutionnalité de l’article 260 du Code Pénal et dit, en conséquence, n’y avoir lieu à surseoir à statuer pour transmission de l’exception au conseil constitutionnel ;

Déclare fondée la troisième branche du premier moyen tiré de la violation de l’article 711 du Code de Procédure Pénale.

Casse et annule l’arrêt attaqué sur ce point, mais dit que la cassation sera sans renvoie et qu’il sera procédé par voie de retranchement pour réparer l’illégalité portant sur la condamnation à la contrainte par corps du prévenu, toutes autres dispositions étant expressément maintenues. »

Que cet arrêt consacre au préjudice de Ousmane SONKO, une condamnation pénale définitive de 6 mois d’emprisonnement avec sursis et d’une amende ferme de 200.000 Frs.

ATTENDU qu’il résulte de l’article L30 du Code Electoral que :

« Ne doivent pas être inscrits sur la liste électorale pendant un délai de 5 ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, les condamnés soit pour un délit visé à l’article L29 troisième tiret à une peine d’emprisonnement sans sursis égale ou supérieure à un mois et inférieure ou égale à trois mois ou à une peine d’emprisonnement avec sursis égale ou supérieure à trois mois et inférieure ou égale à six mois soit pour un délit quelconque à une amende sans sursis supérieure à 200.000 Frs sous réserves des dispositions de l’article L28.»

Qu’il ressort clairement de ce texte que la condamnation par Ousmane SONKO à six mois d’emprisonnement assortis du sursis et à une amende de 200.000Frs constitue un obstacle à son éligibilité pour les élections législatives du 17 Novembre 2024.

Que vainement il pourrait être soutenu que les effets de la condamnation susvisée peuvent être anéantis du fait que la loi d’amnistie N° 2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie des infractions criminelles et correctionnelles commises entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 pourrait trouver matière à application ;

Que ce serait à tort et vainement de soutenir pareille argumentation ;

Qu’en effet, les dispositions univoques de l’article 1er de la loi d’amnistie excluent les faits ayant entrainé la condamnation de sieur Ousmane SONKO aux peines susvisées sont exclus de son champ d’application ;

Que l’article 1er dispose : « Sont amnistiés, de plein droit, tous les faits, susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelles, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant une motivation politique, y compris celles faites par tous supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non » ;

Qu’il ne fait aucun doute qu’une infraction contre un particulier ne saurait avoir une motivation politique dès lors qu’elle vise et porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne physique ou morale et ne saurait, non plus, constituer l’expression d’une opinion politique ;

Qu’une opinion politique est consubstantielle des libertés publiques et n’est constitutive d’une infraction que lorsque son expression est hors des limites fixées par la loi ;

Qu’il est tout à fait vain d’induire une infraction à caractère politique de faits constitutifs d’infraction contre les particuliers ;

Qu’au demeurant l’exposé des motifs de la loi d’amnistie vise « …des infractions criminelles et correctionnelles ayant un lien avec des évènements politiques conflictuels » ;

Que naturellement, les faits d’injures ou de diffamation contre un particulier, ou de viol ou d’agression, ne sauraient être considérés avec un lien avec des «évènements politiques conflictuels » ;

Qu’il s’y ajoute que les dispositions univoques de l’article 160 empêchent de façon absolue l’inscription de sieur SONKO sur les listes électorales et la « sentence » y contenue est formelle : « sont inéligibles les individus condamnés, lorsque leur condamnation empêche d’une manière définitive leur inscription sur une liste électorale. Les individus dont la condamnation empêche temporairement l’inscription sur une liste électorale sont inéligibles pendant une période double de celle durant laquelle ils ne peuvent être inscrits sur la liste électorale… » ;

En définitive, sur cette question, le débat est clos lorsque le Conseil lui-même écrit exactement ceci : « Considérant qu’aux termes de l’article L 125 du Code électoral -pour s’assurer la validité des candidatures déposées (…) le Conseil constitutionnel fait procéder à toute vérification qu’il juge utile- ; que par arrêt N° 1 du 4 janvier 2024, transmis par la Cour suprême, celle-ci a rejeté le pourvoi d’Ousmane SONKO dirigé contre l’arrêt n° 137 du 8 mai 2023 rendu par la première chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de de Dakar dans la procédure de diffamation qui l’opposait à Mame Mbaye Kan NIANG ; qu’il en résulte qu’Ousmane SONKO se trouve définitivement condamné à une peine d’emprisonnement de 6 mois avec sursis ; que cette condamnation le rend inéligible pour une durée de 5 ans en application de l’article L 30 du Code électoral » ;

qu’outre ce qui est dit sur l’inapplication de la loi d’amnistie aux faits ayant entrainé la condamnation de sir Ousmane SONKO, le caractère définitif de sa condamnation n’est pas et ne saurait être contesté ;

C- SUR L’ANNULATION DE LA LISTE NATIONALE DE PASTEF

Attendu que l’article 183 du Code électoral, dont le délai est juste modifié par le décret convoquant les électeurs, précise sans équivoque que le Ministre chargé des élections arrête et publie les déclarations reçues, modifiées éventuellement, compte tenu des dispositions des articles L 179 et L 182 ;

Que l’article 179 aux dispositions desquelles renvoie l’article L183 précise que les opérations de contrôle et de régularisation doivent être effectuées par la commission de réception et le tout avant la publication des listes ;

Qu’il est établi que le mandataire de la liste PASTEF n’a fait aucune contestation relative à l’inéligibilité de Ousmane SONKO ;

Qu’ainsi donc son inéligibilité rend la liste PASTEF incomplète, donc irrecevable ;

Qu'en conséquence, il échet de déclarer nulle et de nul effet la liste au scrutin national de la coalition PASTEF aux élections législatives du 17 Novembre 2024.

PAR CES MOTIS

Le requérant sollicite du Conseil Constitutionnel :

-Déclarer OUSMANE SONKO inéligible aux élections législatives du 17 Novembre 2024

-Déclarer nulle et de nul effet la liste de candidats au scrutin national de la coalition PASTEF pour les élections législatives du 17 Novembre 2024.

SOUS TOUTES RESERVES

POUR RÉCLAMATIONS

DAKAR, LE 07 OCTOBRE 2024

Me Antoine MBENGUE