NETTALI.COM – « Je tiens à préciser devant tout le monde qu’il n’y a aucun scandale», a d'emblée déclaré le Premier ministre Ousmane, comme pour adouber le directeur général de l’ASER, Jean Michel Sène, qu’il décrit comme un modèle de rigueur et de transparence pour la jeunesse sénégalaise.

Le PM est même allé plus loin puisqu’il a salué son courage et son engagement en faveur de la transparence dans la gestion des affaires publiques.

 «Lorsque Jean Michel a été nommé, il a découvert des marchés comportant des commissions et des surfacturations. Au lieu des 1 000 électrifications prévues, seulement 600 avaient été réalisées. Grâce à son travail, il a renégocié ces contrats, permettant ainsi au Sénégal de réaliser plus de 1 000 électrifications. C’est ça, le patriotisme », a-t-il ajouté.

Dans son discours au Dakar Arena, Ousmane Sonko a également souligné les défis auxquels Jean Michel a été confronté depuis sa prise de fonction. Il a réaffirmé sa conviction qu’il n’y a « zéro scandale ASER » et a remercié le jeune directeur général pour son intégrité.

Selon le PM, « l’essentiel est d’accompagner le gouvernement dans sa vision en se concentrant sur des questions d’urgence, plutôt que de se laisser distraire par des scandales imaginaires», insistant sur la nécessité de faire face à ces accusations infondées et a encouragé les Sénégalais à se focaliser sur les véritables enjeux qui touchent le pays.

De même, il a accusé l’opposition de vouloir politiser l’affaire. «Depuis qu’on est venu, il y a deux arguments qu’ils essaient d’utiliser, c’est de faire croire aux Sénégalais qu’il y a des scandales dans notre Gouvernement. Il n’y a aucun scandale dans notre Gouvernement. Il y a zéro scandale dans le dossier de l’Onas avec Cheikh Tidiane Dièye (ministre de l’Hydraulique et de l’assainissement) encore moins dans celui de l’Aser avec Jean Michel Sène», soutient Ousmane Sonko.

Un spectacle tout simplement affligeant qui a lieu le samedi 19 octobre à la salle de basket Dakar-Arena de Diamaniadio où se tenait unmeeting de fundraising du parti Pastef en direction des législatives anticipées.

De voir Ousmane Sonko tenir son micro et blanchir en direct l’actuel directeur général de l’Agence sénégalaise d’Electrification rurale (ASER) et le ministre de l’Assainissement dans l’affaire de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (ONAS), avait de quoi étonner et couper le souffle. Qui l’aurait cru de sa part ?   Tel un juge en tout Ousmane Sonko a lu une sentence sans appel, alors qu’une enquête est en cours.

La question est dès lors de savoir comment celui qui a crié sur tous les toits et dénoncé le pillage des ressources publiques durant la gouvernance de Macky Sall, a-t-il pu se comporter de la sorte ? Macky Sall, rappelons-nous, c’est ce cher ex président qui avait osé balancer publiquement et sans scrupule aucun, avoir posé son coude sur certains rapports.

Et voilà maintenant que celui qui est passé dans l’esprit de beaucoup de ses inconditionnels comme Monsieur propre, nous sert un discours aussi indigeste qu’incompréhensible.

Rien que ce slogan martelé dans tous les cerveaux des Sénégalais, le Jub Jubal Jubanti, - qui exprime la droiture dans toute sa splendeur - aurait dû le dissuader de faire une telle sortie de route, surtout au moment où l’ancien directeur général de l’ONAS, Cheikh Dieng a été convoqué une première fois et est retourné à la section de recherches où il a été une seconde fois confronté au Directeur administratif et financier de l’Onas et au responsable du projet Hann-Fann, si on en croit le journal Libération qui a barré l’info à sa Une du mercredi 23 octobre. De même l’on peut s’étonner qu’il fasse une telle sortie au moment où l’Arcop a demandé la suspension du contrat de l’Aser.

Lors du meeting organisé ce samedi 19 octobre, le Premier ministre Ousmane Sonko était en tout cas en roue libre et ne s’est à aucun moment gêné pour se prononcer sur les scandales présumés qui alimentent actuellement l’actualité politique, notamment ceux liés à l’Agence sénégalaise d’électrification rurale (ASER) et à l’Office national de l’assainissement du Sénégal (ONAS).

Et même si l’affaire Onas qui avait connu son moment d’effervescence, s’est un peu tassée, ce dossier Aser, entouré d’un grand flou est, elle, toujours au-devant de la scène médiatique, alors que la presse évoque près de 37 milliards FCfa versés à titre d’avance de démarrage du projet pour l’exécution du marché d’électrification rurale qui lie la société espagnole Aee Power Epc et l’Agence nationale d’électrification rurale (Aser).

En effet, à la suite de la saisine de la société Aee Power Sénégal, qui dénonce une violation des clauses contractuelles et d’obligations dans le cadre du marché public d’électrification rurale dans les régions de Kaffrine, Saint-Louis, Kédougou, Louga et Tambacounda, le Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics (Arcop) avait suspendu le marché.

Une position du Premier ministre, dans un dossier aussi sensible, qui est toutefois loin de rassurer les défenseurs de la bonne gouvernance.

Pour le Coordonnateur du Forum civil, Birahime Seck, dans ce genre d’affaires, le Premier ministre devait rester à sa place de chef du Gouvernement et laisser la Justice faire son travail. Mais, il ne lui appartient pas de se substituer à la Justice.

«Monsieur Ousmane Sonko, pas vous ! Le scandale dit de l'Aser est consommé depuis que le Directeur général a accepté de "renégocier" sur des irrégularités de surfacturations constatées. Des infractions, on les sanctionne, mais on ne cherche pas à les effacer ou corriger par une quelconque "renégociation"», a écrit Birahime Seck sur son compte X (ancien réseau social Twitter).

Le Coordonnateur du Forum civil explique que quand un Directeur général vient dans une entreprise et constate qu’il y a un marché qui a été passé par la procédure d’offre spontanée négociée, le principe de précaution voudrait qu’il fasse très attention. Parce que souvent, souligne-t-il, les marchés passés sous l’emprise de l’offre spontanée, surtout négociée, sont souvent piégés et Sonko et ses partisans ont dit qu’ils ont constaté des irrégularités de surfacturation. «Quand on constate des surfacturations, cela veut que la personne contractante était dans une posture de vouloir cannibaliser les deniers publics. Maintenant, comment peut-on renégocier avec quelqu’un qu’on dit qu’il voulait cannibaliser le Trésor public ? On ne négocie pas avec une personne qui veut voler l’argent du contribuable. On la dénonce et on la sanctionne», fait savoir Birahime Seck.

Pour le Coordonnateur du Forum civil, c’est là où le Directeur général de l’Aser a péché. Il a annoncé une renégociation contre quelqu’un qui a voulu cannibaliser les deniers publics. Donc, pour lui le début du scandale, c’est quand on commence à négocier avec quelqu’un qu’on accuse de vouloir cannibaliser les deniers publics. «Dans ce genre d’affaires, il faudrait fondamentalement que chacun reste à sa place. Le Premier ministre reste un Premier ministre et ne peut pas se substituer au travail de la Justice. Il y a certains actes, c’est au Procureur de la République de s’autosaisir et prendre en charge les dossiers et non l’Exécutif», recadre le Coordonnateur du Forum civil.

Non sans souligner que pour le respect des principes de bonne gouvernance et de transparence, au début, il fallait dénoncer le contrat, sanctionner l’entreprise contractante (Aee Power Epc) qui a fait des surfacturations, ensuite casser le marché et lancer une nouvelle procédure. Et si l’Aser avait décidé de saisir la Justice, qu’on la laisse faire son travail. Toujours dans les principes de bonne gouvernance et de transparence dans cette renégociation du contrat, le Coordonnateur du Forum civil a soulevé un autre point. Il espère que cette renégociation a été suivie par un dossier envoyé à la Dcmp (Direction centrale des marchés publics). Parce que, explique-t-il, quand on doit changer les critères financiers d’un marché public, cela doit être sanctionné par un avenant. Et l’avenant doit suivre le même circuit que le marché originel. «J’espère qu’ils l’ont fait», ajoute-t-il.

Pour sa part, l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye, s’inscrit en faux contre la posture adoptée par le président de Pastef, Ousmane Sonko. Pour Abdoul Mbaye, le Premier ministre, Ousmane Sonko ne peut pas substituer au travail de la Justice. Il ne lui appartient pas de déterminer qui est voleur et qui ne l’est pas. Abdoul Mbaye : «Une Justice indépendante dans un pays normal, c’est aussi un pays où le Premier ministre ne décrète pas qui est voleur ou qui est innocent avant le travail de la Justice.»

Ce qu’a fait Ousmane Sonko est tout simplement grave, c’est ce qu’on appelle influencer d’une certaine manière la justice. Une mauvaise habitude prise par le PM depuis son arrivée au pouvoir par lui et par ses ouailles qui ne cessent de menacer les dignitaires de l’ancien régime de poursuites judiciaires ou de les accuser de détournements de deniers publics, sur fond de déclarations intempestives, dont on ne sait même pas si les chiffres fournis et les accusations brandies, sont vraies ou pas. Des sorties qui ont d’ailleurs lieu au moment où un pool judiciaire financier est mis en place pour juger les délits et crimes financiers.

Des accusations qui s’apparentent d’ailleurs à celles qui ont lieu avec celles des « chiffres maquillés » que ne peuvent pourtant certifier que la Cour des comptes, seule institution habilitée.

Bref, l’on nage en plein délire. Ou peut-être que le leader de Pastef qui semble avoir une certaine partie de l’opinion avec lui, veut jouer avec l’usure du temps pour étouffer ces dossiers sur lesquels beaucoup se posent encore et encore des questions. Mais le problème est le suivant : plus il intervient dans ces dossiers, plus la suspicion va augmenter. Et même à supposer qu’il n’y ait pas de scandale comme il l’affirme avec force et que la justice venait à le confirmer, le doute persisterait davantage puisqu’il s’est déjà mêlé du dossier et a eu la posture de défiance qu’il a eu vis-à-vis d’une partie de l’opinion. Bref, on n’est pas sortis de l’auberge. Et le jub Jubal Jubbal ne peut pas qu’être qu’un fantasme, elle devrait aussi être une réalité.