NETTALI.COM - Un Amadou Ba volubile comme rarement on l’a vu, s'est adressé à ses partisans et sympathisants, et peut-être même au-delà. La dernière élection présidentielle, le scrutin législatif, les actes posés par le gouvernement actuel, sa supposée fortune, sa qualité de formateur de générations d'inspecteurs des impôts et domaines (parmi lesquels Ousmane Sonko), son appréciation de l'agenda 2050, entre autres, presque tous les les sujets ont été abordés par l'ancien Premier ministre qui s'est voulu le plus exhaustif possible, le lundi 21 octobre, dans les locaux de son allié socialiste, la maison du parti.
À moins d'un mois des élections législatives anticipées, Amadou Ba est enfin sorti de son silence. L'ancien Premier ministre n'y est pas allé par quatre chemins pour inviter le peuple sénégalais “à ne pas se laisser tromper par des discours de division ou des manoeuvres de dénigrement”.
“Il ne faut pas leur donner une majorité à l’Assemblée nationale..."
L'ancien homme fort du régime de Macky Sall appelle ainsi les futurs électeurs à ne pas confier tous les pouvoirs à Pastef. “Notre pays a besoin de dirigeants qui respectent la vérité, des dirigeants capables de répondre aux aspirations de notre peuple avec compétence, vertu et empathie. Nous sommes à un moment crucial de notre histoire. Les populations doivent reprendre le pouvoir, car il leur appartient. Il est essentiel de ne pas permettre au pouvoir actuel de monopoliser tous les leviers de décision”.
Amadou Ba le répète sans détour : “Il ne faut pas leur donner une majorité à l’Assemblée nationale. Le Sénégal a besoin d’une représentation forte, indépendante et capable de proposer des alternatives solides pour sortir de l’impasse actuelle. Nous avons l’occasion historique d’apporter des correctifs pour une trajectoire apaisée et réussie de notre nation. Les prochaines élections législatives nous en donnent l’opportunité.” C'était l'occasion, pour le candidat malheureux au scrutin du 24 mars dernier, d'expliquer son mutisme depuis tout ce temps. Amadou Ba estime avoir “choisi librement de garder le silence”.
Amadou Ba relève "le surplace, la pilotage à vue, l'intidimidation, la division..." de l'actuel gouvernement
Toutefois, l'ancien PM s'est voulu un peu plus clair en indiquant que ce moment de souffle était tout sauf de “l’indifférence”. Il donne de plus amples explications à ce sujet. “J’ai volontairement refusé de multiplier les interventions publiques pour leur laisser le temps de s’installer, de prendre connaissance des dossiers et surtout de présenter leur vision pour sortir le Sénégal des difficultés croissantes auxquelles il est confronté”.
Cependant, pour Amadou Ba, ce temps de grâce est désormais arrivé à son terme. Ses propos illustrent à suffisance le sentiment de la tête de liste de coalition Jamm Ak Njerign. “Aujourd'hui, il est clair que nous sommes dirigés par un gouvernement qui n’arrive pas à prendre la pleine mesure des enjeux. Depuis son installation, qu'avons-nous vu ? Du surplace, du pilotage à vue, des promesses sans lendemain et surtout l'absence de solutions concrètes pour répondre aux préoccupations urgentes de notre peuple. Et pendant ce temps, les problèmes persistent et s’aggravent”.
À en croire Amadou Ba, le régime actuel se trompe juste de priorités. “Au lieu de s’attaquer aux vrais défis, l’équipe actuelle préfère la menace, l’intimidation et la division. Elle cherche à faire taire les voix discordantes plutôt que de rassembler et de construire un avenir commun. Le peuple sénégalais mérite mieux que cela. Le pouvoir ne s’exerce pas dans la peur ou la contrainte. Le pouvoir s’exerce dans le dialogue, la concertation et l'action au service du bien commun. En République et en démocratie, le pouvoir s’exerce par la persuasion et non par la terreur”.
Sur la supposée falsification des chiffres
Faisant allusion à cette histoire de falsification des chiffres de la dette, Amadou Ba a apporté des éléments de réponse. “Tout au long de ma carrière, j’ai toujours servi le Sénégal avec rigueur, transparence et intégrité. Aucun acte, aucune écriture ne peut m'être imputée dans quelque gestion frauduleuse ou malversation que ce soit. Et je le dis avec foi, fermeté et solennité : je n'ai jamais été ‘épinglé’ dans aucun rapport d'audit. J'ai servi mon pays dans le respect strict des règles de bonne gouvernance et je rends grâce à Dieu pour cela”.
L'ancien directeur général des Impôts et des Domaines de renchérir : “Aujourd'hui, certains m’accusent sans apporter la moindre preuve concrète. Il est facile d’accuser sans fondement, mais la vérité demeure : je n’ai jamais falsifié les statistiques budgétaires. Et je nourris un doute profond sur la véracité de ces allégations. Il m’a été reproché des faits prétendument couverts par un rapport d’audit sur la période 2019- 2023. Je tiens à rappeler une évidence : de 2019 à 2023, je n’étais plus ministre des Finances.”
Dans cette même optique de se laver à grande eau, il a botté en touche toutes ces “accusations d’accaparement de biens publics” Selon lui, tout ceci relève juste de “la pure calomnie et du dénigrement”.
Haussant un peu plus le ton, Amadou Ba a fait savoir qu’il ne comptait plus se laisser faire à ce propos. “Je tiens à rappeler que je ne laisserai aucune diffamation ternir mon nom ni entacher mon parcours. J'ai toujours respecté la loi et les principes de justice, et j’exige que ces principes me soient également appliqués”.
Sur l’Agenda 2050
Dans un autre registre, étant donné que c'est un peu l'actualité, celui qui fut aussi ministre des Affaires étrangères a commenté l'Agenda Sénégal 2050. “Je ne suis pas surpris de voir des similitudes entre la Vision Sénégal 2050 et le PSE, d’une part, ni avec ma déclaration de politique générale ou encore avec certaines de mes propositions de campagne, d’autre part. Cette Vision Sénégal 2050 reprend largement les bases établies par le PSE, à travers ses trois axes. Cette vision de développement, que j’ai pilotée de 2014 à 2019 en tant que ministre des Finances, a permis au Sénégal d’entrer dans une dynamique de croissance soutenue et de transformation économique”.
Mais pour M. Ba, ces “grandes visions comme le PSE ou la Vision Sénégal 2050” ne doivent pas uniquement constituer de simples slogans. En outre, Amadou Ba soutient que la mise en oeuvre de cette nouvelle vision est utopique, “si la situation budgétaire décrite par l’actuel Premier ministre est avérée.
“Les Sénégalais savent qui a trahi qui”
Dans son élan, Amadou Ba a même évoqué le dernier scrutin présidentiel. “En tant que candidat de la majorité sortante, j'ai fait preuve de la plus grande loyauté. J'ai mené ce combat avec détermination, toujours guidé par l'intérêt supérieur de notre pays. Nous avons fondé notre démarche sur la paix, la stabilité et la concorde, des valeurs essentielles pour notre nation. Malgré les accusations grotesques de corruption des juges du Conseil constitutionnel et toutes les tentatives de déstabilisation, j'ai continué à agir avec droiture et fidélité à mes principes”.
L'ancien ministre des Affaires étrangères d'en rajouter une couche : “Pour ma part, je n’ai jamais posé un seul acte de déloyauté. J’ai toujours respecté mes engagements et assumé mes responsabilités. Aujourd’hui, les Sénégalais savent qui a trahi qui.”
Amadou Ba : “Je ne possède pas la richesse qu'on me prête”
L’une des grosses rumeurs qui semblent tout le temps accompagner Amadou Ba concerne sa supposée fortune. L'ancien de l'APR s'est voulu limpide : il est tout, sauf un crésus.
“On m'accuse aussi d’être un fonctionnaire milliardaire. Soyons clairs : je ne possède pas la richesse qu’on me prête et je n'en ai nullement besoin. Mon parcours, mon travail acharné et ma compétence m’ont permis de bien gagner ma vie, comme cela aurait été le cas pour tout honnête serviteur de l'État qui aurait eu la même trajectoire”.
Il ajoute : “J’ai gravi les échelons au mérite, depuis mes débuts comme inspecteur des impôts, jusqu'à mes fonctions de chef du Centre des grandes entreprises, de directeur des Impôts, avant de devenir le directeur général des Impôts et des Domaines pendant sept ans. Ensuite, j'ai eu l'honneur de servir notre pays comme ministre de l'Économie, des Finances et du Plan, pendant six années, puis comme ministre des Affaires étrangères et enfin comme Premier ministre.”
Amadou formateur de Sonko
Évoquant son parcours de formateur à l'École nationale d'Administration, l'ancien PM a révélé que le Sénégal a toujours primé sur tout le reste. “Dans chacune de ces fonctions, j'ai toujours mis l'intérêt du Sénégal au-dessus de tout. J'ai formé des générations d’inspecteurs des impôts, dont l’actuel Premier ministre. Et quand l’actuel président de la République sortait de l’École nationale d’Administration, j'étais déjà le directeur général des Impôts et des Domaines. Naturellement, mon parcours m’a permis de percevoir des revenus proportionnels aux responsabilités exercées”.
Il ajoute : “Ceux qui me critiquent sont aujourd'hui au pouvoir. Je les invite à publier les revenus qu’ils ont perçus tout au long de leur carrière. Ils ont accès aux informations concernant mes propres revenus, disponibles à la Solde et à la Direction générale des Impôts et des Domaines. Qu'ils les publient tous ! Le peuple sénégalais mérite de connaître la vérité, sans ambiguïté ni manipulation.”
Le courage, selon Amadou Ba
Répondant à ceux qui critiquent sa façon de voir la politique, Amadou Ba s'est montré très clair également : “Sachez que si le manque de courage c’est refuser de s'abaisser aux attaques personnelles et aux insultes. Si le manque de courage c'est s’abstenir de polémiquer avec ceux qui, faute d'arguments solides, s'en remettent aux calomnies, alors je manque de courage. Si le manque de courage c'est refuser de se laisser entraîner dans les disputes inutiles. Si le manque de courage c’est choisir le silence face aux diffamations et rester concentré sur les enjeux réels de notre pays, oui, je manque de courage.”
Pour M. Ba, le courage, “c’est défendre ses principes, même dans l'adversité et se tenir droit face aux épreuves. C’est servir son pays avec abnégation et protéger les intérêts publics avec intégrité”.
Amadou Ba dit aussi ce qui suit à ce propos : “Si être courageux c’est avancer résolument vers les objectifs qu'on s’est librement fixés. Si être courageux c’est oeuvrer pour la paix, la stabilité, la cohésion et l’unité du peuple, alors je suis sans conteste, et de loin, le plus courageux d’entre nous. Parce qu’en définitive c’est bien ce dont notre pays a besoin aujourd’hui : la paix, la stabilité et l’unité pour construire un avenir prospère.”