NETTALI.COM - La nomination de Samba Ndiaye, ancien cadre de l’Alliance pour la République (APR) de Macky Sall, au poste de président du Conseil d’administration de la SN-HLM, a provoqué une onde de choc dans les rangs du parti Pastef. Loin d’être une décision unanime, cette nomination est devenue un sujet de discorde entre les membres influents du parti, remettant en question la ligne politique suivie et les alliances nouées dans la course au pouvoir.

Les critiques ont redoublé d’intensité, avec les partisans de Pastef réclamant la démission de Samba Ndiaye, alimentant ainsi une crise qui pourrait bien ébranler la cohésion interne du parti. Hier vendredi 25 octobre, le président Bassirou Diomaye Faye a pris la parole au palais pour s’exprimer sur la polémique entourant cette nomination.

Dans une allocution à la fois ferme et apaisante, Diomaye Faye a exhorté les militants à tourner la page, rappelant que l’objectif du parti est d’unir l’ensemble des Sénégalais derrière un projet de transformation nationale. Selon lui, les erreurs du passé doivent être pardonnées et surpassées dans un esprit de réconciliation nationale, à l’instar d’Ousmane Sonko qui, selon Diomaye, aurait luimême pardonné les critiques du sieur Ndiaye.

Nous venons de loin”, a déclaré le président Faye, évoquant les sacrifices et les épreuves traversées par le parti. “Ousmane Sonko a lui-même annoncé avoir pardonné. Nous devons faire preuve de dépassement et accueillir tous ceux qui croient en notre projet, même ceux qui nous ont critiqués par le passé”.

Pour Diomaye, cette nomination relève d’un choix inclusif, destiné à offrir une chance à chaque Sénégalais de s’intégrer au projet de Pastef.

Ousmane Sonko : un Premier ministre mitigé

Cependant, quelques heures avant cette déclaration, le Premier ministre et président du Pastef, Ousmane Sonko, a adopté un ton plus nuancé. Face au mécontentement crescendo de la base militante, il a tenu à rassurer les partisans en affirmant que “des mesures correctives seraient sans doute envisagées par le président de la République”.

Selon Sonko, cette nomination aurait été suggérée par certains alliés et serait intervenue sans une connaissance approfondie des faits reprochés à Samba Ndiaye. Dans un message adressé à ses militants, le Premier ministre a salué la vigilance de ses partisans, y voyant un signe de “maturité de notre démocratie interne”.

Cependant, il a également rappelé que le parti reste ouvert aux collaborations avec tous les Sénégalais, tout en soulignant son refus de tolérer toute personne ayant participé à une gestion publique scandaleuse ou ayant manifesté une hostilité excessive envers le parti.

Fronde des militants et dissensions internes

Les propos de Sonko n’ont pourtant pas réussi à apaiser l’ensemble des militants. Dans les groupes de discussion et sur les réseaux sociaux, les critiques fusent. Plusieurs sympathisants dénoncent cette nomination comme une trahison des idéaux de Pastef, estimant qu’elle méprise le sacrifice consenti par les militants de longue date. Un membre de la section communale de Pastef/Dakar a même qualifié la décision d”’affront” et de “manque de reconnaissance flagrant”.

Des communiqués officiels, comme celui de la section de Pastef/ Grand-Dakar, ont exprimé une indignation explicite, rappelant les propos injurieux tenus par Samba Ndiaye contre le parti. “Il est tristement connu pour ses attaques verbales répétées, notamment lorsqu’il nous a qualifiés de ‘terroristes”’, souligne un extrait du document.

Cette levée de boucliers démontre une tension sous-jacente, exacerbée par le sentiment de certains militants que les sacrifices qu’ils ont consentis pour Pastef n’ont pas été reconnus. Une affaire qui soulève donc des questions sur les critères de nomination.

Cette sortie publique marque une fracture apparente entre le Premier ministre et le chef de l’État, les deux personnalités semblant adopter des visions divergentes quant à la stratégie d’ouverture du parti.

Pour certains observateurs, cette intervention du président Diomaye s’apparente à un rappel à l’ordre à son Premier ministre et à d’autres cadres, les obligeant à réévaluer leur position sur cette affaire. Ce désaccord au sommet du pouvoir a été exploité par des figures de l’opposition qui n’ont pas hésité à y voir un “dangereux précédent”. Selon eux, la pression des réseaux sociaux et de la base militante ne devrait pas dicter les décisions politiques, et cet épisode pourrait instaurer une instabilité institutionnelle durable.

L’opposant Thierno Alassane Sall TAS (République des valeurs) n’a pas manqué d’ironiser sur la situation, en déclarant : “Pauvre Diomaye, sommé de se renier devant les Sénégalais après la nomination de Samba Ndiaye, membre de sa coalition.” Pour l’ancien ministre de l’Énergie sous l’ère Macky Sall, l’indignation actuelle semble sélective et politiquement calculée, étant donné que certains militants étaient restés silencieux lors de nominations d’anciens membres du régime de Macky Sall.

Transhumance politique : un débat récurrent

Ce désaccord autour de la nomination de Samba Ndiaye soulève un débat plus large sur la “transhumance politique” et les alliances de circonstance. Une pratique bien ancrée dans le paysage politique sénégalais. La question de l’inclusion d’anciens cadres d’autres partis, comme l’APR, interroge sur l’identité politique de Pastef, un parti qui s’est construit autour d’un discours d’intégrité et de rejet des pratiques anciennes.

Pour de nombreux militants, la transhumance politique constitue un frein à la cohérence du projet, donnant une impression de fragilité idéologique et de concessions stratégiques. La nomination de Samba Ndiaye, ancien directeur général des Grands trains du Sénégal, incarne également le dilemme auquel est confronté Pastef : demeurer fidèle aux idéaux de ses débuts ou se montrer pragmatique en acceptant les soutiens d’anciens adversaires pour solidifier son assise politique.

Vers une réconciliation ou une fracture durable ?

Peu après les déclarations de Diomaye Faye et de Sonko, Samba Ndiaye lui-même a réagi via la plateforme X, remerciant le président et le Premier ministre pour la confiance placée en lui. Il a promis de défendre le projet du gouvernement, notamment en faveur de la “souveraineté” et du “développement pour tous”.

Le Projet, dans le sillage de la souveraineté, sera soutenu en toutes circonstances. Merci à Son Excellence Monsieur le Président Bassirou Diomaye et à Monsieur le Premier ministre Ousmane Sonko pour la confiance placée en moi”, a-t-il affirmé.

Ce message, qui se veut rassembleur, n’a cependant pas suffi à dissiper les tensions, alors que les militants attendent des actions concrètes. Face à cette crise, le Pastef devra décider de la direction à suivre. La réaction de Sonko laisse entendre que des ajustements pourraient être opérés pour répondre aux préoccupations des militants, mais le maintien de Samba Ndiaye dans ses fonctions pourrait aussi renforcer l’idée que le parti se dirige vers une politique plus inclusive.

Cependant, ce virage pourrait être interprété comme un abandon des valeurs fondamentales du parti, risquant ainsi de décevoir sa base. Pour Bassirou Diomaye Faye, l'enjeu est de montrer qu’il est capable de maintenir la cohésion du parti sans renoncer à ses principes. En se tenant ferme sur la nomination de Samba Ndiaye, il envoie un signal fort de son leadership et de sa vision, bien que cela puisse renforcer le mécontentement au sein de son propre camp.

Quant à Sonko, sa prudence dans ses déclarations montre une volonté de préserver l’unité de Pastef, sans pour autant contredire ouvertement son président. Ce débat pourrait constituer une épreuve décisive pour Pastef, alors que le parti s'apprête à affronter les prochaines élections législatives.

Les réactions des militants et les réponses de leurs leaders dans les jours à venir, seront scrutées attentivement, car elles détermineront la capacité du parti à gérer cette patate chaude sans renier ses idéaux.

Cette affaire, bien plus qu’une simple nomination, incarne une réflexion profonde sur la nature et l’avenir de Pastef, un parti en pleine mutation, pris entre fidélité à ses origines et impératif d’élargir sa base pour garantir une majorité solide lors des prochaines élections.