NETTALI.COM - En raison des difficultés rencontrées par les entreprises des BTP, liées à l'arrêt des chantiers sur le littoral et à la dette intérieure non résorbée, la consommation de ciment au Sénégal a chuté de près de 25 %. Les ventes sont ainsi passées de 672 700 tonnes en août 2023 à 505 900 tonnes en août 2024, soit une baisse de 166 800 tonnes en un an, plongeant le secteur dans une grosse crise.

Dans un élan de transparence face aux dérives de gestion foncière de l’ancien régime, le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko a décidé, en mai dernier de suspendre tous les travaux de construction sur le domaine public maritime, notamment le long de la corniche de Dakar et sur la bande des filaos de Guédiawaye, ainsi que sur d'autres sites à travers le pays. Cette mesure, bien que temporaire, vise à évaluer et à régulariser les projets en cours pour garantir une utilisation durable des précieuses ressources maritimes.

Cependant, cette décision des nouvelles autorités a été fortement ressentie et  dénoncé par certains acteurs du secteur des bâtiments et travaux publics (Btp).

Aujourd’hui, les répercussions de cet arrêt des chantiers se font sentir, plongeant le secteur dans une crise qui n'épargne pas les cimenteries. Dans sa publication d’hier mercredi, le site cemnet.com, la revue internationale du ciment, révèle une réalité préoccupante : la consommation de ciment au Sénégal a connu une chute alarmante de près de 25 % au mois d'août dernier.

«Les ventes de ciment au Sénégal ont chuté de 24,9 % à 505 900 tonnes en août 2024 contre 672 700 tonnes en août 2023, selon le ministère de l’Économie et du Plan. La production des cimenteries nationales a diminué de 21,4 % à 647 000 tonnes en août 2024, contre 823 200 tonnes pour la même période de l'année précédente», souligne le site.

Bien qu'aucune explication ne soit fournie pour cette chute de production, le site précise que l'industrie cimentière sénégalaise a exporté 138 500 tonnes de ciment en août 2024, représentant une baisse de 17,5 % par rapport aux exportations de l'année précédente, qui étaient estimées à 167 900 tonnes.

Ces données troublantes sont corroborées par le bulletin mensuel des statistiques économiques et financières de l'Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) pour le mois d’août 2024. Selon ce bulletin, dans la seule région de Dakar, les ventes de ciment ordinaire 32,5R ont enregistré une chute de 1 724 tonnes en un an, passant de 73 514 tonnes en août 2023 à 71 790 tonnes en août 2024, soit une baisse de 2,3 %. Parallèlement, l’Ansd signale une diminution des exportations de ciment hydraulique, qui ont chuté de 2,516 milliards FCfa, s'établissant à 6,393 milliards FCfa en août 2024, contre 8,909 milliards FCfa en août 2023, marquant ainsi une baisse significative de 28,2 % en l’espace d’un an.

«Plus de 10 mille licenciements dans les Btp»

Cette chute de la production et des ventes de ciment au Sénégal est principalement attribuée à une demande nationale en forte diminution. Une baisse drastique de la production confirmée par un cimentier sous le couvert de l’anonymat, sans toutefois entrer dans les détails. Le chef d’entreprise aurait-il peur de représailles et pourquoi ? Les cimenteries installées dans le pays traînent-elles des casseroles fiscales ? Livrent-elles les vrais chiffres de leur production ? Motus et bouches cousues.

Contacté par notre rédaction, Diaraf Alassane Ndao, le secrétaire général du syndicat des travailleurs du BTP, a partagé son analyse sur cette situation préoccupante. Selon lui, la baisse des ventes de ciment découle directement de l'arrêt des grands chantiers de construction et de la dette intérieure qui pèse sur les entreprises du BTP. «Si les entreprises ne travaillent pas, comment vont-elles passer des commandes ? Pratiquement tous les grands chantiers sont à l’arrêt», déplore-t-il.

L’impact de cette paralysie est tangible. Sur le chantier de la boucle du Boudié, par exemple, confie Diaraf Ndao, des populations ont récemment manifesté leur désarroi face à la perte d’emplois de plus de 800 jeunes qui travaillaient sur ce projet. «C’est alarmant», commente le syndicaliste, soulignant que le secteur du BTP fonctionne comme une chaîne de valeur. Lorsque celui-ci est à l’arrêt, ce sont des milliers d'emplois qui s’évaporent. Mais, précise Diaraf Alassane Ndao : «La situation réelle dans les Btp est liée à deux facteurs : la dette non réglée et les chantiers stoppés. Aujourd’hui, rien que pour les grandes entreprises, nous faisons face à plus de 10 000 licenciements. Eiffage enregistre entre 1 500 et 1 600 licenciements, Cde dépasse les 900 licenciements et Soseter en est à plus de 1 000. Si l’on ajoute les entreprises sous-traitantes, le total des emplois perdus est bien au-delà des 10 000. Depuis que je suis dans le secteur du Btp, nous n’avons jamais connu une telle situation. Donc, la détresse des cimentiers est directement liée aux difficultés rencontrées par les entreprises du Btp.»