NETTALI.COM - Abass Fall du Pastef qui appelle ses militants à prendre leur revanche "par force", avec armes, couteaux, machettes etc pour se venger. Une sortie qui en a choqué plus d’un. A 4 heures dans la même nuit, le siège du parti "Taxawu Sénégal" qui est pris d’assaut et incendié par plus d’une vingtaine de personnes, armés de coupe-coupe, d'armes à feu, de cocktails molotov causant beaucoup de dégâts matériels déplorés tels que des véhicules de Taxawu saccagés, des vitres brisées, des tee-shirts stockés endommagés, locaux incendiés, sans oublier d'autres dégâts matériels.

Ces deux camps qui se regardent en chiens de faïence, « Taxawu Sénégal » et Pastef, cela date en effet de la période du Dialogue national organisé par l’ancien président Macky Sall, en mai 2023.

Le leader de « Gueum sa boop », détenu à la prison de Tamba, est finalement libéré, mais condamné pour «refus d’obtempérer » à un mois avec sursis, tout en étant relaxé pour les délits d’outrage à agent et de rébellion, après avoir été déchargé à la barre par les mêmes gendarmes qu’il était censé avoir outragé ou violenté !  Abasse Fall n’est pas lui pour le moment inquiété et poursuit tranquillement sa campagne. Et même à supposer qu’on l’ait attaqué, il ne peut se prévaloir de la légitime défense. En tout cas pas de cette manière-là.

Le convoi de Pastef à Koungheul est attaqué et l’on peut voir dans ces images qui circulent sur les réseaux sociaux, cet agent de sécurité qui tire un coupe-coupe de son fourreau pour faire fuir les assaillants.

Voilà une partie du spectacle qu’il nous a été donné de vivre en ce début de campagne des législatives.

Une campagne des législatives, théâtre d’affrontements sans merci

De la violence dans un contexte pré-électoral ou disons-le politique, cela ne date pas de notre époque. Rappelons-nous des convois d’Abdoulaye Wade du PDS régulièrement attaqués par les caciques du Parti socialiste. L’on se souvient en effet de celles de Rufisque en 2000 qui avaient d’ailleurs conduit au saccage du domicile de Mbaye Jacques Diop. En 2007 aussi, soulignons-le, lors de la présidentielle, la maison d’Idrissa avait été attaquée au Point E. De même, en 2012, lors de la campagne présidentielle, le convoi de Macky Sall avait été attaqué à Kébémer, fief de Me Wade, à Saint-Louis par les partisans de Ameth Fall Braya. L’on peut également citer le « Nemekou tour » de Pastef en 2019, celui d’Ousmane Sonko a été attaqué et c’est Benno Book Yaakaar qui a été mis en cause.

L’on n’occultera pas la période sombre pendant laquelle, ont eu lieu les affrontements sans merci entre le parti d’Ousmane Sonko et le régime de Macky Sall, sur fond de saccages de biens publics (Stations BRT, bus Dem Dikk, administrations, etc) et privés (stations d’essence, magasins Auchan, agences de banques, maisons de dignitaires attaquées etc), d’attaques aux cocktails molotov, et son cortège de morts.

Tout cela pour dire qu’on n’est pas encore sortis de l’auberge puisque tout parti ou coalition attaqué, sera tenté de riposter.

Relevons tout de même que cette violence physique notée, n’est en réalité que la conséquence de cette violence verbale que l’on a constatée par médias interposés, réseaux sociaux, marquée par des invectives, menaces, discours musclés, calomnies et accusations non étayées sur fond de dénigrement. Que peut-il se passer d’autre si ces hommes politiques se rencontrent alors ? Inévitablement des affrontements et heurts.

Des velléités de débat, il y en a eues. Mais cela semblait plus relever de la surenchère verbale qu’autre chose. La campagne aurait pourtant pu être plus productive pour les électeurs qui auraient écouté ce que les candidats ont à proposer.

Ce qui est noté, ce sont de rares propositions structurées, mais plus des piques, menaces, railleries, dénonciations sans fondement véritable. Telles celles d’Ousmane Sonko. Au cours de ce meeting à Ziguinchor au cours duquel, il a ravivé le débat sur l’affectation du général Kandé en tentant de justifier la mesure du Gouvernement, estimant que « personne n’a sanctionné un militaire parce qu’il combattait la rébellion ». Il précisera même que « cette destitution du Général est faite en se conformant à un rapport relatif à certaines manigances dans le but de saboter la dernière élection présidentielle», tout en assurant qu’elle n’a rien à voir avec le conflit casamançais. Le hic est que le leader du parti Pastef ne s'en est pas limité là puisqu'il a menacé de prison ceux qu’il considère comme des « apprentis politiciens qui s’agrippent au problème de la Casamance pour avoir de la matière politique. »

Des menaces qui ont poussé le journaliste Cheikh Yérim Seck qui s’est senti visé par les menaces d’Ousmane Sonko, à réitérer ses propos sur sa page X. Propos selon lesquels, le fait d’affecter ce général qui a combattu et vaincu les rebelles, est source d’inquiétude chez lui. Aussi, le journaliste a-t-il invité la patron du Pastef à aller consulter Google, ajoutant que si le Premier ministre devait emprisonner, il emprisonnerait 200 à 300 intellectuels sénégalais qui se sont inquiétés de cette affectation. Yérim Seck ne demande dès lors, ni plus, ni moins au PM à qui il attribue ses deux jours de garde à vue et qui lui a promis de l’emprisonner jusqu’à ce qu’il pourrisse, de respecter la justice, estimant qu’elle est remplie de valeureux magistrats.

Même son de cloche chez Abdoul Mbaye qui ne rate jamais l'occasion d'apporter la réplique à Ousmane Sonko, lui rappelant qu'il n'est pas un procureur et encore moins un juge pour envoyer quelqu'un pourrir à Rebeuss. A travers un message sur X, Abdoul Mbaye sermonne ainsi le président du Pastef à qui il a fait savoir que « la place publique n’est pas un lieu pour s’en prendre à l’honneur d’un militaire, à fortiori général d’armée », lui enjoignant d’ utiliser « les procédures idoines qui existent au sein de la grande muette pour traiter et sanctionner les faits gravissimes » qu’il a dénoncés.

Abdou Mbow n’a pas lui manqué de rappeler à Ousmane Sonko, que les questions de Sécurité nationale ne se discutent pas sur la place publique, estimant au passage que le premier ministre, « en se livrant à cet exercice, a montré, une fois de plus, qu'il n'est pas à la hauteur de la gestion du pays».

Des déclarations, Ousmane Sonko en a beaucoup faites. Déclarations selon lesquelles, la prison de Rebeuss a été vendue à 8 milliards alors qu’il aurait pu en coûter 40 ; sans oublier celle du Cap manuel aussi ; de même que celle sur les 1000 milliards trouvés dans le compte d’un dignitaire de l’ancien régime ; ou encore les 47 milliards de commission que se sont partagés des dignitaires de l’ancien régime. Difficile de savoir où tout cela nous mène, si ce n’est une volonté de salir sans toutefois apporter des preuves de ses allégations et les identités des concernés.

Dans d’autres camps, comme « Samm Sa Kaddu », l’on critique le niveau d’endettement du Sénégal sous Diomaye qui a atteint les plus de 1000 milliards en 7 mois seulement, soit un surendettement excessif et un service de la dette insoutenable, avec un remboursement à opérer de 8125 milliards entre 2025 et 2029. Sans oublier une possible suppression des subventions sur l’électricité, les hydrocarbures et les denrées de première nécessité. Il a toutefois proposé une série de réformes sur le logement social, le pouvoir d’achat et l’aide aux étudiants.

Amadou Ba lui est d’ailleurs revenu sur ce débat qui n’a toujours pas eu lieu. L’ancien « professeur » de Sonko lui a proposé quelques travaux pratiques dans chaque département où ils pourront parler des problèmes et des solutions, sans oublier d’exposer les réalisations de l’ancien régime et qu’ils en débattent. Amadou Ba a même critiqué l’attitude du gouvernement quant à la gestion de la crue. S’exprimant aux victimes, il leur a dit : « vous y avez perdu plus de 1000 maisons et des milliers d’hectares de récoltes, j’avais pourtant alerté le 17 décembre » alors qu’Ousmane Sonko l’avait initialement invité, suite à la sortie de l’ancien PM qui l’avait titillé et répondu par rapport à d’anciennes attaques.

Abdoulaye Sylla lui s’en est pris à Sonko qu’il qualifie d’incapable, de ne faire que parler et d’errer.

L’affaissement du niveau des politiques

Du point de vue de la violence verbale et physique sur la scène politique sénégalaise, rien de nouveau sous le soleil. Si nouveauté il y a, elle réside sans nul doute dans l’affaissement du niveau des politiques (comme des autres secteurs d’ailleurs de la vie nationale) au point que le seul génie déployé est de type musculaire, à tel point que l’on ne peut manquer de s’interroger sur la force de propositions de nos hommes politiques. Il y a comme une sorte de carence qu’on cherche à camoufler avec la poussière de la meute. Disons que la politique s’est gravement dépréciée sous nos Tropiques. Il y a aujourd’hui comme une sorte de « rachitisation » continue des us et codes. La culture tik-tok ou fast-food empêchent les jeunes loups de la politique de proposer à leurs cibles, en majorité des jeunes, d’ailleurs de moins en moins cultivés avec un niveau d’études qui se déprécie sans cesse, des contenus structurés qui vont leur permettre d’avoir plus de lisibilité sur leur avenir. De ce point de vue, il y a une nette différence entre les hommes politiques actuels et leurs aînés, ceux-là qui avaient produit dans un document synthétique, à travers une approche inclusive de tous les pans de la société sénégalais, les Assises nationales avec le projet de réforme des institutions d’ailleurs toujours d’actualité. Ce sont des hommes à l’intégrité reconnue : Amadou Makhtar Mbow, Dansokho, Abdoulaye Bathily, Mamadou Lamine Loum, etc qui avaient réfléchi à cela non pas en bandant leurs muscles, mais dans la transpiration et l’éthique discursive.
On oublie souvent que la politique n’a pas commencé dans ce pays, ni en 2012, ni en 2019, et encore moins en 2024. Et qu’à des moments déterminés de la vie de cette jeune nation, les vertus de la discussion et l’intelligence consensuelle ont régulièrement pris le dessus sur les instincts basiques, guerriers, fermés et souvent suicidaires.

Il est d’ailleurs bien incompréhensible, avec toute l’expérience politique acquise par notre pays, depuis plus d’un siècle, qu’on en arrive là. Et que nos hommes politiques, se prennent encore et toujours pour des demi-dieux sortis de la cuisse de Jupiter ou des messies sans qui le Sénégal ne sera pas sauvé du sous-développement.

Entendons-nous bien : il ne s’agit point de condamner qui que ce soit. Mais, en démocratie, l’on ne peut s’appuyer sur la naïveté et l’ignorance des masses pour distiller toutes sortes de contrevérités ou balancer des accusations sans fondement. L’exigence de transparence n’est-elle pas une des pièces maîtresses de cet édifice en commun qu’on appelle République ?

Que comptent-ils vraiment proposer aux sénégalais, ces candidats à la députation comme programme si ce n’est de leur demander une majorité confortable pour gouverner ou pour cohabiter avec le pouvoir ?

La vraie question, au-delà du vote en leur faveur, est de savoir si les Sénégalais peuvent encore espérer quelque chose de leurs députés ? Au regard du mode de scrutin et de cette fameuse liste nationale dressée par les chefs de file, ils ne seront encore une fois de plus que les caisses de résonnance de ceux qui les ont placés sur telle ou telle autre position, dans telle ou telle autre liste.

Ce qui est attendu du pouvoir actuel, ce n’est point de dénoncer des détournement éventuels des anciens tenants du pouvoir, mais de transmettre les dossiers à la justice, si détournement il y a. Il s’agit au fond pour ces gouvernants de trouver des stratégies pour poursuivre la construction du pays, tout en corrigeant les insuffisances du passé. Parce qu’après tout, si les électeurs ont changé de gouvernants, c’est bien parce qu’ils sont conscients que ceux qui étaient là, ne faisaient pas leur affaire. Plus besoin de le leur rappeler 7 mois après. C’est tout simplement tenter de prêcher un convaincu.

De l’opposition, il est aussi attendu qu’elle soit un contre-pouvoir en dénonçant les écarts des tenants du pouvoir, mais aussi d’être une force de propositions pour le bénéfice de la population et de la démocratie.

Mais heureusement que dans la sphère politique, il existe quelques hommes qui de par leurs attitudes et postures responsables, enseignent chaque jour qu’on peut faire de la politique en étant mesuré, pas vulgaire et encore moins violent. Abdoul Mbaye, Thierno Alassane Sall, Idrissa Seck, Khalifa Sall, Amadou Ba, font partie de ceux-là. C’est sans doute leur expérience et leur maturité qui les y prédisposent.

Nos hommes politiques doivent se rappeler ces mots d’un sage Bambara : « lorsque le feu prend la savane, il ne fait pas la différence entre hautes et basses herbes ». Il ne discrimine en effet pas entre le sage, le pacifiste et le pyromane. Le feu ne connaît pas de frontières si ce ne sont celles que lui imposent d’autres forces. Le feu peut aussi densifier sa puissance destructrice en s’alliant avec d’autres forces qui l’attisent.

Que les jeunes loups se rendent juste compte que la politique n’a pas commencé avec eux et se poursuivra au-delà de leurs générations.