NETTALI.COM - Pendant que les opposants semblent plus en vouloir au Premier ministre Ousmane Sonko, le Président Diomaye fait face à une opposition dans son propre camp. Critiqué par des caciques du Parti, il a dernièrement fait des sorties pour marquer son territoire et son autorité.
“Puisque lui (Ousmane Sonko) a annoncé des mesures correctives, si vous voulez savoir quelles seront ces mesures correctives, c’est à lui qu’il faudra le demander, parce que c’est son propos.” Ainsi s’exprimait le président de la République Bassirou Diomaye Faye, il y a quelques jours, interpellé sur les critiques acerbes venant de son propre camp, suite à la nomination de Monsieur Samba Ndiaye comme PCA de la société nationale SN HLM.
Tout en disant comprendre les critiques de ses partisans, il justifiait sa décision en ces termes : “Ce que je veux dire par rapport à cette polémique, parce qu’il y a polémique, c’est que nous avons pris le pays dans un contexte où il y avait beaucoup de tension, des tensions jusque dans nos propres familles, avec des parents qui ne se parlent plus, des conflits entre des frères… Dieu a fait qu’il y a eu changement de régime et nous avons pris le pouvoir. Nous devons avoir un esprit de dépassement. Le projet tel que nous le concevons ne s’accommode pas de l’exclusion de parties importantes de la population”, commentait- il, citant en exemple le prophète Mohamed (PSL), mais aussi des figures comme Nelson Mandela en Afrique du Sud qui avaient tous pardonné à ceux qui leur avaient causé du tort.
Pour lui, le Sénégal a besoin de tous ses fils. Pour une des rares fois, depuis qu’il est au pouvoir, Diomaye prenait publiquement le contrepied de son Premier ministre Ousmane Sonko qui, quelques instants plus tôt, disait comprendre les contestataires qui exigeaient l’exclusion du transhumant. Sur sa page Facebook, le président du Pastef disait : “Chers militants et sympathisants, nous accusons réception des multiples expressions de votre indignation, suite à une nomination intervenue récemment…. Je puis vous assurer que le Président Diomaye qui a certainement pris la décision sur proposition alliée n’avait aucune connaissance des faits dénoncés.”
De l’avis du Premier ministre, Pastef “reste ouvert à collaborer avec tous les Sénégalais”, mais “fermé à toute personne impliquée dans une gestion scandaleuse ou ayant fait montre d’un zèle excessif dans l’inimitié contre le parti, ses leaders ou ses membres”, lançait-il avant d’ajouter : “Je ne doute pas que des mesures correctives idoines seront apportées au plus vite”.
Ce qui suscitait le plus de curiosité dans cette affaire, c’était surtout le rang des responsables qui étaient montés au créneau pour dénoncer de manière très violente la décision du président de la République. Parmi eux, le directeur général du Port autonome de Dakar Waly Diouf Bodiang, proche parmi les proches du Premier ministre. Il ordonnait presque au chef de l’Etat : “Enlevez Samba et dégagez Ndiaye.”
Embouchant la même trompette, la tête de liste de Pastef à Dakar, Abass Fall, traitait la personne nommée par le chef de l’Etat de “voyou” et exigeait purement et simplement son départ. “J’ai signé la pétition pour le départ immédiat d’un voyou qui nous a toujours insultés, nous et notre Pros. Samba Ndiaye doit dégager. Ses mains sont tachées du sang de nos martyrs”, protestait-il félicitant les contestataires pour leur “veille permanente”.
C’est donc à toutes ces attaques que répondait le président de la République qui n’a pas manqué de confirmer Samba Ndiaye. D’autant plus que, pour le Président Faye, Samba n’est pas, à ses yeux, transhumant, parce qu’il avait rejoint sa coalition avant l’élection présidentielle. D’ailleurs, c’était curieux que des responsables de premier plan s’en prennent à Samba Ndiaye, au moment où ils avaient tous gardé le silence à la nomination d’autres personnalités de l’ancien régime avec des parcours plus ou moins similaires. On pourrait en citer Aminata Touré devenue Haut représentante du président de la République, Serigne Guèye Diop qui a aussi été un proche collaborateur de l’ancien Président et qui n’a rejoint Pastef qu’à la veille de la Présidentielle, Lansana Gagny Sakho pour ne citer que ces derniers….
A ceux qui prétendent que Samba Ndiaye a été cité dans un audit d’un corps de contrôle, il faut rappeler qu’il est loin d’être le seul parmi les personnalités qui ont rallié le camp de la majorité. Et la liste continue de s’allonger en cette veille d’élections législatives avec des vagues de transhumance validées par le Premier ministre sur toute l’étendue du territoire.
Geste d’agacement ou ras-le-bol
En tous les cas, cet épisode aura le mérite d’avoir révélé un Diomaye qu’on a rarement vu, depuis qu’il est président de la République. Etait-ce juste un acte d’agacement temporaire pour donner un avertissement à ses détracteurs ou bien un tournant décisif dans le fonctionnement du nouveau régime ? Très tôt pour trancher.
En attendant les développements ultérieurs au sein du Pastef, Diomaye a encore posé ce week-end un autre acte qui montre une volonté d’être au-dessus de la mêlée, alors que jusque-là, beaucoup le prenaient comme étant dans la mêlée, malgré sa démission en tant que SG de Pastef. En effet, de retour de son voyage en Arabie Saoudite et en Turquie, le président de la République a réitéré son voeu d’une campagne apaisée et a promis des sanctions contre tous les responsables des violences notées durant la campagne. “Il a été noté des actes de violences par-ci et par-là. Il n’est pas admissible qu’un camp, quel qu’il soit, puisse s’en prendre à un autre. Les responsables de ces violences doivent assumer leurs responsabilités devant la loi avec laquelle ils sont entrés en conflit. J’ai instruit le ministre de la Justice de laisser la Justice faire son travail en toute sérénité sans partipris et sans précipitation, mais surtout sans faiblesse.”
Dans le même sillage, le président de la République a donné des instructions pour que les forces de défense et de sécurité assurent la sécurité de tous les convois. “Je demande aux procureurs d’être vigilants sur les actes qui sont de nature à troubler l’ordre public quel que soit le camp”, a-t-il insisté. Il faut noter qu’à ce jour les violences les plus notoires ont impliqué Pastef et Samm sa Kaddu à Dakar ; Pastef et Takku Wallu Senegal à Kounghueul.
Dans un communiqué publié suite à l’incendie du siège de Samm sa Kaddu à Dakar, le ministère de la Justice avait averti : “Dans le cadre de la campagne pour les élections législatives anticipées du 17 Novembre 2024, il a été constaté des agissements et propos susceptibles de revêtir une qualification pénale pouvant exposer leurs auteurs à des poursuites.” Ousmane Diagne annonçait déjà des enquêtes “pour situer les responsabilités” et appelait les protagonistes “à un respect strict des lois et règlements en vigueur”.
Ce communiqué, pour beaucoup, sonnait comme un recadrage de la tête de liste de Pastef à Dakar qui, dans une déclaration, invitait ses partisans à venir avec des armes à ses différents rassemblements, allant jusqu’à prétendre une certaine immunité dont jouiraient les auteurs d’actes de violences durant cette période électorale. La même nuit, des gens se sont rendu au quartier général de la liste Samm sa Kaddu pour y mettre le feu. Dans la foulée, le responsable avait présenté ses excuses publiques, mais le mal était déjà fait.
Dans sa dernière sortie, Diomaye parle également de la responsabilité des politiques qui doivent promouvoir la paix dans leur discours. “Je rappelle encore que les responsables doivent faire preuve de retenue et de responsabilité et comprendre que notre peuple a quelque chose de plus en Afrique que nous devons particulièrement préserver, parce que c’est notre denrée la plus précieuse : c’est sa stabilité. Cette stabilité n’est généralement remise en cause que dans le cadre d’affrontements politiques”, regrette le Président qui en appelle à une confrontation des idées.
Il convient de rappeler que ce n’est pas la première fois que la décision du président de la République est sérieusement remise en cause, y compris par des membres de son Gouvernement. Il y a quelques semaines, il avait donné des instructions pour l’ouverture d’un dialogue avec les acteurs de la presse. Le lendemain, le ministre de la Communication avait fait une sortie pour s’en prendre violemment aux patrons de presse. Aujourd’hui encore, aucun acte concret ne semble avoir été posé dans le sens d’une résolution du conflit.
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