NETTALI.COM - Mamadou Moustapha Ba a rejoint sa dernière demeure à Nioro, le mercredi 13 novembre 2024. Après neuf jours d’attente, sa famille et ses proches ont procédé à la levée du corps à l’hôpital militaire de Ouakam, devant plusieurs autorités. À Nioro, parents, amis, collègues et voisins ont prié pour le repos du défunt et fait de nombreux témoignages qui révèlent la dimension exceptionnelle de l’ancien ministre, affectueusement appelé “Bosquier”. Il a été enterré après la prière mortuaire de 17 heures.

C'est à une déferlante émotionnelle qu'on a assisté à Nioro où la dépouille mortelle de Mamadou Moustapha Ba est arrivée aux environs de 15 heures sous bonne escorte. Au moins plusieurs centaines de personne étaient sur les lieux. Le corps est porté sous terre, dans une ambiance folle d’hommes en pleurs. Les éléments des Sapeurs-Pompiers présents sur les lieux en évacuent, alors que les chants religieux sont scandés de tous bords. Nioro peut enfin respirer. Mamadou Moustapha Bâ repose désormais en paix sur la terre de ses aïeux.

Mais bien avant l'étape de Nioro, l’hôpital militaire de Ouakam a refusé du monde, le mercredi 13 novembre, pour rendre un ultime hommage mérité à un grand serviteur de l’État. Anciens enfants de troupe, anciens collègues, amis et proches, tous sont venus accompagner Mamadou Moustapha dans sa dernière demeure. La cérémonie de levée du corps s’est tenue dans la plus grande sobriété. Mais les témoignages ont été poignants, puissants et empreints d’une affection sincère pour le défunt.

Vous allez enterrer la personne la plus importante de sa vie…

Mercredi, on aurait dit que tout le Sénégal était venu dire un dernier adieu à son ancien ministre des Finances. Des personnalités de diverses obédiences politiques, sociales, culturelles, religieuses et économiques étaient présentes. Dans le recueillement, les nombreuses personnes présentes ont salué la mémoire de Mamadou Moustapha Bâ.

Dans la lignée des témoignages qui ont fleuri depuis l’annonce du décès et largement relayés par la presse, de nombreux autres aussi poignants ont été entendus, dans le cadre austère de l’hôpital militaire de Ouakam. Les membres de sa famille ont été les premiers à rejoindre le pupitre pour s’adresser à la foule présente.

Rappelant à quel point l’ancien ministre a été un digne fils de Nioro, le représentant de la famille s’est dit rassuré et tranquille par rapport à la destinée finale de Mamadou Moustapha. “Tout ce qu’il a fait pour les Daaras, pour les mosquées, pour les écoles et tout ce qu’il a fait pour les plus démunis, que Dieu le lui rétribue. Que le paradis céleste soit sa demeure éternelle. On dit souvent que si vous voulez savoir qu’une personne est bien, demandez à ses proches. Pour Moustapha, nous pouvons le confirmer”, a déclaré Saër Maty Ba.

Pendant ce temps, la sourate Al Baqara (La Vache) se faisait entendre en fond sonore, comme pour rappeler l’attachement du défunt au Saint-Coran. Chapelet à la main, une bonne partie de l’assistance multipliait les invocations et les prières.

Le représentant de la belle-famille s’est lui appesanti, sur les relations entre l’ancien directeur du Budget et son épouse Yacine Sall Ba. Il a affirmé avec force que cette dernière a perdu son meilleur ami et sa moitié. “Vous allez enterrer la personne la plus importante de sa vie. Elle dit que personne ne l’oublie, que chacun pense à lui dans ses prières, c’est la moindre chose qu’il mérite”, a lancé Abdoul Aziz Kébé à l’assistance.

“Les Anciens Enfants de Troupe, si fiers qu'il ait été et demeure l'un d'eux”

Mari, frère, beau-fils et collègue, Moustapha était, de ce fait, membre de plusieurs familles. Sa dépouille a été transporté sur les lieux par le biais de ses frères et camarades de la même promotion 1977 du Prytanée militaire de Saint-Louis. Bosquier, comme il était surnommé, défendait corps et âme ses différentes casquettes et montrait toujours son appartenance à la famille militaire. “Les Anciens enfants de troupe, dont je porte la voix ici, ne sont guère mécontents de l’ancien Bosquier. Bien au contraire, il se vante même qu'il ait été et demeure l’un d’eux.", rappelant au passage ce fameux slogan qui leur est si cher : "Enfant de troupe un jour, Ancien Enfant de troupe pour toujours’”, a témoigné le colonel Ibrahima Camara, président de l'Amicale des Anciens enfants de troupe.

Ce dernier ne s'est d'ailleurs arrêté en si bon chemin. Après avoir rappelé des extraits de témoignage du Général Mbaye Cissé, son camarade de promotion du Prytanée, de Makhtar Cissé, du Colonel Aziz Ndao et de Serigne Mbaye Thiam, aussi a-t-il rappelé le côté "multidimensionnel de l'homme, apprécié et respecté pour son humilité, son exquise courtoisie, son commerce facile, sa générosité, mais surtout pour son expertise inégalée dans son domaine. Celui-là que son camarade général a même appelé « l’Almamy des finances ou orfèvre des finances."

Bosquier, c’était surtout cet infatigable travailleur, ce travailleur acharné, rigoureux. Sa voix qui portait, trahissait sa passion. La passion, c’est justement ce qui le faisait bouger. L’endurance et la résilience aussi, il en fallait, et il en avait vraiment beaucoup. L’homme n’avait pas à vrai dire changé au fil de son ascension. De la Direction de la Coopération économique et Financière en passant par la Direction générale du budget, il était toujours égal à lui-même, armé de ce sacerdoce qui lui collait à la peau et qui ne l’avait jamais vraiment quitté. Il avait gravi les échelons marche par marche, sans relâche, toujours prêt à aller à l’assaut de solutions pour ce ministère si vital et stratégique au cœur de l’Etat du Sénégal. Toujours le dernier à quitter le bureau, l’on n’en était arrivé à nous demander à quel moment il voyait sa douce moitié Yacine et ses enfants.

Moustapha, c’est à la vérité un homme qui ne laissait pas indifférent. Il forçait l’admiration et le respect. Il était même, disons-le clairement amoureux de son métier. De sa science. Il suffisait pour s’en convaincre de se remémorer ses joutes avec les députés à l’Assemblée nationale où il faisait, avec ses envolées dont il était le seul à avoir le secret, preuve d’une pédagogie si rare pour convaincre son auditoire qui n’avait d’autre choix que lui faire, à la fin, un standing ovation. Les images des députés l’applaudissant sont encore fraîches dans les mémoires après un exposé d’une limpidité si rare et exquise. Un de ses contradicteurs député reconnu pour son côté coriace, même s’ils n’étaient pas toujours d’accord, l’a si bien rappelé dans son hommage posthume,.

Le budget, les finances, Moustapha le connaissait sur le bout des doigts. C’était un art chez lui, une expertise très forte.

“Tu prenais toujours soin de répondre à… chaque député”

Surnommé le “166e député” durant la dernière législature, l’ancien ministre des Finances a aussi gagné le respect de tous les députés qu’il a côtoyés lors du marathon budgétaire de 2023. “Les députés que nous sommes se rappelleront toujours ton sourire, de ta grande humanité, de ta grande courtoisie. Toi qui aimais cultiver l’art de la courtoisie. Et quelle que soit la difficulté, la puissance des interpellations, quelle que soit la situation dans laquelle nous étions, dans l’hémicycle, tu es toujours resté cet homme droit, à l’écoute et tu prenais toujours soin de répondre à l’interpellation de chaque député”, a témoigné le parlementaire Seydou Diouf.

Son collègue et successeur à la tête du ministère des Finances, Cheikh Diba, a conclu les témoignages en soulignant les valeurs professionnelles du défunt. “Mamadou Moustapha Ba était unanimement reconnu pour ses excellentes qualités professionnelles et humaines. Depuis plus de trente ans, il s’est illustré par sa passion acharnée pour le travail, sa parfaite maîtrise des dossiers, son esprit d’ouverture et sa capacité exceptionnelle à toujours trouver des solutions aux problèmes qui lui étaient soumis. Cela lui a valu respect et considération de la part de tous ceux qui ont travaillé avec lui”.

Les prières de l’imam Aliou Ba ont clôturé, la cérémonie de levée du corps de l’ancien ministre des Finances. Il a pu enfin retrouver sa terre natale où il repose désormais. La foule, nombreuse, venue l’accompagner, s’est lentement dispersée sous le chaud soleil de ce mois de novembre. Le cortège funèbre s’est mis en place. Direction Nioro. Mamadou Moustapha Ba s’en allant vers sa dernière demeure.