NETTALI.COM - Le réquisitoire dans l’affaire des assistants d’eurodéputés RN (ex-FN) fait grand bruit en France. Marine Le Pen, soupçonnée de détournement de fonds publics, pourrait être interdite de se présenter à la prochaine présidentielle. Outre deux ans de prison ferme aménageables, cinq ans d’inéligibilité sont également requis par le parquet contre la présidente du Rassemblement national.
Le risque pour Marine Le Pen est réel. Si, en début d’année prochaine, les juges du fond suivent à la lettre les réquisitions du parquet - deux ans de prison ferme aménageables et cinq ans d'inéligibilité - elle ne pourrait pas pas concourir à une quatrième présidentielle de suite. Il y aurait ce que l’on appelle en droit une “exécution provisoire”, c’est-à-dire l’impossibilité de suspendre la peine prononcée même en faisant appel. En l’occurrence, cinq ans sans pouvoir se présenter à une élection, à moins d’un nouveau jugement plus favorable. Et encore, il faudrait qu'il soit rendu avant la présidentielle de 2027.
“Empêcher la favorite à la présidentielle de se présenter ne serait pas digne d’une grande démocratie comme la France”, a déclaré, un brin inquiet, le député RN Thomas Menagé. L’élu d'extrême-droite se dit toutefois convaincu que le dossier contre le RN est “bancal”. Selon lui, “il n’y a pas eu d’enrichissement personnel” de la part de Marine Le Pen.
Il est reproché à la présidente du RN d’avoir orchestré, en tant que cheffe de parti, un système dans lequel les assistants de députés européens financés par l'UE étaient surtout utilisés pour des activités liées au RN, au détriment de leur mission parlementaire à Strasbourg.
Une classe politique divisée
La possible absence de la candidate Le Pen en 2027 inquiète en partie, y compris les adversaires les plus résolus. L’ancien ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, écrivait dès ce mercredi sur X : “Combattre Marine Le Pen se fait dans les urnes, pas ailleurs [...] évitons de creuser le fossé entre les citoyens et les élites”.
Chez le MoDem, qui a également été soupçonné de détournement de fonds publics via ses élus au Parlement européen, certains partagent cette position. “Je pense qu’elle ne doit pas être condamnée. Ça n’est pas juste et on pourrait penser qu’il y a une République des juges”, a déclaré Richard Ramos, député centriste pourtant connu pour des joutes très frontales avec l’extrême-droite dans l’hémicycle.
À gauche, cette levée de bouclier n’a pas du tout été suivie, au contraire. “Si Marine Le Pen ne peut pas se présenter, c’est parce qu’elle aura détourné des centaines de milliers d’euros d’argent public et qu’elle aura été condamnée pour cela. C’est l’un des principes fondamentaux de notre République, la même loi pour tous, puissants ou misérables”, a estimé le député PS Arthur Delaporte.
Il est rejoint par des personnalités de droite comme Xavier Bertrand, président LR de la région Hauts-de-France et dont l’accession à Matignon cet été avait été en grande partie empêchée par Marine Le Pen.
Les juges doivent rendre leur décision dans le courant du premier trimestre 2025. L’une des grandes questions à trancher : les faits reprochés au RN sont-ils suffisamment graves pour empêcher leur portevoix, qualifiée deux fois au second tour de la présidentielle, et pesant près de 11 millions de voix, de se présenter aux élections ? Dans tous les cas, les conséquences seront lourdes.