NETTALI.COM - Alors que d’aucuns misaient sur une éventuelle cohabitation, la réalité crue a révélé autre chose. Le peuple est resté logique et cohérent après avoir plébiscité Diomaye Faye, malgré le taux de participation quoique moindre que celui de la présidentielle. Ce taux provisoire de 49,72% est d’ailleurs bien meilleur que celui de 2022 qui était de 46,60%. Mais tous les Sénégalais savent que la présidentielle a été toujours plus courue que les législatives qui ont bien moins de cote sous nos cieux.

Mais comment le peuple pouvait-il ne pas donner les armes pour gouverner à la coalition Pastef, après avoir sanctionné le régime de Macky Sall, lors de la présidentielle, alors que la plupart des partis étaient alignés sur du moins de 1% ? Cela aurait assurément été illogique.

Ousmane Sonko a engagé un pari plutôt risqué qui était de partir avec sa propre coalition Pastef dans une logique qui consistait pour les autres soutiens de se ranger derrière. Soutiens pour certains que l’on ne peut, à la vérité, appeler que par le terme de « transhumants », malgré tout le vocable utilisé pour faire beau puisqu’apprend-on dans les rangs de Pastef, ceux-là auraient rejoint le dernier parti de leur propre chef. Bara Gaye n’est en tout cas pas de cet avis. D’autres ont tenu à rappeler que c’est Ousmane Sonko himself qui les a sollicités.

Confirmation

Mais comment décrypter ces résultats quoique provisoires de ces législatives, sans interroger les faits politiques de notre histoire électorale récente ? Le Président Abdoulaye Wade n’a par exemple eu aucun problème à confirmer sa légitimité lorsqu’il a sollicité le vote des Sénégalais lors des élections législatives d’avril 2001. La coalition “Sopi”, avec 49,59% des voix, obtenait 89 sièges de députés sur 120 dans la future Assemblée. On avait parlé, à l’époque de « vague bleue » devant un Parti socialiste déboussolé.

Aux élections législatives de 2012, les premières sous l’ère Macky Sall, la Coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) n’a eu aucune difficulté pour écraser le Parti démocratique sénégalais, obtenant avec 53,06% des voix, 119 sièges sur 150 face au parti de Wade qui n’obtiendra que 12 sièges pour 15,23% des voix.

Une descente en flèche qui continue pour la Coalition Benno Book Yaakaar lors des élections législatives sénégalaises de 2022 qui ont lieu le 31 juillet de la même année avec pour objectif de renouveler pour cinq ans les 165 membres de l’hémicycle. La coalition de Macky arrive en tête mais essuie un recul en perdant la majorité absolue des sièges qu'elle détenait depuis 2012, avec 46, 56% pour 82 sièges (contre 83 pour la majorité absolue) alors qu’Ousmane Sonko obtient 56 sièges pour 32,85% des voix, là où le PDS en obtient 24 pour 14, 46% des voix. Bénéficiant du ralliement post-électoral du député du parti Convergence démocratique Bokk Gis Gis, la coalition de Macky Sall, « Unis par l'espoir » parvient à conserver de justesse la majorité à l'assemblée nationale.

C’est dire que les élections législatives de ce 17 novembre 2024, qui viennent de livrer leur verdict, à confirmer par les institutions habilitées, ne sont une surprise que pour ceux qui méconnaissent les lignes de force qui caractérisent le comportement électoral des Sénégalais qui ont toujours confirmé la présidentielle pour les Législatives. Reste maintenant à voir la suite.

De grands perdants et des rescapés

Pour l’heure, les tendances lourdes accréditent le Pastef de 131 députés, Takku Wallu de Macky Sall et Karim Wade de 16 députés, Diam Ak Ndjerign d’Amadou Ba de 7 députés, Samm Sa Kaddu de Barthélémy Dias de 3 députés.

Mais l’on ne peut, même en interrogeant les faits politiques, occulter les grands errements dans l’opposition à Sonko, avec comme conséquences, de grands perdants : Macky Sall, Karim Wade, Barthélémy Dias, Serigne Moustapha Sy, Bougane Gueye Dani...

Le premier perdant reste l'ancien Président Macky Sall, qui avait pris le risque de porter la liste Takku Wallu Sénégal sans oser se présenter sur le territoire national. Sa campagne via WhatsApp avec une mission presque impossible à la Karim Wade, celle qui consiste à gérer la campagne à distance avec des troupes désorganisées et ne sachant plus sur quel pied danser, n'a visiblement pas pu mobiliser les électeurs. Ce qui était déjà perceptible sur le terrain, où ladite coalition était quasi introuvable. Il était même impossible d'avoir leur programme pour suivre leurs activités.
Son principal allié, le Parti démocratique sénégalais, fait aussi partie des grands perdants, lui qui avait accepté de faire cause commune avec son pire ennemi. Le vote de Touba est la preuve la plus éloquente que ce choix très hasardeux n'a pas eu l'adhésion de la base, qui avait déjà montré sa détermination d'en finir avec l'ancien Parti au pouvoir et son leader Macky Sall. Le Parti des Wade va sans aucun doute regretter doublement d'avoir misé sur le mauvais cheval qu'il a toujours combattu.
En plus dans cette coalition, figurait le plus grand absent de tous les temps, Karim Wade maintes fois annoncés à Dakar et jamais présents. Il n’est en réalité devenu que cet homme politique fantôme auquel personne ne pense plus vraiment, oublié qu’il est par un PDS qui s’est progressivement vidé de sa crème. Y compris son oncle Doudou Wade, Tafsir Thioye et Cie. On aurait dit même qu’il œuvrât à faire éclater le parti créé au fil des ans par son père, en mille morceaux.

À côté des deux chefs libéraux, Barthélémy Dias risque aussi de se mordre les doigts au sortir de ces élections législatives. Battu jusque dans son fief, le maire de Dakar, présenté jusque-là comme l'héritier de Khalifa Ababacar Sall, pourrait voir sa légitimité remise en cause dans son propre camp. Pour le moment, il peut continuer de jouir de son poste de maire de la capitale, mais n'aura aucun cadeau de la part des nouvelles autorités.
On pourrait en dire autant du Parti de l'unité et du rassemblement (PUR) de Serigne Moustapha Sy, qui perd aussi gros avec ces élections. Membre de la coalition Sàmm Sa Kaddu, le parti du guide des moustarchidines wal moustarchidates risque d'avoir très peu de représentants par rapport à la législature sortante, où il avait une dizaine de députés.

Face au tsunami Pastef, même s’il y a quelques rescapés, ils sont rares les responsables de l’ancienne majorité à avoir conservé leur base. Dans le Fouta, Farba Ngom, Daouda Dia, Moussa Bocar, Mory Diaw et Amadou Dawa Diallo se sont imposés face aux transhumants. Dans le Centre : Adama Diallo fait mieux que Macky Sall, en s’imposant à Gossas. Dans le Sud-Est : Goudiry reste fidèle à Macky Sall.

Une génération devra en tout cas se rendre à l’évidence et faire le deuil de ses ambitions et accepter une retraite politique, même si, dans ce domaine au Sénégal, on a du mal à tirer les conséquences de ses échecs et tourner la page.

Quant à Macky Sall, il court sans aucun doute le risque d’être traduit devant la justice pour haute trahison. Ce qui ne sera toutefois pas simple puisqu’il ne se laissera pas faire, mais aussi parce que la procédure ne sera pas aussi aisé qu’on le pense.

Pour Ousmane Sonko, ce sera désormais le temps de l’action et non plus celui des accusations, dénonciations et autres. Il semble qu’il n’aura plus de temps pour cela puisqu’il devra désormais s’atteler à mettre en place une bonne représentation à l’Assemblée nationale, de manière à engager les réformes contenues dans l’agenda de transformation systémique 2050 et qui sont de déconstruire un système toujours aussi présent. Ce qui ne sera pas chose aisée.

Reste en tout cas à voir la suite. Car, le piège pour les actuels tenants du pouvoir serait d’interpréter ce score comme une licence à tout faire. Bien décrypter ce message, c’est de comprendre que le peuple souverain donne toutes les clefs à Diomaye et Sonko, en se donnant les moyens de les sanctionner, s’ils ne se hissent pas à la hauteur des attentes et des enjeux de l’heure.