NETTALI.COM - Le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a invité, dimanche, à Thiaroye, dans la banlieue de Dakar, son pays et le Sénégal à "cultiver l’amitié sur les fondations d’une mémoire qui rassemble".
"Et si la France reconnait ce massacre, elle le fait aussi pour elle-même car elle n’accepte pas qu’une telle injustice puisse entacher son histoire. (…) Cultivons l’amitié entre le Sénégal et la France sur les fondations d’une mémoire qui rassemble plutôt qu’une mémoire qui divise", a-t-il déclaré.
Il s’exprimait aux commémorations du 80ème anniversaire du massacre des tirailleurs au camp de Thiaroye. La cérémonie a été présidée par le chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, en présence de ses homologues de la Mauritanie Mohamed Ould Ghazouani, de la Gambie, Adama Barrow, de la Guinée-Bissau, Umaru Sissokho Emballo, du Gabon, Brice Oligui Nguema , et des Comores, Azali Assoumani.
Le Premier ministre Ousmane Sonko et plusieurs membres du gouvernement, des autorités militaires, des élus, des représentants de missions diplomatiques et d’Institutions internationales accrédités au Sénégal, étaient présents à cette commémoration. Des délégations du Cameroun, de Djibouti, du Tchad, du Burkina Faso, entre autres ont pris part à cette cérémonie.
Jean-Noël Barrot a rappelé le parcours de ces tirailleurs, depuis leurs villages jusqu’aux champs de bataille où ils se sont illustrés ‘’par des exploits sanctionnés par de si nombreuses citations et décorations militaires’’.
Selon lui, "rien ne peut justifier que des soldats de la France aient ainsi retourné leurs canons contre leurs frères d’armes’’.
"Les douleurs encore si vives provoquées par cette plaie béante dans notre histoire commune, seul un travail de mémoire peut conduire à les apaiser", a-t-il dit.
Il a ajouté qu’il "n’y a pas d’apaisement sans la justice. Il n’y a pas de justice sans la vérité. La vérité, l’histoire et la mémoire ne sont pas des postures, mais des processus portant une part de complexité devant lesquels nous ne devons pas reculer’’.
C’est pourquoi, a-t-il souligné, "la transmission des archives a été décidée en 2014’’ et que la France a ‘’accueilli une mission d’étude des archives que vous avez mandatée, qui contribue aux travaux du Comité de commémoration dirigé par le professeur Mamadou Diouf’’.
"C’est la raison pour laquelle le président de la République vous a écrit, monsieur le président, pour vous dire que la France se doit de reconnaître que ce jour-là s’est déclenché un enchaînement de faits ayant abouti à un massacre’’, a soutenu Jean Noël Barrot.
Le ministre français a appelé à inventer "ensemble ce nouveau dialogue, franc, et respectueux des intérêts et des valeurs de chacun, transparent sur les objectifs, juste quant à la réalité des actes, juste quant à la réalité au récit qui les entoure ».
Il a rappelé que le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye et son homologue français Emmanuel Macron Macron ont posé le 20 juin 2024, à Paris "les bases d’un partenariat renouvelé fondé sur le respect mutuel, au service des intérêts réciproques de nos deux peuples, unis par des valeurs démocratiques partagées et une relation d’amitié’’.
Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a déclaré, jeudi, que son homologue français lui a adressé une lettre dans laquelle Emmanuel Macron affirme que "la France se doit de reconnaître’’ qu’il y a eu un ‘’massacre’’ dans le camp militaire de Thiaroye, en périphérie de Dakar, le 1er décembre 1944.
Dans cette lettre, le chef de l’État français écrit que "la France se doit de reconnaître que ce jour-là, la confrontation de militaires et de tirailleurs qui exigeaient que soit versé l’entièreté de leur solde légitime, a déclenché un enchaînement de faits ayant abouti à un massacre’’.
Ce pas consistant à reconnaître que c’est un massacre doit ouvrir la porte à une collaboration parfaite pour la manifestation de toute la vérité sur ce douloureux évènement de Thiaroye, avait ajouté le chef de l’Etat au micro de plusieurs médias français.
Le 1er décembre 1944, des soldats d’Afrique subsaharienne appelés tirailleurs sénégalais ont été tués à l’arme automatique dans le camp de Thiaroye, à une quinzaine de kilomètres de Dakar, par l’armée coloniale pour avoir réclamé le paiement de leurs arrières de solde et diverses primes et indemnités.
Le bilan de 35 morts donné par les autorités françaises, estimé à dix fois plus par des historiens, est l’une des grandes pommes de discorde entre Paris et les Etats africains, dont étaient originaires les 1 600 soldats démobilisés après avoir participé à la libération de la France lors de la seconde Guerre mondiale.